L’activité collective en classe : une étude du caractère dynamique et contextuel des interactions entre élèves

Auteur(s) :
JOURAND, Clément (Laboratoire CETAPS, UFR STAPS Rouen)
Adé, David (Laboratoire CETAPS, UFR STAPS Rouen)
Sève, Carole (Laboratoire MIP, UFR STAPS Nantes)

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Mots clés :

approche orientée-activité
Cours d'action
contexte
EPS
interaction
Atelier(s) :

1C
Thèmes :

Axe 1 : Le travail enseignant au quotidien
Public : collège
Démarche : enquête, étude qualitative

Résumé :

Le travail enseignant consiste en autre à mettre en place les conditions favorables à un travail collectif pour viser des apprentissages sociaux. Ainsi, les enseignants organisent parfois le travail des élèves en petits groupes où en dyades pour les inviter à collaborer. Des études en Education Physique et Sportive (EPS) se sont intéressées à l’impact de ces formes de travail et aux formes d’interactions qui en découlent (e.g., Ensergueix & Lafont, 2009). Les résultats pointent notamment les relations entre le niveau des élèves constituant la dyade et le progrès dans les apprentissages. Mais ces recherches se sont intéressées à des situations scolaires dans lesquelles l’enseignant supervisait la leçon, et avait conçu des tâches spécifiques pour appréhender les effets de ce travail par dyades. Aussi, il est probable que la présence de l’enseignant et le caractère construit des tâches aient eu un impact sur les formes d’interactions entre les élèves et par conséquent sur leurs apprentissages. L’objectif de cette communication est de caractériser des formes d’interaction collectives entre des élèves dans des situations ordinaires d’enseignement mais hors du contrôle de l’enseignant.
Pour favoriser des apprentissages sociaux, les enseignants proposent parfois aux élèves des situations dans lesquelles ils ne sont pas totalement sous leur supervision. Ces conditions nous semblent devoir être étudiées pour mieux comprendre ce qui se joue dans l’activité collective de la classe et pour aider les enseignants à envisager des modalités d’intervention plus adaptées. Nous présentons des résultats de l’étude d’une leçon d’EPS ayant comme discipline sportive support la course d’orientation. Le caractère original de cette discipline sportive repose sur (a) une organisation de son enseignement généralement sous la forme dyadique, (b) l’utilisation d’objets spécifiques (e.g., une carte), et (c) des modalités d’intervention de l’enseignant particulières dans la mesure où il demeure, la plupart du temps, à un point fixe dit de « ralliement ». Autrement dit, les formes d’interactions entre élèves lorsqu’ils construisent un itinéraire, confrontent leurs avis, ou utilisent la carte, restent des épisodes d’activités cachés à l’enseignant.
Cette étude a été menée en collaboration avec quatre élèves volontaires d’une classe de sixième répartis en deux dyades. L’activité de chaque dyade a été étudiée dans un contexte similaire : la recherche de trois balises sur un parcours identique au cours d’une même leçon. Avant de partir à la recherche des balises, les élèves disposaient d’une minute dans une « chambre d’appel » pour construire et prévoir leur itinéraire de course. Ces conditions favorisaient l’utilisation de la carte dans la dyade de manière à ce que les élèves puissent anticiper, modifier leur itinéraire au fur et à mesure du déroulement de la situation.
Cette étude a été conduite dans le cadre théorique du cours d’action (Theureau, 2006) parce qu’il (a) permet, du fait de ses propositions méthodologiques, d’étudier l’activité d’élèves dans des situations réelles d’enseignement non supervisées par l’enseignant, (b) s’attache à la description de l’expérience vécue par les participants, et (c) rend compte du rôle de l’environnement humain et matériel dans la dynamique de l’activité. Deux types de données ont été recueillis : (a) des données d’enregistrement audio-visuelles pendant l’activité de recherche des balises par les élèves grâce à une caméra miniature de type « paluche », et (b) des données de verbalisations lors d’entretien semi-directifs post-action avec les élèves.
Nos résultats ont permis de mettre en évidence (a) des modalités différentes d’utilisation de la carte au sein des dyades, et (b) une évolution des formes d’interactions liée à ces différentes modalités d’utilisation de la carte. Au cours de la recherche vers les balises, les élèves ont utilisé la carte de trois manières différentes : le mode « partagé » (les deux élèves agissaient alternativement ou simultanément avec la carte), le mode « exclusif » (un élève regardait seul la carte et empêchait l’autre de la consulter), le mode « détaché » (les élèves déterminaient des itinéraires sans se référer à la carte). Ces modes d’utilisation ont structuré la dynamique entre des interactions de co-construction (les élèves poursuivaient et s’accordaient sur un objectif commun), de confrontation (les élèves ne s’accordaient pas sur les modalités à suivre) et de délégation (l’un des élèves « laissait la main » à l’autre).
Au regard de ces résultats nous présentons deux éléments de discussion. Le premier est relatif à l’inscription contextuelle de l’activité collective de la classe. Le deuxième discute les conditions à mettre en œuvre par les enseignants pour générer chez les élèves un travail collaboratif. Les différentes formes de groupements des élèves ne constituent pas à elle seule des conditions suffisantes : un environnement à priori partagé par des élèves ne s’impose pas de fait comme mutuellement manifeste pour eux.

Références

Ensergueix, P. et Lafont, L. (2009). Rôle du contexte dans la formation d’élèves au tutorat réciproque en tennis de table. eJournal de Recherche sur l'Intervention en Education Physique et en Sport, 18, 68-84.
Theureau, J. (2006). Cours d'action: Méthode développée. Toulouse, Octarès.