Enseignement professionnel : quand la situation de travail réinterroge l'enseignement.

Auteur(s) :
Masson, Claire (AgroSup Dijon)

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Mots clés :

didactique professionnelle
enseignement professionnel
situation de travail
apprendre des situations
Atelier(s) :

4C
Thèmes :

Axe 2 : Les variations, transformations et évolutions du travail enseignant
Public : lycée professionnel et lycée
Démarche : étude de cas, approche clinique

Résumé :

Cette communication se propose de discuter le rôle de professionnels non-enseignants dans l'enseignement des formations professionnelles.

L'enseignement technique et professionnel agricole a ceci de particulier qu'il dispose au sein même des établissements d'un lieu où se jouent, en un même espace temps, la production et la formation : les ateliers technologiques ou l'exploitation agricole de l'établissement. Dans cet endroit, des professionnels sont employés pour assurer la production tout en accueillant les différents apprenants de l'établissement. L'accueil revêt des réalités différentes, il peut s'agir d'une simple visite d'observation d'une classe avec un professeur, ou encore d'apprenants plus impliqués puisque ils viennent en stage long de production et intègrent ainsi l'équipe de travail pour un temps.

"Apprendre des situations" c'est apprendre à maîtriser une situation de travail. Les systèmes éducatifs français dans leur ensemble sont enjoints de former des gens compétents et employables, des professionnels. Ainsi, dans ce contexte les dispositifs de formation par alternance sont fortement valorisés. Ils permettent de proposer aux jeunes une sorte d'apprentissage sur le tas organisé, c'est à dire de résoudre le paradoxe d'intégrer, dans les dispositifs de formation, des apprentissages qui sont réputés ne pas se produire à l'école. Le dispositif d'alternance compte sur le processus d'acquisition, de construction d'une expérience qui se déroule quand on travaille ; "Apprendre des situations" c'est aussi apprendre par le fait d'être dans une situation.
Bien sûr, dans les dispositifs de formation par alternance, les acteurs ont œuvré à la prise en charge de ce processus particulier d'apprentissage en adaptant, en transformant et en créant des formes d'enseignements particulières.

Nos travaux portent sur l'activité des moniteurs dont celle d'accompagnement des apprenants dans l'un de ces ateliers technologiques, lieu où il "s'apprend des situations de travail" aux deux sens de l'expression. Les apprenants sont mis dans la situation de produire avec un professionnel, appelé moniteur, présent pour assurer la production. Il prend en charge les apprenants comme travailleurs, c'est à dire en les sollicitant pour qu'ils développent une activité de travail. Dès lors, il les accompagne aussi dans l'apprentissage. Le moniteur est embauché comme professionnel, il doit d'une part et en priorité assurer la production (y compris seul), dans cet atelier il s'agit de fromage, et d'autre part superviser l'équipe qui est composée des apprenants du moment, éventuellement de salariés en insertion.
Nous nous sommes intéressé à l'activité de ces moniteurs lors de la production de fromage ou de beurre. Nous l'avons caractérisé d'une part en fonction des dimensions de production (comme activité de travail, de production de fromage et de beurre) et d'apprentissage et d'autre part en fonction du potentiel de production des conditions de réalisations de l'activité des apprenants. Nous regardons alors l'activité collective de travail des apprenants avec le professionnel comme un processus d'enseignement-apprentissage. Nous montrerons ainsi que cette situation n'est ni une situation de travail, ni une situation "classique" de formation : elle est une situation de travail porteuse d'intentions de formation. Nous montrerons comment ces professionnels favorisent l'apprentissage et notamment comment ils interviennent dans la construction par l'apprenant du rapport entre son activité dans les ateliers et l'activité professionnelle. Nous proposons de reprendre, pour cela, le concept de situation potentielle de développement (Mayen, 1999) pour caractériser cet hybride du travail dans la formation.
La conception de formation à l'œuvre dans ces ateliers n'est pas de réduire l'écart existant entre l’activité de l’apprenant en centre de formation et celle en entreprise, mais plutôt que le dispositif de formation œuvre à didactiser la situation de travail pour que l'on y retrouve des contraintes de production et des contraintes d'apprentissage et de construction de soi. Pour agir sur l’activité de l’apprenant, les ateliers ont deux possibilités de leviers : jouer directement sur la situation ou indirectement au travers de l’activité de ses moniteurs.