Relations entre les dimensions téléologique, épistémologique et praxéologique des pratiques d'enseignants d'histoire et éducation à la citoyenneté

Auteur(s) :
Demers, Stéphanie (Université du Québec en Outaouais)
Éthier, Marc-André (Université de Montréal)

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Mots clés :

pratiques enseignantes
didactique de l'histoire
transposition curriculaire
Atelier(s) :

2C
Thèmes :

Axe 1 : Le travail enseignant au quotidien
Public : collège
Démarche : étude de cas, approche clinique

Résumé :

Cette recherche vise la production de portraits individuels d’enseignants, de leur système subjectif et de leurs pratiques et des relations que ces dimensions entretiennent avec le Programme de formation de l’école québécoise. Les portraits des enseignants ayant des perspectives épistémologiques différentes seront contrastés afin d’identifier quel type de relations les dimensions subjectives des pratiques enseignantes entretiennent avec les dimensions téléologique et praxéologique.

La recherche sur les changements curriculaires témoigne des relations complexes entre la nature du changement curriculaire, la forme de sa mise en œuvre, les réactions des acteurs et les effets sur les apprenants et le système scolaire tout entier (Cros, 2001; Demailly, 2001; Duru-Bellat, 2007). Ces recherches démontrent également que les curricula restent des prescriptions vides de sens et inopérantes si elles ne tiennent pas compte des logiques de fonctionnement des pratiques enseignantes. Ces dernières, en tant qu’action sociale structurée et structurante, impliquent que les enseignants, tant par leur conscience pratique (dont font partie les savoirs expérientiels et les normes intériorisées telles les croyances épistémologiques) que par leurs propres finalités et en fonction des conditions de leur action, évaluent la légitimité et la validité des énoncés curriculaires. Dans le cas des enseignants d’Histoire et éducation à la citoyenneté du Québec, les changements au curriculum global et aux approches qui le soutiennent ont été conjugués à un changement paradigmatique, lequel a engendré un débat houleux sur la nature et les finalités explicites de la discipline et de son apprentissage (Dagenais et Laville, 2007). Les enseignants québécois d’Histoire et éducation à la citoyenneté sont ainsi appelés à transformer leurs pratiques enseignantes au regard de nouvelles prescriptions générales, mais également de nouvelles prescriptions disciplinaires, leur action doit désormais tenir compte de deux changements normatifs qui auraient le potentiel de bouleverser à la fois les normes intériorisées comme croyances épistémologiques et les finalités qu’ils poursuivent. La recherche démontrent donc un problème dans la transposition des finalités du programme d’histoire et éducation à la citoyenneté aux pratiques enseignantes, qui restent stables malgré les changements dans les pratiques de référence disciplinaire, les changements curriculaires et les avancés de la didactique de l’histoire (Audigier, 1995; Martineau 1999).

La théorie de la structuration de Giddens (1979) constitue l’axe théorique central de cette recherche. En premier lieu, cette théorie permet de concilier la nature dialectique des pratiques enseignantes qui s’inscrivent tant dans la structure (générique et normative) que dans l’agent et son système subjectif, qui inclut les croyances épistémologiques, les savoirs expérientiels et théoriques, ainsi que ses propres finalités. À ce titre, la théorie de la structuration reflète ce que les résultats de recherches ont démontré jusqu’à présent quant à l’importance de l’enseignant (l’agent) dans la re/production de la structure curriculaire dans la pratique quotidienne. La théorie de la structuration permet de porter un regard doublement herméneutique sur la transposition des finalités curriculaires comme structures aux pratiques enseignantes comme action finalisée par l’agent selon ses dimensions subjectives (épistémologique et téléologique).


L’objet de cette recherche est de comprendre la dynamique qui lie l’agent qu’est l’enseignant d’histoire et éducation à la citoyenneté à la structure qu’est le curriculum via son action (ses pratiques), c’est-à-dire d’accéder plutôt aux motifs-en-vue-de (Schutz, 1987) (émergeant de la conscience pratique) qu’aux motifs-parce-que de la réflexion rétrospective et d’examiner les relations qu’ils entretiennent avec les normes externes. Trois cas «typiques» et trois cas «atypiques» ont été sélectionnés par l’entremise d’un questionnaire sur les croyances épistémologiques. Les recoupements et dissonances entre les divers cas seront présentés à la lumière des dimensions singulières de la pratique, opérationnalisées sous deux formes, soit 1) l’association à l’une des positions relatives aux croyances épistémologiques, identifiées via le questionnaire et 2) les finalités subjectives relatives a) aux buts de l’apprentissage de l’histoire, b) aux finalités de son enseignement scolaire et c) à l’idéal social désiré sous forme de profil de sortie de l’élève, suscitées dans le cadre d’entretiens semi-dirigés individuels; des relations entre l’agent et la structure (le Programme de formation de l’école québécoise, dans ses visées globales, d’une part et plus particulières, d’autre part, dans le domaine de l’histoire et éducation à la citoyenneté) qui mènent au choix de l’action, opérationnalisés sous la forme de planification de deux séquences didactiques, chacune liées à une réalité sociale différente prescrite par le Programme de formation de l’école québécoise et des productions d’élèves dans le cadre de ces séquences, soumises à une analyse de contenu et, enfin, des conditions contextuelles de ces choix, de l’action et des relations entre l’action et la structure, opérationnalisées sous forme de pratiques enseignantes observées en salle de classe.

Audigier, F. (1995). Histoire et géographie : des savoirs scolaires en question entre les définitions officielles et les constructions des élèves, SPIRALE - Revue de Recherches en Éducation, 15, p. 61-89.
Cros, F. (dir.) (2001). Politiques de changement et pratiques de changement. Paris : INRP.

Duru-Bellat, M. (2007). «L’évaluation de la qualité du contexte scolaire: dérive managériale ou exigence démocratique ?», dans M. Behrens (dir.), La qualité en éducation. Pour réfléchir à la formation de demain (pp. 127- ). Québec : Presses de l’Université du Québec.

Dagenais, M. et Laville, C. (2007). Le naufrage du projet de programme d’histoire «nationale». Revue d’histoire d’Amérique française, 60 (4), 517-550.

Demailly, L. (2001). «Enjeux de l’évaluation et régulation des systèmes scolaires», dans L. Demailly (dir.), Évaluer les politiques éducatives : sens, enjeux, pratiques (pp. 13-30). Bruxelles : De Boeck-Université.

Giddens, A. (1979) Central Problems in Social Theory: Action, Structure and Contradiction in Social Analysis, London: MacMillan.

Martineau, R. (1999). L’histoire à l’école, matière à penser. Paris : L’Harmattan.

Schutz, A. (1987). Le chercheur et le quotidien : phénoménologie des sciences sociales ». Paris : Méridiens Klincksieck, coll. « Sociétés ».