Les impacts de l’approche par les compétences sur les pratiques des enseignants

Auteur(s) :
VINCE, Stéphane (CAFOC DE NANTES)

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Mots clés :

curricula individualisés
positionnements
accompagnement personnalisé
Atelier(s) :

3A
Thèmes :

Axe 2 : Les variations, transformations et évolutions du travail enseignant
Public : lycée professionnel et lycée
Démarche : recherche-action
Démarche : méta-analyse

Résumé :

Depuis de nombreuses années – tout d’abord dans des pays anglo-saxons puis en Belgique, Suisse ou au Québec – la volonté d’afficher une approche par les compétences semble générer une lente évolution des pratiques et postures des enseignants :
-En France, le Socle commun de connaissances et de compétences est venu traduire la recommandation de l’Europe sur les 8 compétences clés pour l’éducation et la formation.
-Au niveau des lycées professionnels, la rénovation de la voie professionnelle a réinterrogé la notion de « compétences » versus la transmission de savoirs : la validation des élèves, de même que les modalités pédagogiques, ont conduit les enseignants à revisiter leurs pratiques transmissives ou behavioristes.
-La mise en place de curricula souples souhaités dans les lycées professionnels, structurés autour d’un quota d’heures d’accompagnements personnalisés, ont été aussi repris dans la réforme des lycées.
Nos propos croiseront la transformation attendue des curricula dans les établissements d’enseignement secondaire, notamment les lycées professionnels, avec les influences possibles d’une pédagogie de l’intégration. Nous nous appuierons sur notre expérience issue de la formation pour adultes où ces modalités sont mises en oeuvre depuis quelques années et sur le transfert étudié et observé dans les lycées professionnels.

1 – Des modifications curriculaires introduisant des postures de référents de parcours
Le concept de « curriculum », au sens strict, désigne généralement l’ensemble, institutionnellement prescrit et fonctionnellement différenciée et structuré, de tout ce qui est censé être enseigné et appris, selon un ordre déterminé de programmation et de progression, dans le cadre d’un cycle d’étude donné. Devant les objectifs de passerelles entre des filières et/ou des classes (induit par la rénovation), les équipes pédagogiques ne sont pas préparées, outillées et il en résulte un « bricolage pédagogique » pour la réalisation du curriculum réel. Sur l’organisation des enseignements (curriculum formel) : « Les nouvelles modalités d'organisation offrent aux enseignants davantage de souplesse organisationnelle, permettent aux établissements d'exercer pleinement leur autonomie et apportent aux élèves des réponses adaptées à leurs besoins » (1). Devant l’autonomie offerte aux établissements et aux enseignants, le curriculum formel est fortement bousculé par le curriculum réel (2).
2 – L’entrée compétences ou « l’utilitarisme citoyen » des savoirs
En 1989, avec la loi d’orientation, un « renversement copernicien (3) » a instauré le principe de l’élève « au cœur du système éducatif ». « Les élèves et étudiants de la massification, peu dotés en dispositions nécessaires à la réussite, ont été placés dans une situation d’autonomie. » Bautier et Rayou souligne que « cette façon de se défausser sur des élèves censés manifester dans l’école une autonomie qu’il s’agit précisément de les aider à construire est vraisemblablement la marque des difficultés à gouverner l’école française. » (2010 : p 24).
Au cœur des changements, l’introduction de modalités pédagogiques centrées sur les besoins des élèves replonge les enseignants dans des pratiques de différenciation pédagogique, mais centrées sur une entrée par les compétences visées. A travers ces premières approches, les conséquences sont multiples : la fin de « l’indifférence aux différences », la prise en compte des questions de socialisation mais aussi des stratégies d’apprentissages des élèves, l'immersion de l’élève-acteur dans une pédagogie de projet, l’introduction de l’aide individuelle et la progression entre groupes de niveaux vers des groupes de besoins.
Deux paradigmes coexistent : celui des pratiques enseignantes (avec l’enseignant au centre des apprentissages, qu’il planifie et organise) et celui des pratiques d’apprentissage (où les apprenants sont au cœur et à qui on fournit la liberté de cheminer selon des voies différentes, accompagné par l’enseignant jouant un rôle de personne-ressource).

Si on analyse de près les évolutions récentes des approches qui fondent les curricula, l’approche par les compétences (APC) est venue en opposition au courant de la « Pédagogie par Objectifs ». De Ketele, dans les années 1990 a posé les principes de l’APC, puis avec Roegiers (4), ils ont posé les bases d’une pédagogie de l’intégration favorisant le développement d’une nouvelle conception de l’ « apprendre ».

D’enseignants transmetteurs aux accompagnateurs référents de parcours individualisés, les professionnels des lycées professionnels se trouvent face à deux choix (5) : une conduite de détournement ou une démarche d’appropriation. Dans les deux cas, les changements ou résistances aux changements ne peuvent passer inaperçus.

Notes bas de page :
(1)-http://eduscol.education.fr/cid46824/renovation-voie-professionnelle.html
(2)-Au sens de Perrenoud P. (1984), La fabrication de l’excellence scolaire, Genève : Droz
(3)-Bautier E., Rayou P. (2010), Les inégalités d’apprentissage. Programmes, pratiques et malentendus scolaires, Paris : PUF
(4)-Roegiers X. (2010), La pédagogie de l’intégration. Des systèmes d’éducation et de formation au cœur de nos sociétés, Bruxelles : De Boeck
(5)-Blin J.F. (1997), Représentations, pratiques et identité professionnelle, Paris : L’Harmattan, p 39