LA COLLABORATION PROFESSIONNELLE DANS L’INSERTION ET LA PROFESSIONNALISATION DES ENSEIGNANTS DEBUTANTS
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4C
Axe 3 : Les dimensions professionnalisantes du travail enseignant
Public : Primaire
Démarche : enquête, étude qualitative
Le nouvel enseignant entame sa carrière professionnelle en s’intégrant dans un milieu qui l’amène à développer des collaborations professionnelles avec divers acteurs de l’éducation. En Suisse romande et italienne, la question de la collaboration des novices est importante puisque le marché de l’emploi amène la majorité des enseignants débutants à entamer leur carrière par un ou plusieurs emplois à temps partiel, ce qui rend la collaboration au sein de duos pédagogiques incontournable (Changkakoti & Donati, 2008). Dès lors, les collaborations que les enseignants débutants établissent au cours de leurs premières années de pratique constituent un enjeu central pour l’exercice futur de leur profession en les amenant à quitter une organisation « cellulaire » et individualiste de l’enseignement pour adhérer à une dimension sociale et interactive de la profession (Tardif & Lessard, 1999). En outre, la participation du novice à des activités collectives contribue à son développement professionnel et à la transformation de ses conceptions au sujet de son travail (Grangeat & Gray, 2008). Cette collaboration s’avère doublement cruciale puisque d’une part, ses pratiques et gestes professionnels sont encore peu stabilisés, et d’autre part, la « culture de l’individualisme » et l’absence de collaboration avec l’enseignant novice tendraient à accroître son sentiment d’incompétence (Martineau & Annie, 2003). De plus, les interactions établies entre un novice et ses collègues influencent la manière dont il ajuste ses pratiques en vue d’une adaptation continue aux exigences du terrain ainsi que du maintien d’une cohésion interne au sein du collectif qui lui confère une certaine légitimité dans sa nouvelle communauté professionnelle (Rouve & Ria, 2008 ; Sembel et al., 2009). Si la collaboration est de plus en plus perçue comme une composante à part entière dans la profession enseignante, le travail collectif occupe une part encore largement minoritaire dans les activités professionnelles (cf. Maroy, 2005). La collaboration entre enseignants est en effet influencée par différents facteurs d’ordre structurel, tel que la taille et la structure de l’école ou la stabilité des équipes, à des facteurs liés aux besoins et attentes personnels des enseignants, aux caractéristiques du collectif scolaire, tels que l’esprit d’équipe ou la solidarité vis-à-vis des élèves, ou encore aux ressources disponibles, notamment en termes de temps et d’énergie (Tardif & Lessard, 1999). Pour les novices, le lieu d’apprentissage du métier reste avant tout la classe, et le soutien des collègues, jugé important car dépourvu de rapports d’autorité, se réalise essentiellement par des échanges informels, duels et non institutionnalisés (Boutin, 1999; Buhot, 2007) relevant souvent de l’initiative des enseignants débutants (Mukamurera & Tardif, 2004 ; Gremaud & Rey, 2010). Dans leur « quête praxéologiques » auprès de leurs collègues plus anciens, les novices semblent friands de réponses concrètes à leurs problèmes ; la collaboration risque alors de se cantonner à des partages de matériel ou à des conseils didactiques au détriment de confrontations sur les représentations du métier, d’échanges autour des démarches pédagogiques et des valeurs sous-tendant les actions éducatives qui risqueraient de bousculer les conceptions plus « intimes », plus impliquantes du métier, voire de dévoiler l’incapacité du débutant à « s’en sortir seul » (Rayou & van Zanten, 2004; Tardif & Lessard, 1999). A partir de ce contexte théorique, le questionnement que nous souhaitons développer porte sur les objets, les enjeux et les conséquences de la collaboration chez les enseignants novices : sur quoi portent les collaborations des novices avec