Depuis le tournant des années 2000, le Ministère de l’Éducation du Québec s’est engagé dans un vaste chantier de réforme de l’éducation sous la bannière des compétences. Même si les fondements et les orientations de la réforme ont été discutés tant par les universitaires (Dolz et Olagnier, 1999; Jonnaert et alii, 2005) que par certains praticiens (De Repentigny, 2005 ; OCDE, 2005; CSÉ, 2003), il n’en demeure pas moins que les enseignants ont à inscrire désormais leurs pratiques d’enseignement dans cette perspective et à s’approprier de nouveaux programmes disciplinaires ainsi qu’une nouvelle Politique d’évaluation des apprentissages (PÉA) (MEQ, 2003). Dans ces conditions, le travail des enseignants est amené à évoluer dans plusieurs de ses aspects dont celui qui touche particulièrement aux pratiques d’évaluation des élèves La contribution prendra appui sur les résultats de deux recherches empiriques successives menées récemment auprès de groupes d'enseignants québécois volontaires du primaire et du premier cycle du secondaire à propos de leurs pratiques d'évaluation des compétences disciplinaires dans un contexte de renouvellement des programmes officiels d'enseignement. Les données ont été recueillies lors de deux entretiens et d’une observation filmée. La collecte de données s’amorçait par un entretien structuré ouvert (Patton, 2002) permettant de recueillir des données portant essentiellement sur la planification de l’activité choisie (objet, processus et outils d’évaluation formative), sur sa place dans la séquence plus large d’apprentissage-enseignement concernant un objet donné, ainsi que sur les conceptions de l’apprentissage, de l’enseignement et de l’évaluation.Ensuite, l’activité en classe était filmée. Finalement, cette observation filmée était suivie d’un entretien de rappel stimulé (Tochon, 1996; Henderson et Tallman, 2006). Les pratiques des enseignants ont été analysées dans leur double dimension comportementale et cognitive. L’étude a porté sur les différents éléments des processus sollicités et des dispositifs mis en œuvre ainsi que sur les contenus traités. Nous examinerons ces résultats en questionnant les ressemblances et les différences dans les pratiques observées et dans les propos des enseignants selon les diverses disciplines scolaires qui faisaient l'objet de la pratique évaluative et qui pouvaient se rattacher soit au domaine des langues (langue première ou langue seconde) soit au domaine des sciences et technologies. Ce faisant, nous aborderons la question de la conscience disciplinaire (Reuter, 2007) des enseignants et de son influence sur leurs pratiques. En effet, si nous avons pu observer qu’un certain nombre de variables comme la prise en compte de la situation individuelle des élèves, la vision que les enseignants se sont forgés de l’une ou l’autre compétence à travailler ou encore leur degré de maîtrise de formes scolaires particulières auxquelles ils ont recours pour l’évaluation influencent la mise en gestes (Bucheton et Dezutter, 2008) des enseignants, une autre variable à considérer selon nous est la variable disciplinaire. Nous cherchons en effet aussi à mieux comprendre jusqu’où la discipline scolaire "colore" les pratiques d’enseignement dans le cas particulier des pratiques d’évaluation. En d’autres termes, nous tentons de pointer ce qui, dans les gestes évaluatifs de l’enseignant, relèverait directement des choix qu’il a faits en lien avecla discipline qu’il enseigne et selon sa vision de ce que devraient être les apprentissages dans cette discipline.