"trucs" et "sens" : une convocation de la didactique disciplinaire par l'activité d'analyse dialogique de l'activité de travail des enseignants débutants en formation

Auteur(s) :
Meignan, Youri (Rectorat de Dijon)
Masson, Claire (Agrosup-Dijon)

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Mots clés :

analyse de l'activité
didactique des disciplines
développement
didactique professionnelle
formation
clinique de l'activité
métier
Atelier(s) :

5C
Thèmes :

Axe 3 : Les dimensions professionnalisantes du travail enseignant
Public : collège
Public : lycée professionnel et lycée
Démarche : recherche-action
Démarche : étude de cas, approche clinique

Résumé :

"trucs" et "sens" : une convocation de la didactique disciplinaire par l'activité d'analyse dialogique de l'activité de travail des enseignants débutants en formation

L'objet principal de cette communication est d'interroger les capacités d'une activité d'analyse, menée par des enseignants débutants en formation, à développer l'activité professionnelle. A quelles conditions une activité d'analyse dialogique de l'activité de travail permet d'éprouver les ressources du métier et en particulier les rapports aux savoirs que peuvent entretenir réciproquement les activités de l'enseignant et des élèves.

La formation sur laquelle nous appuierons la communication est du type "initiale continuée". Elle a été proposée à 24 professeurs de collège, lycées généraux, technologiques ou professionnels au cours de leur 2nde année de titularisation en inter-disciplinaire pendant 6 jours filés tout au long de l'année. Elle vise (dixit le projet établit par les formateurs) à "construire une expérience de métier". Pour cela elle se fonde principalement sur la méthodologie de la "clinique de l'activité" développée en psychologie du travail (Clot, 2008 ; Roger, 2007). Cette méthodologie, ajustée ici aux besoins et contraintes de la formation professionnelle, consiste à construire un cadre pour que les professionnels (ici les stagiaires) deviennent les auteurs de l'analyse, progressivement collective, de leurs propres activités de travail. Suscitée par cette analyse avec les pairs, la transformation de leurs vécus en expériences professionnelles devient un instrument du développement professionnel (Mayen). Il s'agit en fait de conduire, en formation, une activité d'analyse de l'activité réelle afin de délier et relier de façons récurrentes (à partir d'image vidéo de l'activité en classe, d'abord seul avec le formateur, puis avec un pair, puis dans différentes groupes de formation) les composantes de l'activité professionnelle (les éléments de la situation, les gestes professionnels, les vécus subjectifs, les intentions, les prescriptions, les critères de validation du "métier", mais aussi le non-réalisé). Au cours de ces différentes étapes, la dynamique dialogique des activités d'analyse poussent les stagiaires à affiner l'acuité des observations et à repenser, par la recherche des mots pour les dire, les rapports entre les composantes de l'activité en la faisant circuler à travers les instances du métier (Clot, 2008). Ces auto-confrontations répétées et collectives des activités de travail deviennent des instruments pour pouvoir agir sur les manières de concevoir et conduire la réalisation de l'activité de travail.

Nous porterons notre attention sur une phase particulière de la formation. Il s'agit de la séquence composée de l'observation d'une séance de classe avec une des stagiaires professeure en mathématique, des entretiens en auto-confrontation simple (ACS) et croisée (ACC) avec une autre collègue-stagiaire, professeure de math elle aussi. Cette partie de la formation est intervenue après 2 jours de formation en groupe où il était question pour les formateurs d'une part de les mettre en questionnement sur l'enseignement et les savoirs, sur ce que l'on appelle des questions de didactique et de pédagogie et d'autre part de leur proposer une démarche de travail sur leur activité qu'il s'agissait de s'approprier pour aboutir à une participation à la démarche. Les matériaux produits par cette démarche (observation, ACC et ACS proposés à l'ensemble des stagiaires) ont ensuite été retravaillés lors des jours de formation suivants. Pour cette communication, nous nous intéresserons particulièrement à la production et au contenu de ce matériau, sans détailler l'ensemble de la formation.

A partir de l'observation par les stagiaires d'une séquence en classe de correction d'un exercice, les 2 stagiaires vont progressivement déployer une compréhension très complexe de cette séance mettant en rapport des manières d'être et de parler en classe, la disposition des élèves dans l'espace de la classe, des adaptations des cheminements intellectuels des élèves en fonction de leur niveau, des adaptations des exigences en fonction du niveau de la classe et donc de la manière dont a été constituée le groupe-classe dans l'établissement, leurs lectures des activités des élèves, des techniques didactiques, etc. C'est d'ailleurs en s'interrogeant sur l'un de ces choix didactiques (relatif aux implications de la numération décimale sur la multiplication par des puissances de 10 positives et négatives) que va se nouer pour elles l'alternance du "truc" et du "sens" comme principe de métier. Après l'avoir identifier et dénommer, elles vont en mesurer l'impact sur leur activité inscrite dans une institution.

Nous repèrerons d'une part les éléments de cette progression et d'autre part les conditions de cette reprise en main du métier. Nous caractériserons en particulier un cheminement possible à travers différentes formes d'activité d'analyse, depuis l'ACS, puis en participant à une ACC d'une autre séance et enfin au cours de l'ACC relative à cette séquence. Nous montrerons comment l'alternance entre le "truc" et le "sens" est devenue pour elles une convocation d'une didactique des mathématiques afin de pouvoir renouveler leurs compréhensions et leurs significations d'un geste de métier ajusté dans un contexte particulier d'une "classe de niveau" dans cet établissement. Ainsi bien plus que l'analyse d'une "erreur", la méthodologie mise en œuvre leur a permis de reprendre en main leur activité d'enseignement et, en réinterrogeant ses possibles, la développer. La mise en circulation dialogique des composantes de l'activité à travers les instances du métier a redynamisé un moteur dialectique entre une prise en compte de l'activité réelle – nécessairement synthétique – et les ressources des différents regards institutionnels et culturels – d'essence analytique - sur cette activité professionnelle.