« Voilà une compétence difficile à évaluer… ». L’appropriation du dispositif B2i par les enseignants du primaire

Auteur(s) :
Fluckiger, Cédric (Théodile-CIREL - Université Lille 3)
Seys, Samuel (Université Lille 3)

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Mots clés :

B2i
primaire
compétences
évaluation
Atelier(s) :

3B
Thèmes :

Axe 1 : Le travail enseignant au quotidien
Axe 2 : Les variations, transformations et évolutions du travail enseignant
Public : Primaire
Démarche : enquête, étude qualitative

Résumé :

Avec les évolutions curriculaires actuelles, l’émergence de nouveaux objets d’enseignements non indexés strictement aux disciplines scolaires, l’apparition des « éducations à… » (Audigier, 2010) et la prolifération des dispositifs qui viennent s’ajouter aux programmes (Cautermean & Daunay, 2010), certaines formes de travail enseignant se trouvent fortement bouleversées (Malet, 2010).

Présentes maintenant depuis plusieurs dizaines d’années dans le système scolaire, en tant que domaine d’enseignement ou qu’outil disciplinaire ou transversal (Bruillard & Baron, 2006), les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) ne se sont pas constituées en discipline scolaire (Baron, 1987), ni même en une « éducation aux TIC ». En primaire, la présence des TIC en tant qu’objet d’enseignement se manifeste essentiellement dans l’existence d’un Brevet de certification des compétences, le B2i. Ce dispositif a déjà été interrogé par les chercheurs, notamment sur sa capacité à conduire les jeunes à l’objectif « d’autonomie » (Cerisier, 2006; Devauchelle, 2006) qui est fixé par les textes prescriptifs ou sur les effets d’une logique de compétences.

Mais le point de vue adopté ici est celui de l’appropriation de ce dispositif par les enseignants. Quelles sont les conséquences, sur le travail des enseignants, d’un dispositif de certification qui n’est pas appuyé sur un enseignement et ne constitue ni un diplôme ni un curriculum ? Le B2i définit donc une liste de compétences, comme « Je sais produire et modifier un texte, une image ou un son », sans que la manière d’enseigner ou d’évaluer cette compétence ne soit définie dans les programmes. Les enseignants doivent donc par exemple « se débrouiller » pour comprendre, interpréter puis s’approprier ces compétences avant de définir à partir de quel niveau de maitrise une compétence doit être considérée comme acquise.

Au delà des problèmes socio-organisationnels de la mise en place d’un certificat nécessitant une lourde structure technico-pédagogique (ordinateurs, logiciels spécifiques, carnets d’élèves), la mise en place du B2i et son appropriation par les enseignants posent certains problèmes didactiques. Cette problématique peut se décliner en quatre points :
- l’évolution de l’informatique scolaire ayant conduit à mettre en avant les savoir-faire instrumentaux, quels sont, aux yeux des enseignants, les savoirs scolaires informatiques sous-jacents aux compétences évaluées ?
- Le B2i est constitué d’une liste de compétences réparties en 5 domaines. Le lexique utilisé pour décrire ces compétences n’étant pas bien maîtrisé par les enseignants, quelle place est laissée à une interprétation personnelle plus ou moins éloignée de l’idée originelle des concepteurs ? Comment alors évaluer une compétence, si enseignants et élèves ne l’interprètent pas de la même façon ? Les enseignants disposent d’une liste de compétence à valider, sans que soit indiqué ce qui doit être considéré comme une compétence validée, si ils doivent évaluer un processus (savoir faire efficacement) ou un résultat (arriver à le faire), quel niveau de compétence est requis, etc. Les compétences testées dans le B2i ne constituant pas une discipline scolaire, les enseignants se sentent-ils légitimes à valider ainsi des compétences qui ne relèvent pas d’un savoir scolaire légitime, et pour lesquels ils n’ont parfois pas été formés eux-mêmes ? Alors que les discours médiatiques et même académique construisent la figure d’élèves « natifs numériques » ou des « New Millenium Learner », censés être plus compétents que leurs parents et enseignants, comment les enseignants gèrent-ils ce double déficit de légitimité, personnelle et du domaine à évaluer.
- Les instructions officielles n’apportant pas de réponses à ces questions, à quelles médiations ont recours les enseignants pour construire leurs pratiques d’évaluation du B2i ?

Cette communication s’appuie à la fois sur l’étude exhaustive des modalités de passation du B2i dans une circonscription du département du Nord, et sur des entretiens semi-directifs avec des enseignants. Elle montrera qu’en l’absence d’instructions sur le contenus à enseigner, c’est en réalité l’évaluation qui sert de référence pour la construction, par les enseignants, de leurs enseignements, et qu’ils éprouvent des difficultés à apprécier ce qui doit être considéré comme une compétence acquise pour des compétences exprimées en termes très généraux

Audigier, F. (2010). Curriculum, disciplines scolaires, "éducation à..." In F. Chapron & E. Delamotte (Eds.), L'éducation à la culture informationnelle (pp. 244-253). Villeurbanne: Presses de l'ENSIB.
Baron, G.-L. (1987). La constitution de l'informatique comme discipline scolaire. Paris, Paris.
Bruillard, E., & Baron, G.-L. (2006). Usages en milieu scolaire: caractérisation, observation et évaluation. In M. Granbastien & J.-M. Labat (Eds.), Environnements informatiques pour l'apprentissage humain (pp. 269-284). Paris: Lavoisier.
Cautermean, M.-D., & Daunay, B. (2010). La jungle des dispositifs. Recherches, 52.
Cerisier, J.-F. (2006). La nature du B2i lui permet-elle d'atteindre ses objectifs? Les dossiers de l'ingénierie éducative, 55.
Chapron, F., & Delamotte, E. (2010). L'éducation à la culture informationnelle. Villeurbanne: Presses de l'ENSIB.
Devauchelle, B. (2006). Comprendre cinq années de mise en place du B2i: mots et maux. Dossiers de l'ingénierie éducative, 55, 2-7.
Malet, R. (2010). Ecole, médiations et réformes curriculaires. Perspectives internationales. Bruxelles: De Boeck.