Ressources filmiques issues de l’analyse du travail des enseignants et scénarisées pour la formation : effets sur l’activité en formation et en classe

Auteur(s) :
Leblanc, Serge (IUFM université de Montpellier 2)

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Mots clés :

formation des enseignants
ressources filmiques
plateforme de vidéo formation
processus fictionnel
développement professionnel
Atelier(s) :

5B
Thèmes :

Axe 3 : Les dimensions professionnalisantes du travail enseignant
Public : Primaire
Public : collège
Public : formation adultes
Démarche : enquête, étude qualitative
Démarche : autre

Résumé :

A l’heure où les universités récupèrent l’ingénierie de la formation des enseignants, notamment dans le secondaire, la situation est paradoxale. D'un côté, les recherches sur le travail des enseignants qui débutent dans le métier en permettant de dévoiler les aspects cachés et problématiques du développement professionnel (Bucheton, 2010 ; Ria, 2006 ; Saujat, 2010) constituent un potentiel important de rénovation des pratiques de formation et d'un autre côté l’universitarisation et la mastérisation de la formation des enseignants, en se recentrant fortement sur les savoirs académiques risquent de mettre à l'écart ces apports récents de la recherche pourtant indispensables. Dans cette deuxième perspective, la formation professionnelle serait renvoyée sur le seul lieu d'exercice nous ramenant à des débats inféconds déjà connus sur l’alternance portant sur l’opposition entre la théorie et la pratique. En se centrant sur l'activité en situation professionnelle (Barbier et Durand, 2003), il est possible selon nous de dépasser cet obstacle en faisant du travail enseignant analysé et modélisé par des travaux de recherche une ressource pour la formation et l’accompagnement du développement professionnel. Cette démarche théorisée dans un programme de recherche technologique qui vise à faire du travail un objet de formation et de celui-ci un objet d’analyse alterne différentes phases a) d’analyse de « l’activité située » au travail et en formation, b) de conception « orientée-activité » de situations et de ressources de formation, c) d’analyse de l’activité des acteurs confrontés à ces nouvelles ressources de formation, d) de retour sur la conception du dispositif.
Cette communication vise à rendre de compte de cette démarche empirique et scientifique itérative et asymptotique en se focalisant sur deux voies prometteuses pour valoriser l’activité professionnelle au sein de la formation qui font l’objet d’investigation scientifique : il s’agit d’une part de l’utilisation en formation de corpus vidéo de situations d’enseignement issus de travaux de recherche et d’autre part de l’utilisation de plateformes numériques permettant d’agréger un ensemble de ressources complémentaires autour d’un film et de les scénariser pour favoriser un engagement des acteurs, une activité réflexive et projective sur ce même objet d’analyse du travail dans des situations de formation en présenciel enrichi et ou à distance. Dans le nouveau contexte de formation où l’accès au terrain professionnel sera de plus en plus rare et moins encadré, cette double perspective offre un horizon potentiellement riche a) d’un point de vue pragmatique grâce à l’élaboration de ressources pertinentes pour l’auto-co-formation des différents acteurs (enseignants, formateurs et responsables de formation) car indexées à l’analyse du travail enseignant et à son évolution , b) d’un point de vue scientifique en étudiant les « processus fictionnels » et de « contamination mimétique » (Schaeffer, 1999) qui permettraient de faire vivre d’une certaine façon des expériences sans les réaliser réellement dans le contexte de la classe à travers la confrontation à des activités ayant un air de famille avec les siennes et qui contribueraient à l’apprentissage et au développement professionnel.
