Analyse ergonomique des aspects de santé et de sécurité dans le travail (SST) des enseignant(e)s de la formation professionnelle (FP)

Auteur(s) :
Chatigny, Céline (Université du Québec à Montréal (UQAM), CINBIOSE)
Hastey, Priscille (UQAM, CINBIOSE)
Riel, Jessica (UQAM, CINBIOSE)
Livann, Nadon (UQAM, CINBIOSE)

Télécharger la contribution
Mots clés :

analyse ergonomique
enseignants de la formation professionnelle
santé et sécurité
parcours non traditionnels
Atelier(s) :

2D
Thèmes :

Axe 1 : Le travail enseignant au quotidien
Axe 3 : Les dimensions professionnalisantes du travail enseignant
Public : lycée professionnel et lycée
Public : formation adultes
Démarche : recherche-action

Résumé :

Objectif de la présentation. La communication proposée visera à présenter les aspects critiques de SST dans le travail des enseignants de la FP et à discuter les perspectives de recherche et d’intervention qui découlent des résultats.
Objectif de l’étude. Ces résultats sont issus d’une recherche exploratoire visant d’une part à connaître l’activité de travail de ces enseignants, et de manière plus spécifique, les activités et les régulations qu’ils déploient face à quatre enjeux de SST identifiés lors d’une étude préliminaire : la SST des enseignants, la SST des élèves, l’enseignement de la SST et les contextes de SST. Cette recherche préliminaire visait à documenter les contextes de réalisation de l’activité, les conditions d’insertion et de maintien en emploi, les difficultés vécues par les enseignants et leurs impacts sur le travail, la santé et les savoirs professionnels. Ces recherches sont financées par le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture (FQRSC), l’Institut de recherche Robert Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) et la Centrales des syndicats du Québec (CSQ).
Quelques éléments de contexte. Les enseignants de la FP sont des adultes de tous âges, souvent recrutés en emploi. Ils quittent alors brusquement la pratique du métier pour passer à l’enseignement de ce métier. Cette transition est très exigeante sur plusieurs plans, notamment parce que leur représentation du travail enseignant est toute autre que la réalité, les « compétences à enseigner » prévues dans les programmes d’études sont bien plus étendues que celles développées au cours de la pratique du métier, la plupart d’entre eux n’ont aucune expérience de formateur ni d’enseignant, le Ministère de l’éducation exige des nouveaux enseignants qu’ils s’inscrivent dans un programme d’études visant l’obtention du brevet d’enseignement en FP. Insertion « brutale » en emploi, manque de ressources, obstacles à la conciliation travail-famille-études ne sont que quelques-unes des difficultés identifiées, qui pourraient expliquer le taux d’attrition élevé de la profession au cours des premières années. Concernant la SST, plusieurs aspects problématiques ont été identifiés au cours de cette recherche.
Population et méthodes. L’étude est en cours dans un centre de formation professionnelle où sont enseignés plusieurs métiers des secteurs des soins, des arts, du bâtiment, de la fabrication mécanique, de l’électrotechnique, du commerce et de l’informatique. Des entretiens individuels (6) et collectifs (2) ont été réalisés auprès d’enseignantes (6) et d’enseignants (7) oeuvrant dans trois programmes majoritairement masculin (1) et féminins (2). Des entretiens collectifs (2) ont aussi été réalisés auprès d’élèves (16) provenant du programme majoritairement masculin et d’un féminin. Une enseignante et quatre élèves féminines inscrites dans d’autres programmes non traditionnels ont aussi été rencontrées, de même que des enseignants chefs de groupe (5), des conseillers pédagogiques (3), des magasiniers (3) et du personnel de direction (4). Des conseillers prévention jeunesse (4) de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, qui interviennent dans les centres de formation ont aussi été interwievés. Des observations globales de l’activité d’enseignants (3) ont été réalisées afin de d’établir une chronique de quart, de caractériser les contextes, les interactions, les aspects de SST. Les analyses sont en cours. Des validations des résultats sont prévues auprès des enseignants participants et d’enseignants d’autres centres de formation. En complément de documents dont les programmes d’études enseignés sont analysés.
Résultats. Les résultats préliminaires permettent de constater que la SST des élèves dans l’école et dans la pratique à venir du métier, est une source de préoccupation élevée des groupes rencontrés mais il en est rarement question entre eux. La SST des enseignants n’est pas une préoccupation réelle pour l’école. Elle l’est davantage pour les enseignants qui vivent des situations difficiles, frustrantes, parfois dangereuses, en lien avec la SST et les difficultés des élèves et avec le manque de ressources et de soutien de la part de la direction. Des régulations diverses, individuelles surtout, sont mises en place par les enseignants pour atténuer les exigences des conditions de travail en classe et hors classe. Plusieurs activités enseignantes sont déployées pour veiller à la SST des élèves en atelier et en stages d’étude. Toutefois, les principaux aspects abordés explicitement sont la connaissance et l’application de règles et de procédures, provenant des prescriptions ministérielles, scolaires et départementales qui se combinent à celles, moins explicites et plus diversifiées, de règles importées par l’enseignant, de la pratique de son métier. Les pratiques de métiers, les savoir-faire de prudence, leurs impacts et leurs déterminants, sont plutôt absents de l’enseignement. La SST est moins vue comme une dimension des compétences de métier que comme des savoir-être individuels qui doivent permettre de contrôler les comportements dangereux. Cette représentation limitée de la SST limite le champ d’intervention des enseignants pour le développement de stratégies d’amélioration des conditions d’enseignement et d’apprentissage, fortement inter reliées. Elle a des répercussions plus problématiques pour certains individus et groupes d’individus marginalisés en raison de leurs caractéristiques individuelles face aux caractéristiques du groupe dans lequel ils évoluent. C’est le cas plus particulièrement de jeunes enseignants qui arrivent dans un département où il n’y a pas d’entraide et d’enseignantes ou d’élèves féminines qui subissent du rejet ou une acceptation conditionnelle pouvant être très couteuse (élèves et enseignantes en parcours non traditionnels).
Discussion. Bien que préliminaires, les résultats fournissent des pistes utiles concernant quatre axes d’intervention et de recherche : la SST des élèves, la SST des enseignants, la SST dans le centre de formation, l’enseignement et l’apprentissage de la SST. Plusieurs niveaux de recommandations pourront être formulés pour répondre aux besoins des individus et des groupes : des politiques et ressources dans le centre de formation (pas seulement en matière de SST), des ressources pour l’enseignement et l’apprentissage de la SST (incluant les documents et prescriptions ministériels), des liens à organiser entre les pratiques et la formation en SST en milieu de travail et en milieu scolaire (tant celle des élèves que des enseignants).