Didactique des mathématiques et différenciation pédagogique : un exemple d'alliance dans le domaine du handicap moteur

Auteur(s) :
BARRY, Valérie (IUFM de l'Université Paris Est Créteil, Laboratoire REV-CIRCEFT)
MATRAY, Frédéric (Centre de Rééducation Fonctionnelle Infantile de Brolles, Bois-le-Roi (77))

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Mots clés :

troubles moteurs et idéomoteurs
numération
différenciation pédagogique
diversité
Atelier(s) :

2D
Thèmes :

Axe 1 : Le travail enseignant au quotidien
Public : Primaire
Démarche : recherche-action

Résumé :

Cette contribution interroge à l’école primaire les différentes formes de différenciation pédagogique pratiquées en mathématiques avec un groupe d’élèves à besoins diversifiés d’apprentissages, en fonction d’attendus pédagogiques, d’appuis didactiques, et de postures enseignantes sous-jacentes à une relation d’aide. Plus précisément, dans le cadre d’une recherche-action, les auteurs s’intéressent à l’évolution, sur une dizaine de séances, de l’apprentissage numérique de six enfants de sept à onze ans en situation de handicap moteur ou idéomoteur et scolarisés dans l’école intégrée d’un centre de rééducation fonctionnelle infantile.
Guillaume, onze ans, est atteint de dystrophie de Duchenne de Boulogne, maladie neuro-musculaire impliquant une grave dégénérescence du tissu musculaire. Placé en fauteuil roulant, il ne conserve qu’une faible amplitude de mouvement autonome au niveau manuel. Kydian, neuf ans, subit au quotidien les effets du syndrome de Morquio, maladie dégénérative corrélée à un nanisme à tronc court, qui provoque une extrême faiblesse musculaire ainsi que des difficultés respiratoires. Hasna et Julien, onze ans, ont une paralysie cérébrale (ou infirmité motrice cérébrale) qui perturbe gravement leur développement musculaire et leur coordination motrice. Ils ne parlent pas mais, au plan moteur, peuvent contrôler le mouvement et la posture de leur tête, ce qui leur permet d’exprimer une réponse affirmative ou négative. Tom, neuf ans, est porteur de la même pathologie mais peut s’exprimer oralement, son handicap s’exprimant davantage dans le repérage spatial et l’élaboration d’un geste volontaire. Elliott, sept ans, souffre d’une ostéochondrite, trouble de la vascularisation de la hanche qui nécessite un maintien permanent en position allongée. Contrairement aux autres élèves, dont la pathologie est idéomotrice et a des répercussions sur la cognition et l’apprentissage, Elliott a un niveau scolaire correspondant à sa classe d’âge et présente exclusivement un handicap moteur. En numération, les compétences de ce groupe d’élèves s’échelonnent du début de la Grande Section à la fin du CE1.
Trois formes de différenciation pédagogique émergent des choix enseignants opérés en mathématiques auprès de ces élèves :
- une particularisation des apprentissages : les activités et enjeux diffèrent d’un élève ou sous-groupe à un autre. La diversité des élèves est vécue par le pédagogue comme une hétérogénéité nécessitant une aide logistique ;
- une individualisation des apprentissages : les activités diffèrent d’un élève ou sous-groupe à un autre et correspondent à des enjeux d’apprentissage convergents ; la diversité des élèves renvoie à une répartition par groupes de niveaux ;
- une personnalisation des apprentissages : les activités rassemblent les élèves et correspondent à des enjeux d’apprentissage convergents. La diversité des élèves est vécue comme une différence de différences, c’est-à-dire que chaque élève est considéré comme universellement semblable à ses pairs car « différemment différent » de ceux-ci ;
L’objet de la contribution est d’étudier les conditions de mise en place et de réussite d’une personnalisation des apprentissages. Il s’agit en particulier :
- d’explorer les appuis didactiques qui favorisent l’émergence de besoins mathématiques communs au sein du groupe d’élèves. Les auteurs prennent notamment appui sur la théorie des situations de Guy Brousseau et la notion de dialectique outil-objet développée par Régine Douady ;
- d’interroger les postures et représentations enseignantes sur le handicap qui sont sous-jacentes à des modalités de différenciation pédagogique. Une dialectisation des concepts de diversité et d’hétérogénéité est rendue nécessaire par cette interrogation ;
- d’identifier les effets du passage d’une particularisation à une personnalisation des apprentissages, en termes de dynamique de groupe et d’apprentissages individuels.