Représentations d’enseignants québécois à l’égard de leurs pratiques interdisciplinaires en mathématiques, sciences et technologie : défis et perspectives didactiques

Auteur(s) :
Samson, Ghislain (Université du Québec à Trois-Rivières)

Télécharger la contribution
Mots clés :

interdisciplinarité
mathématiques
sciences et technologie
pratiques enseignantes
Atelier(s) :

3D
Thèmes :

Axe 2 : Les variations, transformations et évolutions du travail enseignant
Public : collège
Public : lycée professionnel et lycée
Démarche : enquête, étude qualitative
Démarche : enquête, étude quantitative

Résumé :

Contexte
Comme plusieurs pays industrialisés, le Québec a récemment complété un vaste chantier de réforme dans lequel les programmes ont été entièrement revus. Au-delà des modifications ministérielles proposées au niveau des contenus, nous retenons ici deux éléments importants et sur lesquels sont orientées nos recherches. Le premier est celui du travail des enseignants que nous étudions sous l’égide des pratiques enseignantes que le Conseil supérieur de l’éducation (CSÉ, 2004) et le Comité-Conseil sur les programmes d’études (C-CPÉ, 2007) questionnent plus que jamais. Le second touche plus particulièrement la mise en œuvre de pratiques interdisciplinaires dans le contexte des mathématiques, des sciences et de la technologie (M-S&T) au secondaire.

Problématique
La question des liens unissant les disciplines M-S&T (Maloney, 1994; Malafosse, Lerouge et Dusseau, 2001) est un problème bien actuel en recherche. Dans des travaux antérieurs (auteur, 2004), nous avons montré que l’enseignement secondaire en M-S&T était cloisonné, ce qui pouvait nuire au transfert des apprentissages et à l’interdisciplinarité. Les pratiques des enseignants sont isolées, l’enseignant de mathématiques ne connaissant pas ou peu le programme de sciences et vice versa. Quelles sont alors les représentations des enseignants et comment mettent-ils en œuvre l’interdisciplinarité ?

Cadre conceptuel
Depuis quelques décennies, l’interdisciplinarité est au cœur des débats portant sur les curriculums scolaires dans plusieurs pays (Klein, 1998; Lenoir et Sauvé, 1998a,b). L'interdisciplinarité est un concept hautement polysémique (Klein, 1998; Hasni et Lenoir, 2004). Pour le rendre opérationnel, des auteurs (Maingain et al., 2002; Hasni et Lenoir, 2001) adoptent une distinction entre l’interdisciplinarité au sens strict et d’autres formes de collaboration entre les disciplines (appelée ici interdisciplinarité au sens large): la pluridisciplinarité, la transdisciplinarité, etc.

Ainsi, cette recherche a pour objectif :
1) d’analyser les conceptions que les enseignants de M-S&T ont de l’intégration et de l’interdisciplinarité ;
2) de décrire les modalités de mise en oeuvre des liens interdisciplinaires dans les pratiques (déclarées) d’enseignants du secondaire.

Méthodologie
Notre projet s’appuie sur un cadre théorique exploité dans nos recherches. Ce cadre a été développé en se basant sur des travaux en didactique, notamment sur la question de l’interdisciplinarité (Hasni, 2006; Samson, 2007) d’une part, et sur les pratiques d’enseignement (Lenoir, 2006; Deaudelin et al., 2007) d’autre part.

Le recueil de données s’effectue selon deux étapes et nécessite une combinaison de deux principales méthodes: 1) l’enquête par questionnaire vise à nous renseigner sur les conceptions des enseignants de M-S&T en ce qui a trait à l’interdisciplinarité (obj. 1); 2) l’entretien semi-structuré de groupe permet de documenter les modalités de mise en œuvre de l’interdisciplinarité dans les pratiques enseignantes déclarées (obj. 2).

