De par son importance économique et ses aspects culturels, la pratique des jeux vidéo présente désormais dans les sociétés informatisées les caractéristiques d'un véritable fait social. Pourtant, contrairement à ce que l'on constate dans les pays anglo-saxons, où une recherche assez féconde se développe sur la question, peu d'études leur ont été consacrées en France. Sans doute que cette frilosité tient à la légitimité même de l'objet qui ne bénéficie que d'une reconnaissance marginale de la part du milieu universitaire.
  S'ils sont rares, les travaux actuellement publiés n'en présentent pas moins des points de vue " engagés ". Produits culturels obéissant à la logique de la culture de masse et portant le poids des inégalités engendrées par la structure sociale pour les uns, ils seraient un vecteur de diffusion d'aptitudes et de connaissances pour les autres.
  Après avoir dressé un rapide bilan de ces recherches, nous démontrerons comment l'analyse du phénomène ne peut faire l'économie de l'exploration rigoureuse des " mondes " servant de support aux jeux vidéo. Basée sur l'étude d'un corpus constitué par dix jeux vidéo caractéristiques de tendances actuellement perceptibles sur le marché, notre démarche se proposera de les analyser dans une perspective sociologique. Présentant de plus en plus de complexité, du fait de la modélisation du réel permise par les nouvelles technologies, on y relève par ailleurs l'utilisation de matériaux " savants " (se référant à l'histoire, à l'économie, voire à la sociologie ou à la philosophie), destinés à renforcer ce sentiment de cohérence. Le processus s'accompagne également de la diffusion d'idéologies qui sont à interroger. A quelles formes de savoir les jeunes sont-ils là sensibilisés ? Celui-ci présente-t-il des côtés émancipateurs ou se réduit-il à une imposition de normes ?