Les collègues comme ressource dans l'accompagnement des débutants : le cas d'enseignants novices en Education Physique et Sportive

Auteur(s) :
JELEN, Nathalie (Université d'Artois, Atelier SHERPAS (EA-4110), Faculté des Sports et de l'Education Physique)

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Mots clés :

débuts de carrière
enseignants
socialisation professionnelle
enquête
EPS
Atelier(s) :

2B
Thèmes :

Axe 3 : Les dimensions professionnalisantes du travail enseignant
Public : collège
Démarche : enquête, étude qualitative

Résumé :

L’entrée dans le métier est marquée par les difficultés éprouvées par les enseignants débutants lors de la confrontation à la relation pédagogique. Ainsi, ces débuts constituent une « épreuve » au cours de laquelle les novices mobilisent diverses ressources afin de s’accommoder et de limiter voire amoindrir les difficultés rencontrées dans la réalisation de l’acte pédagogique. Tel est l’objet de cette proposition qui essaie d’examiner l’une de ces catégories de ressources. Cette contribution se propose d’étudier, plus particulièrement, les ressources produites par les interactions avec des collègues plus expérimentés. Ainsi, dans la situation de travail, comment les échanges qui peuvent se nouer entre collègues constituent-ils une ressource pour l’accompagnement des enseignants débutants ? Il s’agit alors d’étudier : quelles sont les ressources fournies par les collègues, quelles formes prennent-elles ? Comment les enseignants s’organisent-ils pour en profiter ? Et, pourquoi ces ressources sont-elles inégalement distribuées entre les enseignants débutants ? La focalisation sur une telle problématique repose sur les résultats d’une enquête consacrée aux débuts de carrière d’enseignants du secondaire. La centration sur le cas d’enseignants d’Education Physique et Sportive constitue une commodité d’ordre méthodologique. Cela a permis d’appréhender plus finement les mécanismes et les variables qui tendent à faciliter ou perturber les processus de conversion professionnelle.
Les résultats présentés sont issus d’une recherche menée entre 2005-2008 dans le cadre d’un doctorat en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives. L’enquête a été réalisée en deux phases. La première repose sur le suivi longitudinal de cinq enseignants aux caractéristiques variées (deux titulaires sur zone de remplacement, deux titulaires en poste fixe et une enseignante affectée sur deux établissements avant d’être définitivement nommée dans l’un d’entre eux) depuis leur deuxième année de formation (PLC2) jusqu’à leur troisième année de titularisation. Le suivi de ce petit groupe d’enquêtés a permis d’apprécier au plus près les processus de conversion et l’influence de certains facteurs. La deuxième phase consiste en un élargissement quantitatif de la population d’enquête à une cinquantaine d’enseignants des académies de Lille et de Versailles à niveau d’ancienneté, statuts (poste fixe/TZR) et types d’établissement d’exercice (classés/non classés) divers. Au total, soixante-cinq entretiens ont été réalisés et dix observations participantes ont été menées (pour des raisons de faisabilité) afin d’approcher de manière concrète les conditions d’exercice du métier, d’interroger un système de représentations tout en objectivant le propos indigène en confrontant les discours aux faits. Nous inscrivant dans une démarche compréhensive, nous avons privilégié la conduite d’entretiens non directifs – réalisés à la suite de quelques entretiens exploratoires afin d’ajuster la grille et le protocole d’enquête - en proposant des « offres de sens » (durée moyenne : une heure et demie) (Demazière D., Glady M., 2008). L’utilisation de cette technique a un double intérêt : la description des débuts de carrière, des situations, des moments dans la classe, dans l’établissement, avec les élèves et les collègues ; l’obtention d’éléments d’explication permettant de saisir les processus de conversion professionnelle en cours. Notre objectif était de « placer » et d’amener les enseignants à entreprendre une démarche réflexive sur leur pratique. Nous visions à approcher leurs systèmes de pensée et d’action (Kauffman J-C, 1996). Ainsi, les grilles renseignaient à la fois des caractéristiques personnelles, des perceptions (leurs élaborations et leurs évolutions) et des pratiques professionnelles. Néanmoins, les matériaux recueillis présentaient certaines limites. C’est pourquoi, nous avons ressenti la nécessité d’aller observer et partager les expériences d’enseignement. Ont été observés le déroulement de la journée de travail, l’organisation des cours (les routines et les modes de fonctionnement établis), les interactions entre les différents acteurs dans la quotidienneté du travail. La compréhension des processus de conversion en début de carrière a été établie en confrontant ce que disent les enseignants, ce qu’ils font et ce qu’ils sont (leurs caractéristiques statutaires et contextuelles). L’intérêt d’une telle réalisation - le recours à différentes catégories de discours et « types » de discours émanant des différentes techniques utilisées - repose sur les vertus explicatives qu’apporte la comparaison de ces diverses sources.
Cette contribution permet ainsi d’identifier différentes formes d’échanges formels (l’instauration d’un règlement commun en EPS, du projet EPS) et informels (observation des collègues (lors du partage des installations sportives), des échanges avec les collègues EPS et ceux des diverses disciplines d’enseignement, de l’équipe pédagogique en général…) qui agissent comme des leviers privilégiés dans l’acquisition des savoirs professionnels à l’interface des élèves et des savoirs. L’examen attentif de ces interactions et des moyens mis en place par les enseignants pour y avoir accès met alors en évidence l’isolement auquel ces enseignants débutants sont plus ou moins sujets et montre l’influence des « conditions d’affectation » (affectés en poste fixe ou sur zone de remplacement) dans la distribution inégale de ce type de ressources.