L’enseignant comme « designer » de dispositif d’enseignement/apprentissage

Auteur(s) :
Adé, David (Université de Rouen; UFRSTAPS; CETAPS (EA 3832))
Jourand, Clément (Université de Rouen; UFRSTAPS; CETAPS (EA 3832))

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Mots clés :

approche orientée-activité
objets matériels
Cours d'action
formation
EPS
Atelier(s) :

1C
Thèmes :

Axe 1 : Le travail enseignant au quotidien
Public : Maternelle
Public : Primaire
Public : collège
Public : lycée professionnel et lycée
Démarche : enquête, étude qualitative

Résumé :

L’enseignant comme « designer » de dispositif d’enseignement/apprentissage

Dans son travail au quotidien, l’enseignant a la responsabilité d’organiser des conditions favorables pour aider les élèves dans leurs apprentissages. Ces conditions comprennent entre autre l’environnement dans lequel il va déployer son activité professionnelle. Bien que les réflexions relatives à la place et aux rôles des objets matériels restent marginales dans le domaine des sciences humaines et sociales, des travaux récents dans des approches scientifiques variées ont pointé l’importance de la place et du rôle des objets matériels dans les situations d’intervention scolaire et de formation professionnelle (Adé et de Saint Georges, sous presse). Ces travaux s’accordent entre autre (a) sur les dimensions situées, instrumentées et dynamiques de l’apprentissage, (b) la participation des objets à l’activité collective en classe et (c) à la nécessité de dépasser une conception des objets comme « périphérique » aux situations d’enseignement/apprentissage. Aussi, cette communication a pour but de questionner les processus sous-jacents à la place et au rôle des objets souvent définis comme des « médiateurs », et à mettre en avant une facette du travail ordinaire des enseignants restant dans l’ombre : les relations enseignant/objets de la leçon.
Nous présentons des résultats issus de deux études dans le cadre de l’enseignement de l’Education Physique et Sportive (EPS) qui nous semble particulièrement rendre compte de la place et du rôle des objets matériels dans le travail enseignant, dans la mesure où les enseignants d’EPS sont souvent dans l’obligation de « domestiquer » les lieux en déplaçant et organisant dans l’espace de nombreux objets pour enseigner. La première étude a été conduite en collège avec 4 enseignants d’EPS stagiaires en deuxième année de formation ; la deuxième en école primaire avec une enseignante experte. Ces deux études contrastées par le niveau d’enseignement et d’expertise des enseignants et par les disciplines sportives supports pour vérifier l’hypothèse de l’impact des objets sur le travail enseignant, ont été analysées dans le cadre théorique et méthodologique du cours d’action (Theureau, 2006). Deux catégories de données ont été recueillies : des données d’enregistrement au cours des leçons ; des données de verbalisations lors d’entretien d’autoconfrontation. Sur la base de ces données et pour chaque leçon, nous avons reconstruit le cours d’action puis l’articulation collective des cours d’action des enseignants et de certains élèves dans les situations où les objets de la classe étaient significatifs pour eux.
Nos résultats montrent la participation des objets de la leçon (1) à des négociations implicites entre les enseignants et les élèves, (2) à des ritualisations et (3) à la dynamique d’engagement des élèves. Au cours des situations, les actions des élèves et de l’enseignant ainsi que les fonctions des objets se modifiaient. Les transformations des modalités d’usages des objets dévoilaient la prise en compte par l’enseignant et les élèves de leurs préoccupations réciproques et participaient à la viabilité de la situation d’enseignement. Les enseignants utilisaient quelquefois de façon récurrente des objets identiques pour faire face à des situations similaires. Ces modalités les aidaient à restreindre le champ des possibles des objets pour ritualiser l’interaction enseignant/élève et être plus efficaces. Enfin nos résultats montrent que les préoccupations des élèves sont étroitement liées aux caractéristiques matérielles des objets qui constituent un « potentiel praxique » propre à chaque élève et susceptible d’évoluer.
Au regard de ces résultats nous présentons deux lignes de discussion. La première considère les objets de la leçon non plus comme l’interface entre l’enseignant et les élèves mais comme des médiateurs du couplage acteur/situation (Varela, 1989) dans le sens où ils participent à la définition du répertoire des actions possibles. La deuxième envisage la situation d’enseignement dans le triptyque enseignant/objets/apprenants et invite à qualifier l’enseignant de « designer ». Le travail enseignant s’est aussi créer un dispositif dans lequel les objets et leur agencement spatial sont à la fois des « appels » pour l’enseignant à guider une réponse attendue, et des « potentiels d’action » pour les apprenants. Cette complexité nous semble devoir être intégrée dans le cadre de la formation des enseignants.
Références
Adé, D., de Saint Georges, I. (Eds). (sous presse). Les objets dans la formation. Usages, rôles et significations dans des situations variées. Toulouse : Octarès.
Theureau, J. (2006). Le cours d'action : Méthode développée. Toulouse : Octarès.
Varela, F. (1989). Autonomie et connaissance. Essai sur le vivant (P. Bourgine et P. Dumouchel, trad.), Paris : Seuil.