Activités de conceptualisation dans une démarche d’investigation scientifique: le rôle de l’enseignant sur les apprentissages lors d’une séance de classification animale en CE2-CM1

Auteur(s) :
Boyer, Catherine (Université Lille3- Laboratoire théodile)

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Mots clés :

analyse de l'activité
moments scolaires
objet
sciences
conceptualisation
Atelier(s) :

3D
Thèmes :

Axe 1 : Le travail enseignant au quotidien
Public : Primaire
Démarche : enquête, étude qualitative

Résumé :

Activités de conceptualisation dans une démarche d’investigation scientifique: le rôle de l’enseignant sur les apprentissages lors d’une séance de classification animale en CE2-CM1


Pour bien comprendre la réalité des pratiques d’enseignement de « découverte du monde » ou de « sciences et technologie » à l’école primaire, il est nécessaire de caractériser les différents « moments scolaires » où ce domaine est travaillé. En effet la maîtrise de la langue, le vivre ensemble sont aussi convoqués dans ces moments de sciences, sans compter les références à différents moments scolaires et extra scolaires.

La recherche présentée ici vise à partir d’une description des pratiques scolaires effectives, à une objectivation de ces moments scolaires de découverte du monde ou de « sciences et technologie » à l’école primaire. Nous nous attachons à analyser les pratiques enseignantes à travers la construction des « objets » étudiés, manipulés, discutés, transformés ou conçus pendant ces moments scolaires. Par « objet », nous entendons différentes dimensions : matérielle, langagière et conceptuelle.
Deux aspects sont abordés : d’une part les conceptions du maître (de la préparation écrite à la mise en place des situations avec la classe) et d’autre part les représentations des élèves lors du travail de ces objets.
Ici nous nous intéresserons principalement à l’enseignant en nous focalisant sur les interactions maître/ élèves au travers des situations construites par ce dernier et des régulations entreprises pour favoriser l’apprentissage visé. En quoi les tâches proposées et la régulation des activités conjointes maître/élèves permettent-elles la construction d’un savoir scientifique objectivé et reflètent-elles une culture de classe ?

La présente proposition vise à présenter et analyser les pratiques effectives d’une enseignante maître formateur de cycle 3 sur un « nouvel » objet scientifique : la classification animale.
Nous interrogeons les gestes professionnels de cette enseignante pour favoriser chez ces élèves (en difficulté ou non) la conceptualisation de la classification animale.
Pour ce faire, nous disposons à la fois de la préparation écrite, d’une vidéo enregistrement de la séance d’investigation et d’un entretien post séance avec l’enseignante.
Cette séance est à plusieurs titres intéressante pour l’analyse.
Intéressante car la classification animale est actuellement conceptualisée différemment que par le passé par la communauté scientifique et de fait la formation initiale et continue tant au primaire qu’au secondaire se trouve investie sur cet objet suite aux exigences des prescriptions nationales. Il devient donc intéressant d’observer comment l’enseignante prend en compte ce nouveau savoir et la manière dont elle construit les tâches pour donner sens à ce concept avec les nouvelles visées. Cela pose donc aussi la question de la formation de l’enseignante à cette nouvelle conceptualisation.
Intéressante également par le rapport construit par l’enseignante entre les tâches proposées et la gestions des activités des élèves afin de mettre en cohérence les enjeux éducatif et les domaines disciplinaires travaillés. L’analyse de ses préparations écrites montre que cette enseignante se situe dans une logique progressive des connaissances et non dans une logique de collage activités/ savoir (Bisault et al-2009). Sa conception de l’activité des élèves n’est pas pensée comme une simple activité manipulatoire sans lien avec le but de l’activité mais bien comme une attitude de secondarisation chez Bautier et Goigoux (2004).

Nous avons réalisé un synopsis de la séance (en nous inspirant des travaux de Dolz) afin d’identifier les différents moments en jeu en identifiant les activités de la maîtresse, des élèves, les éléments déclencheurs, le matériel utilisé. Ainsi nous avons pu identifier les enjeux scientifiques que l’enseignante souhaite travailler et la manière dont elle s’appuie sur les activités des élèves.
Il ressort que l’enseignante dans sa gestion du rapport tâches/ activités cherche à favoriser le passage d’une tache production à une tache constructive (selon Pastré, Rabardel et Samurçay), de classer par à classer pour en proposant différentes modalités didactiques et pédagogiques (débat, jeu de devinette, classement d’images..). Une telle analyse s’appuie aussi sur l’activité du sujet qui repose sur des situations scolaires et extrascolaires (Piaget, Vygotski) participant à la conceptualisation comme « identification des objets du monde, de leurs propriétés, relations et transformations, que cette identification résulte d’une perception directe ou quasi-directe, ou d’une construction » (Vergnaud, 2008).
Une tension forte entre le langage à enseigner et le langage pour enseigner s’observe. Ainsi le lexique s’avère ici être un obstacle multiforme car porté par l’activité conceptuelle et par l’activité cognitive classer, ranger/ trier. Trier repose sur une modalité binaire, c’est le principe de la clé de détermination qui permet de nommer et d’identifier un animal. Alors que classer suppose des regroupements de point commun et l’identification de parenté. Durant cette séance, l’enseignante « joue » avec ses élèves sur des aller retour entre les noms d’animaux, les classes d’animaux et les critères (concepts en actes) afin d’aider à la conceptualisation. Le lexique scientifique est lui aussi un levier de cette séance, entre concept quotidien et concept scientifique au sens de Vygotski. L’enseignante est toujours à l’origine de ses adaptions.

L’activité de la maîtresse est multiple. Elle adapte les objets en fonction des moments, elle s’adapte aux réactions des élèves en interprétant les réactions de ceux-ci, elle réalise des choix en ajustant ses gestes et son discours.
La complexité de la tâche proposée par l’enseignante en fait pour les élèves un vrai enjeu de savoir qui relève de la saveur des savoirs (Astolfi- 2009). Les exigences très pointues sur le lexique utilisé et les situations, la démarche scientifique rigoureuse et exigeante mise en place dans cette classe- et qui constitue d’ailleurs une réelle culture de classe- montre que l’enseignante et ses élèves va bien au delà de ce que le professeur de SVT construit en général avec les classes de 6é.
Cela soulève le lien entre les apprentissages du premier degré et ceux du second degré et les différences de professionnalité sur ces moments de sciences, le choix des objets qui supportent les tâches scolaires.