L'interdisciplinarité au service de la professionnalisation des enseignants du secondaire : une expérience menée en formation initiale

Auteur(s) :
Monnier, Anne (Université de Genève, IUFE)
Grin, Isabelle (Université de Genève, IUFE)

Télécharger la contribution
Mots clés :

forme scolaire
interdisciplinarité
formation initiale
professionnalisation
Atelier(s) :

5D
Thèmes :

Axe 3 : Les dimensions professionnalisantes du travail enseignant
Public : collège
Public : lycée professionnel et lycée
Démarche : recherche-action

Résumé :

L’interdisciplinarité au service de la professionnalisation des enseignants du secondaire : une expérience menée en formation initiale.


Bien que suspectée de dilution disciplinaire ou en tout cas envisagée avec prudence par un certain nombre de didacticiens, l’interdisciplinarité est recommandée depuis quelques années dans les différents règlements de l’enseignement secondaire. L’Ordonnance et le Règlement régissant la Reconnaissance de la nouvelle Maturité (ORRM 95) consacrent un article entier (Art. 11 bis) à l’interdisciplinarité : « Chaque école pourvoit à ce que les élèves soient familiarisés aux approches interdisciplinaires ». De même, dans le Plan d’Etudes des Ecoles de Culture générale (PEC2004), on peut lire : « Par-delà les connaissances qui doivent être dispensées dans chacun des domaines d’études, ce sont les liens entre les différents domaines qu’il convient d’établir de façon à favoriser la prise de conscience des interrelations existantes et promouvoir une pensée interdisciplinaire » (p.17). Il ne fait donc pas de doute que l’interdisciplinarité accompagne la professionnalisation de l’enseignement, en particulier au niveau secondaire.

Cependant ce qui est prescrit ne va pas forcément de soi, d’où l’intérêt de travailler ce sujet déjà en formation initiale. Comment, et dans quel but, néanmoins, dans le cadre de la formation des enseignants du secondaire I et II, faire comprendre aux étudiants que la transgression des frontières des disciplines scolaires est une manière de configurer différemment des objets de savoirs provenant de sources diverses pour les réinjecter dans un projet interdisciplinaire ?
Ne serait-ce pas une manière d’éviter « l’obstacle » qui conduit à la « sacralisation » des disciplines en « feignant de vouloir les éterniser dans une forme institutionnelle qui est la leur », en omettant de prendre en compte la polyvalence des disciplines scolaires qui recoupent différents champs et que Chevallard désigne comme « polydisciplines » ? (Chevallard, 2006)

Cette contribution s’inscrit dans le prolongement d’une expérimentation qui a commencé au semestre d’automne 2009 et qui se prolonge au semestre d’automne 2010 dans le cadre d’une Unité de Formation (UF) appelée « Profession enseignante ». Il s’agit pour nous d’analyser les apprentissages réalisés par les étudiants dans le cadre d’un dispositif de formation centré sur l’élaboration d’un projet interdisciplinaire avec plusieurs groupes d’une vingtaine de participants venant d’horizons disciplinaires différents. Notre hypothèse est la suivante. L’élaboration d’un projet interdisciplinaire permet à des étudiants qui terminent leur master, et dont l’identité est fortement imprégnée par une discipline académique, de prendre conscience que « les disciplines scolaires ne sont pas des enfants plus ou moins bâtards de sciences éponymes, mais des constructions propres à l’école » (Audigier, 2006, p.2). Les travaux récents montrent en effet que « les savoirs de référence sur lesquels se fondent la profession et l’identité de l’enseignant du secondaire sont avant tout constitués par les savoirs disciplinaires liés aux savoirs à enseigner » (Lussi Borer, 2009, p.31) ; éprouver l’interdisciplinarité en formation devrait donc aider les étudiants à s’interroger sur les champs disciplinaires qui composent leur discipline d’enseignement, et à mieux en cerner les contours et la spécificité sur le plan des contenus et des méthodes.

Pour ce faire, nous procédons de la manière suivante. Lors d’une première étape, nous incitons les étudiants, par un effet de miroir, à réfléchir à la forme scolaire et la place des disciplines dans les curricula scolaires. A partir de là, les notions d’interdisciplinarité, de transdisciplinarité et multidisciplinarité sont définies, afin d’éviter le brouillage et la confusion dénoncés par certains auteurs lors de la réflexion sur ces concepts (Perrig-Chiello & Darbellay, 2002). En parallèle, un certain nombre de concepts didactiques dont le degré de généricité est suffisant pour être traduits dans différentes disciplines sont rappelés. Puis, grâce à un travail en deux étapes, par groupe disciplinaire, puis par groupe interdisciplinaire, les participants élaborent un projet sur un thème se prêtant effectivement à un traitement interdisciplinaire, c’est-à-dire résonnant suffisamment dans chaque discipline pour permettre un réel dialogue entre elles. La confrontation qui en résulte permet de souligner la complexité de la construction des disciplines scolaires (Alpe, 2002) et de dépasser la simplification du réel opérée par la démarche scolaire (Astolfi, 2006).
In fine, ce processus de formation permet de nous engager dans le débat concernant la dualité théorie-pratique rappelé par Feyfant (2010) et d’afficher notre volonté de nous inscrire dans la réalité du métier en l’articulant avec l’appropriation de savoirs professionnels, qu’ils viennent de domaines transversaux ou didactiques.






Bibliographie provisoire:

Audigier, F. (2006, consulté le 5.11.2009). L’interdisciplinarité à l’école – Quelques interrogations théoriques et pratiques à propos de l’histoire, de la géographie et de l’éducation citoyenne. http://www.jsse.org/2006-2/audigier_interdisciplinarity_frz.htm

Alpe,Y. (2006, consulté le 18.06.2010). Savoirs savants et disciplines scolaires : Peut-on enseigner des « sciences sociales » ? Communication proposée au colloque de Clermont Ferrand, mars 2002. http://www.aixmrs.iufm.fr/formations/filieres/ses/didactique/savsav.html

Astolfi, (2006). Les questions vives en question ? In A. Legardez & L. Simonneaux. L’école à l’épreuve de l’actualité. Enseigner les questions vives. Paris : ESF

Chevallard (2006, consulté le 18.06.2010). Emanciper la didactique ? La tension entre allégeance« disciplinaire »et scientificité. yves.chevallard.free.fr/spip/spip/IMG/pdf/Emanciper_la_didactique.pdf

Feyfant, A. (2010. consulté le 31.05.2010). L’apprentissage du métier d’enseignant. http://www.inrp.fr/vst/LettreVST/pdf/50-janvier-2010-integrale.pdf

Lussi, Borer, V. (2009). Les savoirs : un enjeu crucial de l’institutionnalisation des formations à l’enseignement. In R. Hofstetter & B. Schneuwly (Eds.), Savoirs en (trans)formation. Au cœur des professions de l’enseignement et de la formation, (pp. 41-59). Bruxelles : De Boeck.


Perrig-Chiello, P. & Darbellay, F. (2002). Inter-et transdisciplinarité : concepts et méthodes. In P. Perrig-Chilello & F. Darbellay (Eds.). Qu’est-ce que l’interdisciplinarité ? Les nouveaux défis de l’enseignement (pp. 13-31). Lausanne : Réalités sociales.