Co analyse de l’activité de travail entre formateurs et formés : un outil pour optimiser le processus de « conception continuée » auprès d’enseignants d’EPS expérimentés ?

Auteur(s) :
Laurent, Yvette (Aix-Marseille Université, IUFM; UMR ADEF-P3)

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Mots clés :

développement
pouvoir d'agir
genèse instrumentale
activité
Atelier(s) :

5D
Thèmes :

Axe 3 : Les dimensions professionnalisantes du travail enseignant
Public : collège
Public : lycée professionnel et lycée
Démarche : étude de cas, approche clinique

Résumé :

Problématique :
La question de la formation continue des enseignants d’éducation physique et sportive (EPS) se pose aujourd’hui dans un contexte de transformations importantes : d’une part, l’extension du champ des pratiques sociales de référence, les activités physiques, sportives et artistiques (APSA), l’évolution de leurs formes d’existence et l’importation récente de certaines d’entre elles dans les programmes du second degré suscitent chez les enseignants un besoin constamment renouvelé de formation sur la manière de les aborder en milieu scolaire ; d’autre part, le contexte budgétaire devient de plus en plus tendu et l’obligation de résultats de plus en plus explicite ; ainsi, une injonction institutionnelle est adressée aux opérateurs de la formation continue: il s’agit améliorer l’impact des formations sur le travail « ordinaire » des enseignants ; l’indicateur de performance donné par l’IA IPR prescripteur étant que tous les enseignants de l’académie atteignent, dans 80% des APSA enseignées, un niveau 4 d’expertise sur une échelle de 6. Autrement dit, il s’agit d’assurer une formation plus efficace avec moins de moyens.
Quelles sont les conséquences de ce nouveau contexte sur le développement des compétences professionnelles ? Comment les formateurs, intervenants occasionnels, pourront-ils faire face à au double jeu de prescriptions (Amigues, 2009) que constituent, d’une part, les attentes variées des enseignants, d’autre part, les exigences énoncées dans le cahier des charges?
Ces questions nous ont conduits à mettre en place une intervention en direction du groupe des formateurs de la discipline ; la réflexion s’est alors déplacée d’une centration exclusive sur l’action didactique et les savoirs de type didactique, vers une recherche d’articulations entre didactique et ergonomie par un recentrage sur l’activité de l’enseignant, en évitant de rabattre celle-ci à la seule dimension de transmission de connaissances. Nous avons alors tenté d’appréhender la manière dont les outils proposés en formation sont utilisés dans l’activité quotidienne de l’enseignant ; comment celui-ci les transforme pour se les approprier, ou encore pourquoi il les rejette ou ne parvient pas à en faire des instruments de son action; cet éclairage sur l’activité des enseignants réinterroge l’ingénierie de conception des formations, le travail enseignant étant donc conçu ici comme une ressource pour la formation continue.

Méthode :
Les cadres théorique et méthodologique mobilisés sont ceux développés en ergonomie de l’activité enseignante (Amigues, Faïta et Saujat, 2004) : il s’agit de provoquer le développement de l’activité non seulement pour comprendre et transformer le travail enseignant, mais aussi pour penser à nouveaux frais les dispositifs et contenus de formation susceptibles de soutenir et d’instrumenter son exercice
Le cadre méthodologique de l’autoconfrontation constitue un « espace-temps » (Clot et Faïta, 2000) où se déploie un rapport dialogique à plusieurs niveaux : d’abord confronté à la découverte de sa propre action en visionnant le film de sa séance en co-analyse avec le chercheur, chaque sujet s’engage, au cours d’une première phase (autoconfrontation simple), dans un dialogue avec lui-même grâce auquel il justifie, évalue, ses propres actes, s’en étonne éventuellement et en construit une vision nouvelle, avant d’être confronté, dans une deuxième phase (autoconfrontation croisée), à l’évaluation par un pair de ses actes de travail aussi bien que de ses commentaires. Ces deux phases sont intégralement filmées ; enfin, la dernière phase est une présentation d’un montage réalisé à partir du matériel filmé, au collectif qui se remet au travail d'analyse.
Le « milieu associé à notre recherche » mobilise un collectif composé de dyades asymétriques d’enseignants d’EPS expérimentés associant, à un formateur expert dans une APSA, un « formé » dans cette même APSA. Pour chacun, l’activité filmée fut une leçon dans l’APSA en question, il s’agissait d’une première mise en œuvre après un stage de FC pour le « formé ».

Résultats et discussion
Les premiers résultats de cette recherche en cours nous ont permis de construire des connaissances, a) sur l’activité d’un enseignant expérimenté mais néophyte dans une APSA -résurgence de préoccupations typiques d’un enseignant débutant, réalisation de compromis opératoires pour rester efficace, b) sur les processus en jeu dans le développement professionnel potentiel de chaque protagoniste - discordances entre ce qu’il voudrait faire, ce qui fait sens dans son activité d’enseignant (/ formateur d’EPS) et ce qu’il parvient à ou est contraint de faire ; genèse instrumentale à l’œuvre, pendant la formation, mais aussi après celle-ci, au moment où l’enseignant insère les artefacts proposés dans son activité en classe – mais aussi dans leur développement effectif : paliers d’efficience repérables dans une analyse diachronique c) sur certains savoirs incorporés de l’expert, éléments identifiés par le néophyte comme facilitateurs de l’activité de l’enseignant et pourtant passés sous silence en formation.
Autant de pistes pour interroger de façon renouvelée les rapports entre action didactique et activité professorale dans une perspective de formation.
Nous montrerons, dans cette communication, comment (et pourquoi) un instrument, initialement utilisé par un enseignant expert en danse hip hop, pour guider les apprentissages de ses élèves, est reconçu, par ses différents utilisateurs au fil des contextes traversés (autoconfrontations, situations de formation et d’enseignement), et nous interrogerons sur les conditions à mettre en œuvre pour faciliter le processus de genèse instrumentale (Rabardel 1999/2002), pendant le temps de la formation, puis à travers sa conception continuée dans l’usage.