La contribution à cette biennale puise dans une recherche sur l'accueil des 12-16 ans pendant le temps de loisirs dans les zones urbaines sensibles les éléments pouvant faire l'objet d'un débat. Il s'agit bien d'un thème relativement complexe dans la mesure où il met en synergie des notions polysémiques voire polémiques. Toutefois, c'est une véritable question sociale qui est posée et pour laquelle il nous paraît utile d'apporter notre participation à une réflexion commune.
  La jeunesse, lorsqu'elle est enserrée dans une zone urbaine sensible, renvoie au sens commun une image publique plutôt négative. C'est l'écho d'une déchéance sociale qui est renvoyé par les parois, plutôt hermétiques, d'une société duale dans laquelle la question de l'intégration et de la marginalité a remplacé la lutte des classes. De ce fait, l'exclusion se confine dans certaines zones urbaines à l'intérieur desquelles il est aisé d'observer les conséquences d'un processus de relégation urbaine et sociale. Dans une aire géographique où les laissés pour compte côtoient les immigrés, les maux que la société porte en elle trouveront un espace privilégié d'expression exacerbée. Du coup, l'insécurité semble y être générale, la violence totale et l'échec scolaire massif.
  On rencontre pourtant sur ces aires des élèves dont on aurait pu prédire l'échec et qui parviennent à s'en sortir, parfois avec brio. Est-ce dû au bon fonctionnement des équipements sociaux ? Est-ce dû à une bonne prise en charge des problèmes sociaux et scolaires à la fois par les établissements de l'Éducation nationale et par les associations dont l'engagement parviendrait à casser la dynamique de l'exclusion et à renverser le processus de désaffiliation ?
  C'est pour répondre à ces questions que nous avons engagées, en partenariat avec la JPA, MICROMEGAS et la CNAF, une recherche reposant sur une approche à la fois quantitative (795 questionnaires remplis par les adolescents scolarisés dans deux collèges d'une commune située sur la rive droite de l'agglomération bordelaise) et qualitative (100 entretiens réalisés auprès des collégiens et des adultes).
  Notre problématique de recherche repose sur des éléments appartenant à la sociologie du travail, la sociologie des temps sociaux et la sociologie de l'éducation. Il s'agit de placer le loisir dans une situation ancillaire avec le travail scolaire. Notre postulat est que la culture adolescente autant que la vie quotidienne des adolescents ressortit à la "pédagogisation des comportements" à l'intérieur de ce que Beillerot avait nommé une société pédagogique. Par ailleurs, notre regard sociologique évite d'isoler la dimension scolaire des autres dimensions de la vie quotidienne des collégiens. Selon nous, le choix des loisirs ainsi que les significations qui y sont rattachées se construisent en interaction permanente avec les représentations de l'avenir personnel et professionnel du collégien. En sachant que ces représentations dépendent autant de variables objectives telles que l'âge, le sexe, l'appartenance sociale et le niveau scolaire que d'un travail de subjectivation à partir duquel les adolescents élaborent des stratégies particulières visant soit à meubler leur temps libre, soit au contraire à le rentabiliser.