Travail enseignant, écriture et TIC: comment les économies scripturales gouvernent les pratiques.

Auteur(s) :
Schneider, Elisabeth (IUFM-UCBN)

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Mots clés :

écriture
enseignants
collège
TIC
culture numérique
rapport au savoir
rapport à l'écrit
Atelier(s) :

3B
Thèmes :

Axe 2 : Les variations, transformations et évolutions du travail enseignant
Public : collège
Démarche : enquête, étude qualitative

Résumé :

Parmi les évolutions du travail enseignant (axe 2), notre proposition examine le sujet du développement de compétences professionnelles, relatives à l’intégration des technologies de l’information et de la communication à l’école en particulier dans le second degré. Le métier d’enseignant s’exerce dans un environnement technologique totalement différent d’il y a vingt ans : les injonctions institutionnelles se sont succédé, ainsi que la collecte et publicisation des actions pédagogiques dites innovantes dans ce domaine. Les enseignants du primaire au lycée ont à utiliser les technologies, à former à leur usage raisonné, compétences formalisées dans le B2I et présentes, aujourd’hui, dans les programmes scolaires disciplinaires. Cependant l’écart avec la réalité des pratiques professionnelles est indéniable et un certain nombre d’enseignants qui, comme tous les acteurs sociaux, sont au cœur des évolutions des pratiques sociales et culturelles liées aux TIC, mais aussi des discours tenant plus de l'incantation que de l'analyse, sont renvoyés démunis à leurs faibles usages. Diverses causes explicatives, voire déterministes sont couramment avancées- un problème de génération, de la mauvaise volonté, des problèmes d'équipement, la question de la discipline scolaire- sans permettre de proposer un cadre d'analyse et de développement d’usages professionnels; en revanche, elles renouvellent le questionnement entre travail prescrit et travail réel.
Cette communication s’attachera à interroger ce qui nourrit la pratique ordinaire des enseignants concernant les TIC, en particulier autour des pratiques de l'écrit et pourra apporter des éléments d’éclairage sur le développement des compétences professionnelles en interrogeant les processus et les facteurs réels d'appropriation des dispositifs techniques ou conceptuels.
Nous montrerons que les usages des enseignants s'inscrivent dans une économie scripturale construite à la fois sur un temps long et par tissage entre trois dimensions: leur rapport à l'écrit - cela désignera ici aussi bien leurs pratiques d’écriture privées, professionnelles, que leurs représentations de l’acte d’écrire, des artefacts, de leur valeur (Barré de Miniac 1996 et 2000 )-, des éléments de leur culture relevant du numérique et la représentation qu'ils ont des capacités et du rapport au savoir -par là, à l’écrit- de leurs élèves.
Pour ce faire, nous nous appuierons sur des analyses d’entretiens menés auprès d’enseignants de collège de Z.E.P. Le cadre théorique confronte en particulier pour l’analyse des usages, la notion d’instrument élaborée en ergonomie cognitive (Rabardel 1995, Rabardel, Samurçay 2006 ), le regard anthropologique et des sciences de l'information sur les évolutions du concept de l'écrit. L’étude de deux cas permettra de souligner la singularité et la pluralité des processus de construction des usages scolaires de l’écrit instrumenté articulant divers artefacts, d'une façon non déterministe (Lahire, 2001).
Le premier enseignant est dans un processus de genèse instrumentale concernant son appropriation de l'artefact informatique. Les propositions d'utilisation de l'écrit électronique faites aux élèves sont similaires à ce qu'il pratique lui-même; quand il s'exprime sur les pratiques de ses élèves et leur évolution, il montre qu'il les perçoit entrés dans un processus d'appropriation de l'artefact et de genèse instrumentale. Dans le second cas, l'enseignant semble placé devant un obstacle irréductible : l'écrit électronique est fondamentalement autre. Il constate les pratiques de ses élèves mais ne propose pas ou peu d'utilisation de l'écrit électronique hormis pour rendre l'activité plus attrayante. La question de la représentation des capacités des élèves, ce que dit l'enseignant de leur rapport au savoir, et l'affirmation pour ce dernier de partager ou non le même système de référents culturels interagissent. Dans les deux cas, de façon différenciée, on verra comment leur culture du numérique, en construction, fragmentée, et leur rapport à l'écrit construit et évolutif, s’élaborent dans une interrelation de la sphère personnelle et professionnelle et influencent ces pratiques professionnelles.
Les résultats obtenus permettent de penser de façon plus complexe la résistance ou adhésion à des propositions d'utilisation d'artefact et à des attentes de développement de compétences professionnelles dans le domaine de l’intégration des TIC à l’école. L’enjeu étant bien de permettre aux enseignants de construire une intelligence de l’action pour leur permettre d’élaborer le cadre de formation de leurs élèves, parfois aussi de retrouver un « pouvoir d'agir » (Clot, 2000) , cela nécessite donc de prendre en compte les ressources mobilisées par le professionnel dans leur diversité qu’elles soient d’ordre privées, éthiques, didactiques, et ce, au-delà de la question des pratiques d’écriture ici traitée mais aussi de penser la complémentarité des approches d'analyse du travail enseignant.