Le lien entre didactique et gestion de la classe en formation des maîtres: enjeux pour la pratique enseignante

Auteur(s) :
Lanaris, Catherine (Université du Québec en Outaouais)
Beaudoin, Michel (Université du Québec en Outaouais)

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Mots clés :

formation initiale
conflits
didactique
gestion de la classe
mise en relation
Atelier(s) :

4D
Thèmes :

Axe 3 : Les dimensions professionnalisantes du travail enseignant
Public : Primaire
Public : collège
Public : lycée professionnel et lycée
Public : formation adultes
Démarche : enquête, étude quantitative

Résumé :

Dans le domaine des sciences de l’éducation, la didactique et la gestion de classe constituent deux disciplines différentes; la première relève de la nature des savoirs et du curriculum, alors que la seconde relève plutôt de la pédagogie. En formation universitaire, les activités et les contenus présentés dans les cours de didactique différent beaucoup de ceux qui sont proposés dans les cours de gestion de classe; par ailleurs les cours de didactique sont associés à la formation disciplinaire, tandis que ceux en gestion de classe sont associés à la formation pratique. Cependant, dans la pratique professionnelle, la réalité à laquelle font face les enseignants, est toute autre. En fait, lorsqu’on enseigne une discipline, l’organisation des activités d’apprentissage, leur pilotage et la gestion du climat de la classe sont des dimensions on ne peut plus reliées. La gestion de la classe et la didactique sont donc deux dimensions centrales de l’acte d’enseigner qui sont pour autant enseignées séparément en formation des maîtres et qui sont peu explorées dans une perspective de mise en relation; on peut se demander si dans les conditions de formation actuelle des occasions d'intégration se présentent aux étudiants, ou au contraire, si ces derniers perçoivent toujours ces deux domaines comme étant séparés. Si tel était le cas, ce clivage pourrait être responsable de certaines difficultés que rencontrent les stagiaires en enseignement ou les enseignants nouvellement entrés en fonction; en fait, il est fort possible que les problèmes apparemment reliés au fonctionnement de la classe auraient plutôt une origine didactique : par exemple, un niveau de défi trop élevé des activités peut entraîner l’anxiété chez les élèves, tandis qu’un niveau trop bas peut génère l’ennui. Ces deux états qui risquent d’engendrer des difficultés au niveau du fonctionnement de la classe qui sont d’origine didactique et non reliés à la capacité de l’enseignant de gérer correctement son groupe d’élèves. Le plus souvent cependant, ils seront considérés comme des difficultés de gestion et non pas de didactique.

Dans ce contexte, une étude du lien entre la didactique et la gestion de la classe est importante. Les enseignants sont confrontés à plusieurs défis et doivent s’approprier de nouvelles approches pédagogiques qu’ils n’ont pas eu l’occasion de connaître en tant qu’apprenants. Les programmes de formation ne sont plus qu’un ensemble de notions à transmettre ou en ensemble d’objectifs de contenu à atteindre comme auparavant; ils visent le développement et l’intégration de compétences, disciplinaires et transversales. De plus, les enseignants doivent œuvrer dans des contextes de pratique fort diversifiés et particuliers en ce qui concerne la composition des groupes d’élèves. Parmi ces contextes, on peut citer par exemple : l’intégration des élèves présentant des difficultés d’apprentissage et de comportement dans les groupes réguliers; les classes multi-âge les programmes visant une clientèle particulière (sports-études, programme international, etc.); les groupes de jeunes adultes. Si la formation des enseignants en gestion de classe, de façon naturelle, tient compte de ces paramètres, ces derniers sont souvent absents du discours courant des didacticiens. Ce clivage peut également avoir des conséquences sur l’apprentissage des élèves et aussi sur le climat de la classe. D’après Marquet (2005), la sépartation entre les dispositifs didactiques et les dispositifs pédagogiques, en particulier ceux reliés à la gestion de la classe, peut entraîner des conflits qui nuisent aux apprentissages des élèves. Nous postulons de plus, que l’utilisation par l’enseignant de certains dispositifs didactiques peut entrer en conflit, à son insu, avec des pratiques qu’il juge préférables pour la gestion de sa classe.

Notre proposition de communication s’inscrit dans le troisième axe du congrès, puisque la recherche qui en fait l’objet vise à mieux circonscrire la problématique reliée au lien qu’établissent les futurs enseignants entre gestion de classe et didactique, en examinant de quelle façon peuvent se manifester chez ces étudiants, les conflits potentiels entre les dispositifs didactiques et les dispositifs de gestion de classe. Nous avons voulu examiner si les étudiants en formation des maîtres ont une tendance à séparer la gestion de la classe de la didactique et s’ils voient un lien entre leurs apprentissages dans chaque domaine de leur formation universitaire. Pour ce faire, nous avons entrepris une recherche auprès des 87 finissants en enseignement à l’Université du Québec en Outaouais. Ces étudiants venaient de terminer leur quatrième (et dernier) stage de formation. Ils étudiaient dans les programmes de baccalauréat en enseignement préscolaire et primaire, baccalauréat en adaptation scolaire et baccalauréat en enseignement secondaire. Les étudiants ont été invités à compléter un questionnaire basé sur les indicateurs du référentiel des compétences professionnelles utilisé pour leur stage; ce référentiel est prescrit dans les programmes de formation initiale par le Ministère de l’éducation, des loisirs et du sport. Parmi la banque d’indicateurs, nous en avons retenu six qui concernaient la didactique, cinq qui concernaient la gestion de la classe et trois qui touchaient aux deux domaines. Les étudiants ont été invités à choisir les six indicateurs qui leur paraissent les plus importants et de les mettre en ordre de priorité. Pour chacun des six indicateurs choisis, les étudiants devaient coter leur niveau présumé d’habileté.

Selon les résultats obtenus, dans les trois programmes, les indicateurs qui touchaient simultanément aux deux domaines ont été jugés les plus importants par les étudiants. Ces derniers ont également jugé que c’était par rapport à ces indicateurs qu’ils se sentaient les plus performants. Ces résultats interpellent les formateurs d’enseignants, tant dans le domaine de la formation initiale que de la formation continue. Même si la formation théorique universitaire ne les y prépare pas explicitement, les étudiants considèrent comme prioritaire la zone où didactique et gestion de classe se recoupent. Le rôle de la formation pratique (stages) dans l’appropriation de cette zone, qui touche l’activité de l’enseignant avec ses élèves est par conséquent très important. D’autre part, les étudiants finissants ont jugé moins importants des éléments comme les contenus et langages disciplinaires, de même que maîtrise des techniques de base en gestion de classe. Ils se sentent par ailleurs moins performants en ces domaines. Cette situation ne nous semble pas idéale, dans la mesure où de nouveaux enseignants pourraient présenter des lacunes importantes dans l’interprétation des savoirs disciplinaires et dans l’utilisation des techniques de base en gestion de classe.

Marquet, P. (2005). « Intérêt du concept de conflit instrumental pour la compréhension des usages des EIAH », Conférence EIAH 2005 (Environnements Informatiques pour l'Apprentissage Humain), Montpellier. http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/34/03/95/PDF/Marquet_EIAH_2005.pdf