leurs collègues et d’autres professionnels de l’éducation ? (Et par inversion, sur quoi les collaborations ne portent-t-elle précisément pas ?) Quels enjeux traversent ces différentes collaborations du point de vue des novices ? Par quelles contraintes sont-elles régies ? Ces collaborations engendrent-elles des transformations chez les enseignants débutants ? Si oui, à quels niveaux se situent ces transformations (pratiques, représentations, relations, postures, attitudes)? Cette étude repose sur une analyse qualitative d’une trentaine d’entretiens conduits auprès d’enseignants débutants primaires de Suisse romande et italienne durant leur deuxième année de pratique ainsi que des divers acteurs impliqués dans leur insertion professionnelle. Nos résultats mettent en évidence différents types de collaborations ainsi que leurs enjeux en lien avec les spécificités contextuelles. Ils permettent d’esquisser des pistes sur les possibilités, conditions et limites de la collaboration en tant que levier pour la transformation des pratiques dans une perspective de professionnalisation des enseignants. Références bibliographiques : Archambault, J. & Chouinard, R. (2009). Vers une gestion éducative de la classe. De Boeck : Bruxelles. Boutin, G. (1999). Le développement de l'identité professionnelle du nouvel enseignant et l'entrée dans le métier. Dans Jeunes enseignants et insertion professionnelle. Bruxelles, Paris: De Boeck & Larcier. Buhot, E. (2007). Equipes d’école et insertion professionnelle des nouveaux enseignants. Dans Actualité de la recherche en éducation et formation. Présenté au Actualité de la recherche en éducation et formation, Strasbourg. http://www.univ-rouen.fr/civiic/archives/Eric_BUHOT_AREF2007_496.pdf Changkakoti, N., & Donati, M. (2008). Transition entre la fin des études et l’obtention du premier emploi en tant que nouveau diplômé. Dans Groupe de recherche suisse sur l’insertion des enseignants (Éd.), "Hier étudiants, aujourd'hui enseignants" Recherche sur l'insertion professionnelle des diplômés des HEP romandes et du Tessin. http://www.inserch.ch/ Grangeat, M., & Gray, P. (2008). Teaching as a collective work: analysis, current research and implications for teacher education. Journal of Education for Teaching: International research and pedagogy, 34(3), 177-189. Gremaud, J., Rey, J. (2010). L’insertion des enseignants HEP dans le canton de Fribourg. Regards portés par les acteurs impliqués dans l’insertion professionnelle des enseignants débutants primaires et enfantines. Fribourg : Haute Ecole Pédagogique. Maroy, C. (2005). Le modèle du praticien réflexif à l'épreuve de l'enquête en Belgique. Dans La profession d'enseignant aujourd'hui: Évolutions, perspectives et enjeux internationaux. Bruxelles: De Boeck Université. Martineau, S., & Annie, P. (2003). Le sentiment d’incompétence pédagogique des enseignants en début de carrière et le soutien à l’insertion professionnelle. Brock Education, 12(2), 54-67. Mukamurera, J. & Tardif, M. (2004). Rapport aux collègues et collaboration professionnelle entre générations d'enseignants au Québec. Recherche et Formation, 45, 55-68. Rayou, P., & van Zanten, A. (2004). Enquête sur les nouveaux enseignants. Changeront-ils l'école? Paris: Bayard. Rouve, M.-E. & Ria, L. (2008). Analyse de l’activité professionnelle d’enseignants néo-titulaires en réseau « ambition réussite » : études de cas, Travail et formation en éducation, 1. http://tfe.revues.org/index565.html. Sembel, N. et al. (2009). L’entrée dans la carrière d’une cohorte de professeurs des écoles en Gironde : la construction de l’identité au travail entre adaptation et autonomie. In R. Goigoux, L. Ria & M.-C. Toczek-Capelle (Ed.), Les parcours de formation des enseignants débutants (pp. 135-147). Presse Universitaire Blaise Pascal: Clermont-Ferrand Tardif, M., & Lessard, C. (1999). Le travail enseignant au quotidien: contribution à l'́étude du travail dans les métiers et les professions d'interactions humaines. Presses Université Laval.