La première partie de cette communication situera cette perspective de développement de ressources vidéonumériques et de scénarisation dans le contexte historique de la vidéo-formation en France (Mottet, 1997) et au niveau international (Goldman, Pea, Barron & Derry, 2007). Ce regard historique identifiera le déplacement des problématiques de formation d’un questionnement sur la reproduction des comportements efficaces (vidéo-contrôle), à l’auto-observation (vidéo-miroir), puis à un questionnement sur la manière d’enseigner afin de susciter des apprentissages (vidéo-exploration). Les apports et les limites de ces différents dispositifs seront présentés et dans le prolongement nous situerons notre propre mode d’exploitation de la vidéo en formation dans le cadre d’une approche enactive (Varela, 1989) et sémiologique du cours de l’activité (Theureau, 2006) enrichie des autres apports de la recherche en éducation. Les choix de scénarisation des films et d’assemblage de diverses ressources s’appuient sur l’identification par la recherche a) d’activités typiques chez les enseignants débutants, b) des significations qu’ils accordent à leurs actions documentées par des verbalisations recueillies lors d’entretiens d’autoconfrontation ou d’autres modalités permettant d’accéder à la « conscience pré-réflexive » des acteurs, et c) de formes et de niveaux d’efficience différents dans les façons de faire entre nouveaux et plus expérimentés articulés avec les effets générés sur l’activité des élèves.
La deuxième partie présentera une synthèse d’études exploratoires qui ont analysé les effets sur l’activité en formation de l’utilisation d’espaces d’allo-confrontation vidéo collectif dans différents contextes. Les résultats ont permis de montrer que la confrontation à des vidéos de « pairs anonymes » débutants ou expérimentés contribuait à : a) rassurer les enseignants, b) rappeler des expériences personnelles, c) révéler des aspects de leur propre pratique, d) construire des chaînes interprétatives et des connaissances nouvelles sur des situations typiques, e) à s’interroger sur leur développement professionnel.
La troisième partie présentera les premiers résultats d’une étude en cours sur l’utilisation d’une plateforme prototype numérique d’aide à la professionnalisation d’enseignants débutants. Les utilisateurs volontaires ont été confrontés à des films portant sur la thématique « cruciale » aux yeux des néo-titulaires de la mise au travail des élèves en début de cours. Nous analyserons en quoi et à quelles conditions cette plateforme qui offre un espace d’analyse croisée de la part d’enseignants débutants, de professeurs plus expérimentés et de chercheurs contribue ou non à les aider à prendre conscience de leurs propres façons de faire, à rendre intelligible les tensions auxquelles ils sont confrontées, à se projeter différents dans leur classe, à transformer effectivement leurs pratiques et à développer un sentiment de reconnaissance professionnelle. Enfin, nous évoquerons en quoi ces ressources filmiques peuvent permettre aux formateurs de repositionner les enjeux des savoirs disciplinaires à l’aune des problématiques concrètes de l’activité professionnelle en cours de construction.
Bucheton, D. (Ed.) (2010). L’agir enseignant : des gestes professionnels ajustés. Toulouse: Octarès Editions.
Barbier, J.M., Durand, M. (2003). L’activité : un objet intégrateur pour les sciences sociales ? Recherche et Formation, 42, 99-117.
Goldman, R., Pea, R., Barron, B. & Derry, S. (Eds.) (2007). Video Research in the Learning Sciences.
Mottet, G. (1997). La vidéo-formation. Autres regards, autres pratiques. Paris : L’harmattan.
Ria, L. (2006). L’entrée dans le métier des enseignants du second degré : un programme de recherche centré sur l’analyse de l’activité, Habilitation à Diriger les Recherches, Clermont Ferrand : Université Blaise Pascal.
Saujat, F. (2010). Travail, formation et développement des professionnels de l’éducation : voies de recherche en sciences de l’éducation. Note de synthèse pour l’Habilitation à Diriger des Recherches. Université de Provence.
Schaeffer, J.M. (1999). Pourquoi la fiction ? Paris : Seuil.
Theureau, J. (2006). Cours d’action : méthode développée. Toulouse: Octarès Editions.
Varela, F. J. (1989). Autonomie et connaissance. Essai sur le vivant. Paris : Le Seuil.