La coopération entre enseignants au sein de deux équipes pédagogiques d’Education Physique et Sportive : le cas de deux établissements de la région Nord/Pas de Calais

Auteur(s) :
MARSAC, Antoine (Atelier SHERPAS, Université d’Artois, EA 4110)
JELEN, Nathalie (Atelier SHERPAS, Université d’Artois, EA 4110)

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Mots clés :

équipe pédagogique
coopération
ordre scolaire
EPS
Atelier(s) :

1C
Thèmes :

Axe 1 : Le travail enseignant au quotidien
Public : collège
Public : lycée professionnel et lycée
Démarche : enquête, étude qualitative

Résumé :

Le travail en équipe est devenu un élément incontournable du métier d’enseignant en réponse à un public scolaire qui ne cesse d’évoluer (Barrère, 2002). Nous définissons ici le travail d’équipe par les formes de collaboration et de mise en projet. Du point de vue institutionnel, les attentes dans ce domaine en Education Physique et Sportive (EPS), sont très fortes. En témoigne le contenu des prescriptions émanant des programmes ou des textes officiels produits notamment par l’inspection académique. Ce type de démarche demeure ancré dans la culture professionnelle de ces enseignants (Fleuriel, Mierzejewski et Schotté, 2008). Nous savons cependant depuis les travaux de David Lepoutre (2001) combien les difficultés persistent dans la mise en place d’une démarche collective, en particulier dans les établissements ZEP, dû au turn-over des enseignants qui les composent. A ce titre, nous viendrons interroger les modalités du travail en équipe à partir du cas de l’EPS. Le contexte institutionnel appelle-t-il forcément des formes de coopération entre enseignants d’EPS au sein d’une même équipe ? Est-ce que cela se limite seulement à des aspects purement fonctionnels ?

Comment expliquer ces coopérations ? Pourquoi certains enseignants ne coopèrent-ils pas ? Quelle est la part réservée aux aspects individuels dans la démarche collective prônée ? Cette série de questions renvoie aux contours de la définition du métier d’enseignant.

En nous appuyant sur les travaux d’Anne Barrère, nous posons l’hypothèse que les coopérations entre enseignants au sein d’une même équipe demeurent au fondement du maintien de l’ordre scolaire. En ce sens, il y aurait des interactions propices à la régulation des comportements en classe et d’autres qui ne favoriseraient pas les collaborations entre enseignants. Pour répondre à ces questions, nous mobilisons un cadre d’analyse relevant du champ de la sociologie du travail. Il s’agit d’abord de s’appuyer sur la théorie de la régulation issue des travaux de J-D. Reynaud pour mettre en évidence les jeux d’acteurs. Ce modèle théorique postule que pour réguler les comportements, des jeux de négociation s’opèrent toujours entre membres d’un groupe. Il en va ainsi du rôle coopératif des enseignants au sein d’une équipe et plus particulièrement du porteur des règles (coordinateur). Les groupes d’enseignants s’attachent à moduler les actions entreprises, en fonction des attendus sociaux. Nous combinons cette approche avec la démarche des derniers travaux étudiant les relations sociales au sein des entreprises (Alter, 2009) qui mettent en évidence les formes de coopération entre collègues dans un environnement fortement contraint. L’approche du don est revisitée à l’aune des transformations du monde enseignant et des élèves qui s’appuie à la fois sur une recomposition des militances et une évolution du statut de l’équipe au sein des établissements.

Les résultats présentés ici émanent d’une enquête menée dans le cadre d’un contrat de recherche consacré à l’agir éducatif, en se centrant plus particulièrement sur le cas de l’EPS. Celui-ci a pour objectif d’étudier les formes de régulation mis en place par les enseignants pour enrayer la manifestation de comportements déviants en classe. Il s’agit là d’une première phase exploratoire. En étudiant ce phénomène, on touche aux formes de coopération possibles pour limiter l’emprise de ce phénomène. Nous avons donc enquêté auprès des équipes pédagogiques de deux établissements (un collège et un lycée professionnel). Les deux équipes sont de composition mixte. Celle du collège est constituée de quatre hommes et deux femmes âgés de 27 ans à 54 ans et, celle du Lycée Professionnel de deux hommes et de deux femmes de 30 ans à 45 ans. Pour étudier les modes de régulation, nous avons privilégié le recours à l’enquête ethnographique et la conduite d’entretiens compréhensifs. A travers l’ethnographie, il s’agit de restituer les observations menées au plus près des enseignants, les interactions entre différents acteurs (élèves, collègues…). Les données recueillies sont issues d’une immersion de trois mois sur le terrain, bornée par des cycles de huit séances (comprenant une phase de progression et d’évaluation) auxquelles les deux chercheurs ont participé. Des niveaux de classe allant de la 6e à la terminale Bac professionnel ont été étudiés. Aussi, nous avons procédé à deux séries d’entretiens pour mieux comprendre les ressorts des pratiques enseignantes. Les entretiens informels ont été menés à la suite des séquences observées. A la fin de chaque séance d’EPS, nous interrogions les enseignants sur quatre grandes rubriques : la mise en place des contenus d’enseignement (au regard des programmes), la démarche pédagogique adoptée (consignes, mise en place d’exercices…), les réactions des élèves face aux exigences de l’enseignant et enfin, les liens avec leur trajectoire professionnelle.

Une série de vingt entretiens formels a constitué une source privilégiée de matériaux décontextualisés. Pour saisir ces processus de régulation, nous avons conduit des entretiens non directifs en privilégiant le recours à des offres de sens (Demazière, 2008) pour amener les enseignants à expliciter leur propre pratique professionnelle. Ont été interrogés le parcours biographique, la trajectoire professionnelle, leur conception du métier et de l’EPS, les dispositifs établis pour faire cours, les règles utilisées, les ressources mobilisées pour remédier aux problèmes rencontrés en classe et les causes identifiées par les enseignants et les moyens mobilisés pour y faire face. Une grille d’analyse des matériaux a été construite en fonction de ces rubriques thématiques issues des entretiens (Blanchet, Gotman, 2003). De fait, nous avons procédé à un recoupement des informations entre les matériaux collectés lors des séances observées et des discours recueillis par entretien.

Si des formes de coopération interindividuelle existent, celles-ci ne s’opèrent pas toujours à l’échelle d’une équipe. Ainsi, nous nous attachons à repérer pourquoi des enseignants ne s’inscrivent pas dans une démarche collective. Les résultats seront alors discutés selon l’importance des variables mobilisées (âge, cursus, affinités, spécialité sportive…). Une typologie des formes de coopération a donc été construite en rapport aux travaux réalisés sur le sujet.