Analyse de la diversité des pratiques d’enseignement des mathématiques à l’école.

Auteur(s) :
MALABRY, Yvan (Universite Cergy. IUFM Versailles)

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Mots clés :

didactique des mathematiques
pratiques enseignantes
Atelier(s) :

1B
Thèmes :

Axe 1 : Le travail enseignant au quotidien
Axe 3 : Les dimensions professionnalisantes du travail enseignant
Public : Primaire
Démarche : enquête, étude qualitative

Résumé :

Dans notre recherche, « Conceptualisation, médiation et pratiques des enseignants », nous avons voulu savoir comment procèdent concrètement les enseignants à l’école élémentaire pour mettre en œuvre les enseignements mathématiques. Comment ces pratiques s’organisent-elles réellement en fonction des conditions du « terrain », loin des IUFM et loin des modèles théoriques issus de la recherche ? Et comment cette connaissance des pratiques « réelles » pourrait permettre de favoriser une évolution positive des enseignements et favoriserait ainsi les apprentissages des élèves ?
Nous avons ainsi analysé 74 protocoles correspondant à des séances de mathématiques dans le domaine numérique. Nous les avons recueillis lors d’observations de classes du Val d’Oise, du CP au CM2 (classées ou non en ZEP). Toutes ces observations ont fait l’objet de comptes-rendus écrits (nos protocoles) rapportant le plus fidèlement possible tous ces éléments constitutifs des séances de mathématiques.
Pour analyser ces protocoles, nous les avons d’abord regroupés en fonction du contenu mathématique, en trois grands champs conceptuels : les structures additives, les structures multiplicatives et la numération (Vergnaud). Puis nous avons considéré en première hypothèse que les pratiques devaient avant tout favoriser la conceptualisation des connaissances. Après avoir défini les paramètres majeurs participant à l’élaboration des concepts mathématiques, nous avons alors cherché la présence de ces processus de conceptualisation dans les différents protocoles observés.
Notre deuxième hypothèse suppose que la médiation des enseignants doit actionner ces paramètres de conceptualisation. Nous avons alors analysé les protocoles en cherchant à repérer deux niveaux de médiation : Un premier niveau en observant les interactions individuelles entre l’enseignant et les élèves selon les fonctions d’étayage analysées par Bruner dans les processus d’interaction de tutelle ; et un deuxième niveau, en observant les déroulements des séances selon les situations didactiques de Brousseau. Il nous paraissait intéressant d’associer ces deux niveaux de médiation : l’un, celui de Bruner, où l’on commence par étayer pour ensuite mieux « désétayer » et l’autre, celui de Brousseau, où au contraire, au départ on étaye le moins possible pour mieux étayer ensuite.
Cependant, nous avons constaté avec ces données que les pratiques des enseignants relèvent d’une très grande diversité et que ces deux niveaux ne sont pas aussi nettement identifiables et apparaissent le plus souvent imbriqués. Alors pour mieux analyser les données, nous avons pensé à associer les deux fonctions d’apprentissage et d’enseignement plutôt que de les opposer comme le fait de manière provocatrice Giordan quand il affirme : « Enseigner n’est pas apprendre ».
Nous en arrivons alors à parler de la médiation du "temps d'apprentissage" et de la médiation du "temps d'enseignement", sans oublier la médiation du « temps de développement ». Nous avons appelé "temps d'apprentissage", le temps consacré à l'activité relativement autonome et opératoire des élèves ; le "temps d'enseignement", le temps de la parole propre de l'enseignant et consacré à l’explicitation ; et le "temps de développement", le temps suffisamment long dans lequel s'inscrivent les activités de classe. Cette segmentation nous a permis de mieux envisager la médiation de l’enseignant en prenant en compte les deux niveaux cités tout en cherchant à repérer les paramètres de conceptualisations retenus.
Nous avons alors élaboré une classification faisant apparaître sept « styles de médiation » (en référence aux « styles d’enseignement » de Postic) :
Dans une première catégorie, nous en avons déterminé deux styles où la médiation est moins basée sur un mode opératoire de l’élève que sur un mode discursif de l’enseignant. Tous les élèves sont confrontés en même temps à des tâches répétitives (en exécutant des consignes successives par exemple). Leur différence tient dans le temps de réflexion accordé. Ces deux styles correspondent d’ailleurs à des pratiques assez courantes, utilisant notamment de manière minimaliste un fichier (l’enseignant invitant les élèves à effectuer les exercices, les uns après les autres, pages après pages, après des explications collectives des notions en jeu et avant une correction).
Dans une deuxième catégorie, nous avons classé trois autres styles organisés principalement autour d’activités de résolution de problèmes et s’effectuant avec des formes de guidage. Suivant le style, ces dernières peuvent être individuelles et s’apparenter aux fonctions d’étayage de Bruner, ou être collectives ou encore établies avec un document d’accompagnement où le problème est découpé en étapes.
Dans une troisième catégorie figurent deux autres styles «hybrides». Ils fonctionnent avec une dévolution des problèmes aux élèves et comportent des phases ayant des rapports différents au savoir (Brousseau). Des formes de guidage peuvent aussi, selon le style, s’apparenter aux fonctions d’étayage de Bruner ou s’organiser à l’aide de documents conçus pour faciliter l’explicitation.
Nous pensons qu’il est possible dans le cadre de la formation des enseignants de s’appuyer sur ces éléments de classification pour favoriser une évolution positive des pratiques, notamment en identifiant et en interagissant sur ces variables que sont les paramètres majeurs de conceptualisation. Dans ces dispositifs de formation, cette typologie peut notamment aider les enseignants à prendre conscience du type de style auquel appartiennent leurs pratiques notamment à partir de l’analyse des protocoles emblématiques (protocoles représentant chaque style). Ils peuvent alors y repérer la présence ou non des principaux paramètres connus comme des éléments favorisant la conceptualisation des connaissances et la manière dont ils sont mis en place. La comparaison consciente (ou inconsciente) avec leurs pratiques personnelles peut les amener à modifier positivement celles-ci, notamment en agissant sur ces variables que sont les paramètres de conceptualisation.