Des empêchements de l’activité de l’enseignant et des élèves à la conception de situations de formation. Un exemple en volley-ball

Auteur(s) :
magendie, elisabeth (université Bordeaux 4 IUFM)
bouthier, daniel (université Bordeaux 4 IUFM)

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Mots clés :

enseignants
activité
conflits
empêchements
situations de formation
Atelier(s) :

2B
Thèmes :

Axe 1 : Le travail enseignant au quotidien
Public : collège
Démarche : étude de cas, approche clinique

Résumé :

L’objet de notre communication est de montrer comment, à partir de l’analyse de l’activité de l’enseignant et de celle de ses élèves, il est possible d’envisager des situations de formation. Nous prenons appui pour cela sur le cas d’un enseignant d’EPS et de deux élèves de 3° (Jérémy et Camille) qui éprouvent des difficultés dans leurs apprentissages au cours d’un cycle de volley-ball.
L’analyse que nous proposons se réfère à la double approche didactique et ergonomique (Robert, 2008) et à l’approche clinique de l’activité (Clot, 1999). Elle se situe à l’échelle d’un cycle et cherche à comprendre certaines situations de blocage, notamment celles au cours desquelles les élèves ne parviennent pas à faire ce qui est demandé.
L’approche didactique et ergonomique de l’activité de l’enseignant vise, à partir d’une analyse a priori et a posteriori, à expliciter les contenus enseignés et leur modes de transmission lors du déroulement des actions. Elle permet d’envisager l’activité possible des élèves, c’est-à-dire ce qu’elle serait pour des élèves jouant le jeu de la classe (Robert, 2006).
L’approche clinique de l’activité de l’enseignant et des élèves s’attache à rendre compte du rapport entre leurs occupations et leurs préoccupations, et par conséquent à mettre en évidence les conflits d’intentions et les empêchements de leur activité ainsi que les solutions qu’ils trouvent ou ne trouvent pas pour surmonter les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Elle permet de porter le regard au-delà des activités réalisées et aide à comprendre, voire interpréter ce qui se passe en classe.
Cette double approche (didactique/ergonomique et clinique) montre, entre autres, que si l’enseignant est effectivement attaché à un « objet d’horizon » lointain : celui de rendre possible l’aboutissement de l’enjeu de savoir (Monnier, Amade-Escot, 2009), il est contraint, sous la pression des garçons notamment, mais aussi face à l’inertie des filles ou aux difficultés insurmontables de certains, de renoncer à faire réussir tous les élèves. Pour autant, si l’activité contrariée de l’enseignant parvient néanmoins à se développer, c’est sans doute parce que l’enseignant se donne de nouveaux objectifs à atteindre (faire bouger les filles ; faire en sorte que Jérémy ne refuse pas de jouer) mais aussi parce qu’il parvient d’une certaine manière à se déresponsabiliser en posant ce qui serait « l’ordre des choses » : les filles préfèrent rester tranquilles, attendre que la séance passe ; Jérémy est capable de se prendre à chaque fois le ballon dans le visage, il est en situation d’échec.
L’analyse montre également que l’activité de renoncement est probablement plus importante encore du côté des élèves. Confrontés eux aussi à des dilemmes insurmontables (vouloir réussir à jouer sans y parvenir puisqu’ils sont « nuls »), ils n’ont comme seule issue, au mieux de faire semblant, au pire d’abandonner ou de refuser de jouer. Leur activité est comme nécrosée, mise en souffrance. Ne trouvant aucune possibilité de développement, ils rêvent d’être ailleurs et de ne plus avoir à supporter le regard des autres.
Ces quelques résultats de l’analyse de l’activité de l’enseignant et des élèves, en ce qu’ils invitent à réfléchir sur les possibles conditions de dépassement de telles situations de blocage, constituent, de notre point de vue, des outils de formation intéressants, non seulement pour les enseignants débutants, mais également pour des enseignants plus expérimentés.
Ainsi, il s’agit cette fois-ci, dans une perspective de didactique professionnelle, d’articuler la recherche et la formation, c’est-à-dire, à partir de l’analyse conjointe de l’activité de l’enseignant et de celle de ses élèves, de déterminer des classes de situations d’apprentissage pour la formation (Pastré, 2008). Toutefois, comme Leblanc et al. (2008), si nous retenons de la didactique professionnelle ce qui concerne les visées de conception de formation indexées à l’analyse de l’activité réelle, nous appréhendons l’activité humaine selon une approche clinique.
Considérant donc l’activité humaine comme une épreuve subjective au cours de laquelle le sujet se confronte à soi-même et aux autres pour avoir une chance de réaliser ce qui est à faire (Clot, 1999), nous suggérons qu’il serait judicieux de concevoir des situations de formation conduisant les formés à reconnaître et à analyser les empêchements de l’activité afin d’envisager des pistes d’intervention peut-être plus efficaces. De telles situations nécessitent dès lors de s’emparer non seulement des données de la recherche (vidéo, contenu des séances) mais aussi des résultats de celle-ci. Il nous semble que des situations d’analyse collective à partir de tels matériaux de recherche, c’est-à-dire à partir d’une entrée par l’analyse des empêchements de l’activité mais aussi par celle des choix didactiques réalisés par l’enseignant, permettrait grâce à l’échange dialogique autour du genre du métier et des différents styles d’enseignement de contribuer au développement professionnel des enseignants (Clot, 2007).