Nous utilisons un questionnaire (questions ouvertes et fermées) auprès d’un échantillon de convenance, composé d’enseignants en provenance d’établissements privés et publics (N= 60) (obj. 1). Les réponses obtenues permettent de recueillir les informations sur des dimensions retenues dans la problématique. La deuxième collecte de données s’effectue à partir d’entretiens semi-structurés de groupe et vise un échantillon composé de 8 enseignants volontaires recrutés à même les répondants au questionnaire. Ces entretiens permettent d’analyser en profondeur les choix effectués par les enseignants concernant la mise en œuvre de l’interdisciplinarité et des différentes modalités pouvant la favoriser (pratiques enseignantes déclarées). Les entretiens sont enregistrés sur bandes audio, puis retranscrits pour fins d’analyse.

Analyse et interprétation des données
Les données quantitatives du questionnaire d’enquête (questions fermées) sont traitées à l’aide du logiciel SPSS en recourant à des mesures d’association. Celles issues des questions ouvertes sont plutôt analysées selon des méthodes combinant des analyses de contenu basées sur la catégorisation des unités de sens (Bardin, 2001). L’analyse de contenu (verbatims) s’effectue à partir du logiciel Atlas Ti (version 4.1) selon une méthodologie reconnue en analyse qualitative (Deschenaux et al., 2005) et conformément aux méthodes des analyses de contenus (Bardin, 2001). Ainsi, sont considérés lors des analyses, entre autres, les contenus, les compétences dans leurs liens entre les mathématiques et les sciences et la technologie, la manière avec laquelle ces liens sont considérés; les modalités de la mise en œuvre de ces liens, etc.

Résultats
La communication est l’occasion de présenter ces premiers résultats de recherche tout en permettant des échanges et des réflexions quant aux défis, limites et perspectives du point de vue des pratiques enseignantes dites interdisciplinaires.

L’analyse et l’interprétation de nos résultats préliminaires indiquent que les participants, pour chacun des thèmes abordés, soulignent la place et le rôle des mathématiques dans l’enseignement des sciences à l’école secondaire.

Les enseignants de S&T interrogés affirment être conscients qu’il n’y a pas de voie miracle ou unique pour résoudre un problème de sciences. Pourtant, un examen attentif des résultats de la recherche montre que la perception des enseignants à l’égard de l’interdisciplinarité mathématiques-sciences est telle que ces deux disciplines se complètent en termes d’échange réciproque de leurs concepts respectifs. Sans les uns qui sont réutilisés comme préalables, l’apprentissage d’autres concepts qui sont supposés être nouveaux, serait, si pas impossible, alors difficile.

Au-delà de ces résultats, au moins deux limites relevées quant au potentiel interdisciplinaire entre les mathématiques et les S&T. Il y a d’abord les barrières curriculaires qui renvoient à la division disciplinaire des programmes, au fractionnement en disciplines et à l’isolement de celles-ci. Nous avons pu le constater à maintes reprises que les contenus mathématiques enseignés ou utiles pour un problème de sciences sont souvent de bas niveau, c'est-à-dire une simple réutilisation (par exemple, pour le calcul d’un prix ou la conversion d’une unité de mesure) avec aucun nouvel apprentissage.

L’autre limite se situe au niveau de l’organisation du travail enseignant où le temps est fractionné, les savoirs aussi. Les enseignants et les élèves dépendent de la ‘‘ logistique pédagogique ’’ mise de l’avant par le système scolaire à savoir de bien maîtriser les programmes, les structures organisationnelles.

Conclusion
Ainsi, il ressort que l’interdisciplinarité au sens large est possible dans les écoles, alors que l’interdisciplinarité au sens strict devient plus difficile. Il semble que les enseignants voient davantage les apports des mathématiques dans les cours de S&T, alors que peu entrevoient les apports des S&T dans les cours de mathématiques.

Voilà autant de défis et perspectives dans le contexte de la transformation des pratiques enseignantes et du travail enseignant de M-S&T. L’interdisciplinarité appelle le renouvellement du travail enseignant, où l’innovation, tant au plan organisationnel que didactique, se doit d’être au rendez-vous!