Formation initiale à l'enseignement en mathématiques : analyse du travail de l'étudiant-stagiaire par le formateur en institution et le formateur de terrain.

Auteur(s) :
Barioni, René (Haute Ecole Pédagogique du canton de Vaud (Lausanne))

Télécharger la contribution
Mots clés :

didactique des mathematiques
didactique professionnelle
didactique comparée
analyse du travail
Atelier(s) :

5C
Thèmes :

Axe 3 : Les dimensions professionnalisantes du travail enseignant
Public : Primaire
Démarche : étude de cas, approche clinique

Résumé :

Problématique
La recherche en cours s'inscrit dans la problématique de l'élaboration d’une didactique professionnelle (Rogalski, 2004) de la formation initiale à l'enseignement, à partir des cadres conceptuels des didactiques des disciplines, de la didactique comparée (Mercier, Schubauer-Leoni et Sensevy, 2002), de l’analyse du travail et de la psychologie ergonomique (Clot & Faïta, 2000). Autrement dit, il s'agit ici de penser une didactique professionnelle qui prenne en compte la fonction spécifique de transmission des connaissances dans le travail des enseignants.
Or, nous pensons que les véritables enjeux pédagogiques et didactiques des apprentissages professionnels sont occultés par des dispositifs d'alternance (cours dispensés en institution de formation et actions dans le terrain) trop centrés sur l'ingéniérie, à savoir la conception et la construction de dispositifs de formation.
Cette contribution vise à mettre en évidence les choix des formateurs afin de comprendre ce qui se passe effectivement dans les lieux de formation. Dans la perspective d'une didactique professionnelle comparatiste, les préoccupations disciplinaires spécifiques et les composantes génériques participent ainsi à une mise en évidence des formes communes aux pratiques de formation étudiées. Dans le prolongement des études actuelles menées en didactique comparée, l'entrée par les pratiques de formation des enseignants ne peut se faire sans penser et étudier l'articulation des pratiques de formation avec les pratiques d'enseignement sur le terrain.

Objet de la recherche
Dans le cadre de cette contribution, nous nous sommes centré uniquement sur la partie de la recherche consacrée à l'analyse du travail de l'étudiant-stagiaire, analyse effectuée conjointement par le formateur en institution et le formateur de terrain, lors de leçons de mathématiques.
Si la plupart des référentiels déclinent la profession enseignante sous la forme de compétences professionnelles, nous n'avons sélectionné ici qu'une d'entre elles, parce qu'elle nous paraît centrale, à savoir «Concevoir et animer des situations d’enseignement - apprentissage en fonction des élèves et du plan d’études» .
Nous avons cherché à comprendre/expliquer ( Schubauer-Leoni et Leutenegger, 2002) quelle était la nature de l'analyse du travail du stagiaire effectuée par le formateur de terrain et par le formateur en institution, chacun à partir de sa propre position, dans la perspective d'une mise en évidence d'éventuelles convergences ou divergences en termes de contrat de formation; nous avons été ainsi particulièrement attentif à la place du savoir à enseigner dans le savoir de formation.

Contexte de la recherche et méthodologie
Dans le cadre de la formation initiale à l'enseignement dans une Haute Ecole Pédagogique de Suisse romande, nous avons eu l'opportunité d'analyser le travail d'un formateur didacticien en mathématiques, ainsi que les séances de feedback que les formateurs de terrain ont conduites avec leur stagiaire. Il s'agit d'étudiants «généralistes» qui se destinent à enseigner à des élèves de 9 à 12 ans.
Pour étudier ce qui se passe et se joue dans un système de formation, nous avons construit une modélisation qui situe les systèmes en présence : le système d’enseignement dans lequel prendra place l’enseignant, le double système de formation dans lequel le futur enseignant occupe tantôt une posture d’étudiant en institution, tantôt celle du stagiaire sous la conduite d'un formateur de terrain, ainsi qu'un système de recherche prenant pour objet les contrats de formation. Ce dernier système correspond au lieu de production de connaissances sur les autres systèmes présentant divers degrés d'emboîtement et doit permettre un rapport réflexif sur les pratiques de formation. Dans le cas de cette recherche, c’est un dispositif emprunté aux techniques de l’analyse du travail qui est mis en œuvre, l'auto-confrontation croisée.
L'objet d'étude visé et les questions de recherche nous ont conduit à l'observation de séquences d'enseignement et de formation «ordinaires». Les différentes traces collectionnées ont été confrontées selon le principe des « techniques de validation par triangulation » (Mucchielli, 2004), les concepts de chronogenèse-topogenèse-mésogenèse de Chevallard (1991) et la théorie des situations (Brousseau, 1998) nous ont permis de mettre en évidence différents «événements remarquables» (Leutenegger, 2009).
A partir des vidéos des leçons de mathématiques données par quatre stagiaires, nous avons tout d'abord enregistré les séances de feedback que les formateurs de terrain ont conduites avec leur stagiaire. Puis, sur la base de ces mêmes vidéos, nous avons mis sur pied quatre séances d'auto-confrontations croisées réunissant le formateur en institution, le formateur de terrain et le chercheur.

Questions de recherche
a) Quelle est la nature du savoir de formation et didactique en mathématiques que les formateurs font émerger ?
b) Quel est le rapport qu’établissent les formateurs (en institution et dans le terrain) aux objets d’enseignement que l’école est censée transmettre (dans le champ disciplinaire des mathématiques) ?

Résultats
Notre contribution se propose de montrer que si les leçons filmées mettent en évidence le fait que les stagiaires appliquent en classe le modèle indiqué par le formateur en institution, ils esquivent en revanche l'objet à enseigner. Toutefois, nos travaux permettent de remarquer que le formateur de terrain n'identifie pas cet écart et ne pointe pas non plus les apprentissages des élèves, contrairement au formateur en institution. L'apparente conformité des étudiants aux contrats de formation occulte ainsi, en réalité, un malentendu institutionnel majeur.

Bibliographie
Brousseau, G. (1998).. Théorie des situations didactiques. Recherches en Didactique des Mathématiques, 11, 2-3, 167-210. Grenoble: La pensée sauvage.
Chevallard, Y. (1985 et rééd. augmentée 1991). La transposition didactique : du savoir savant au savoir enseigné. Recherche en didactique des mathématiques, 9-37, 39-48 & 199-233. Grenoble : La pensée sauvage.
Clot, Y. et Faïta, D. (2000). Genre et style en analyse du travail. Concepts et méthodes. Travailler, 4, 7-42.
Leutenegger, F. (2009). Le temps d’instruire. Pour une approche clinique/expérimentale du didactique ordinaire. Berne : Peter Lang. Coll. Exploration.
Mercier, A., Schubauer-Leoni, M.-L., Sensevy, G. (2002). Vers une didactique comparée. Revue française de pédagogie, 141, 5-16.
Mucchielli, A. (2004). Dictionnaire des méthodes qualitatives en sciences humaines. Paris : Armand Colin.
Rogalski, J. (2004). La didactique professionnelle: une alternative aux approches de «cognition située» et « cognitiviste » en psychologie des acquisitions. @ctivités, 1 (2), 103-120. http://www.activites.org.
Schubauer-Leoni, M.-L. & Leutenegger, F. (2002). Expliquer et comprendre dans une
approche clinique/expérimentale du didactique ordinaire. In F. Leutenegger & M. Saada-
Robert Expliquer et comprendre en sciences de l'éducation. Bruxelles: De Boeck Raisons
éducatives.
Sensevy, G. (2007). Des catégories pour décrire et comprendre l'action didactique. In G. Sensevy, A. Mercier, Agir ensemble. Rennes : PUR.