"S'expliquer" entre professionnels pour "s'expliquer" avec les didactiques.

Auteur(s) :
Ruelland-Roger, Danielle (CNAM, CRDT (Centre de recherche sur le dévelopepemnt et le travail),Equipe clinique de l'activité)
Moro, Thérèse (CNAM, CRDT (Centre de recherche sur le dévelopepemnt et le travail),Equipe clinique de l'activité)
Matos, Sandra (CNAM, CRDT (Centre de recherche sur le dévelopepemnt et le travail),Equipe clinique de l'activité)

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Mots clés :

développement
savoirs quotidiens savoirs scientifiques
collectif de pairs
clinique de l'activité
autoconfrontation
Atelier(s) :

5B
Thèmes :

Axe 3 : Les dimensions professionnalisantes du travail enseignant
Public : collège
Public : lycée professionnel et lycée
Public : formation adultes
Démarche : étude de cas, approche clinique
Démarche : étude conceptuelle

Résumé :

« S’expliquer » entre professionnels pour « s’expliquer » avec les didactiques.
Ruelland-Roger Danielle, Moro Thérèse, Matos Sandra
Équipe de clinique de l’activité, CRDT, EA 4132, CNAM



La méthodologie de la clinique de l'activité est un genre spécifique d’analyse du travail au cours de laquelle les enseignants établissent un rapport différent avec leur travail et transforment ainsi leurs expériences vécues en moyen de se développer professionnellement. Dans cette démarche, on n’évacue pas la question des rapports entre l’approche du développement de l’activité professionnelle enseignante par l’analyse du travail et celle qui s’inscrit dans la pensée théorique des didactiques disciplinaires et de la didactique comparée. C’est une question difficile que nous instruisons dans notre recherche en clinique de l’activité.

Très brièvement dit, l’analyse dialogique de leur activité à laquelle nous convions les professeurs, avec le soutien d’un intervenant-chercheur, vise à devenir un instrument pour eux-mêmes, un instrument de transformation de leur expérience. Il s’agit d’une activité seconde sur une activité première où le sujet, au moyen de diverses méthodes et dans un cadre collectif, est invité à défaire et refaire les liens entre les situations vécues et les gestes de métier réalisés, empêchés, possibles, souhaitables. Il s’engage ainsi dans une activité réflexive sur ce qui le mobilise et ce qu’il fait dans son travail. C'est-à-dire sur sa façon d’adresser son activité professionnelle d’une part aux objets de savoir et aux acquis culturels, d’autre part aux élèves et bien sûr à la mise en rapport de ceux-ci avec ce qu’il cherche à transmettre. Cela conduit à un développement subjectif de l'expérience vécue qui fait que celle-ci ne s'enkyste pas, mais qu'elle reste un moyen de vivre d'autres expériences.

Pour nous le développement professionnel ne procède pas d’une violence faite à une pratique qui serait limitée du fait de sa particularité, mais d’une pratique assumée dans toutes ses dimensions et capable de se rejouer sans crainte. Conserver la main sur son histoire est nécessaire pour à la fois préserver sa santé au travail et pouvoir développer son expérience. Ce n’est pas en niant sa propre histoire qu’on y parvient, mais en se servant de ses expériences passées pour faire autrement et autre chose. Du coup ce qui compte, c’est que les enseignants « observés » puissent devenir les observateurs de leur propre activité.
C’est pourquoi nous engageons les professeurs à devenir les interprètes de leur propre activité au travers d’un dialogue visant à explorer les réalités concrètes de l’exercice du métier. Nous considérons l’activité la plus ordinaire –l’activité réalisée, observable et l’activité non réalisée, possible, impossible, ravalée, etc.- non pas comme simple objet d’analyse, mais comme point de départ d’une possible activité dialogique du professeur avec ses pairs et, ce qui est important, avec lui-même. Les professionnels concernés font alors l’expérience de la diversité non seulement de ce qu’ils font, mais aussi de ce qu’ils en disent. D’autres gestes possibles restés insoupçonnés peuvent être imaginés et même répétés dans cette confrontation à soi et aux autres, ils peuvent être « pris à l’autre ». On assiste, quand on parvient à « tenir bon » sur ce cadre dialogique à l’ouverture de zones de développement potentiel du pouvoir d'agir des professeurs, Nous appelons cette méthode l’autoconfrontation dans un cadre collectif de pairs.

Le va-et-vient entre la pratique et la pratique que produit l’observation dialogique permet aux professeurs de développer des « savoirs » nouveaux d’une autre nature que les savoirs scientifiques, des « savoirs quotidiens » élaborés pour élargir leur champ d’action. Et comme l’a écrit Schön (1994, p.65) : « Dans le monde concret de la pratique, les problèmes n'arrivent pas tout déterminés entre les mains des praticiens. Ils doivent être construits à partir des matériaux tirés des situations problématiques qui, elles, sont intrigantes, embarrassantes et incertaines. Pour transformer une situation problématique en un problème tout court, un praticien doit accomplir un certain type de travail. » Pour nous cela consiste à faire l'expérience de l'étonnement sur sa propre activité, et aussi du renoncement à des idées parfois tout à fait convenues dans le milieu professionnel. Et « tenir bon » sur le cadre de la clinique de l'activité, c’est faire en sorte que l’activité dialogique fasse d’une certaine manière dépasser les idées convenues, le déjà-dit, pour du pas-encore-dit dans la pratique.
C’est, nous semble-t-il, ainsi qu’on crée chez les professeurs un appel d’air pour la théorie. Un des résultats de notre intervention, c’est comme l’a écrit Clot ( 1995, 2008, p. 282), « À suivre le développement du métier dont ils se révèlent capables dès lors qu’on leur en donne les moyens techniques et collectifs, on peut tirer la conclusion suivante : entre « connaisseurs », les enseignants, pour agir, sont susceptibles de s’expliquer avec les connaissances didactiques produites discipline par discipline. C’est la restauration de leur capacité collective à s’attaquer à leur métier qui le permet. Car c’est là, selon nous, qu’ils peuvent puiser la vitalité professionnelle indispensable pour soutenir les efforts d’appropriation didactique effectivement indispensables à leur action. Mais ces efforts sont contrariés si, au lieu de leur permettre réellement de s’expliquer avec les didactiques, l’activité scientifique cherche à leur expliquer ce qu’ils devraient faire en matière didactique. »

Nous développerons notre point de vue à travers des exemples vécus par des professeurs dont un problème de métier concernant l’apprentissage de la symétrie axiale en 6ème.