Adolescent en difficultés, sujet délinquant ou psychopathe, caractériel, carencé, inclassable ou "cas lourd", l'adolescent confié à la Protection judiciaire de la jeunesse dérange par sa symptomatologie, caractérisée par :
  a.. Une trajectoire de ruptures, d'échecs cumulatifs, d'errance,
  b.. Des passages à l'acte : ce qui ne peut être dit en mots est dit en actes,
  c.. Des troubles narcissiques importants - dévalorisation, angoisse, manque de confiance en soi, mésestime de soi - les poussent à rechercher un plaisir immédiat et sans limite,
  d.. Une sensibilité remarquable aux événements extérieurs qui traduit l'importance du regard de l'autre et l'intense besoin de prendre appui sur quelqu'un ou quelque chose,
  e.. Une cruelle incertitude quant à leur identité ou l'inscription dans une identité négative,
  Le voyage humanitaire comme médiation éducative expérientielle :
  a.. Une aventure collective : les Saltimbanques de l'humanitaire
  Missionnés par une association humanitaire, les jeunes constituent un groupe de référence, qui prend la forme d'une troupe, " les Saltimbanques " chargés de donner un spectacle dans les villes Roumaines où sont implantées des associations de personnes handicapées. Créer une pièce de théâtre et une chorégraphie implique harmonie avec l'autre et respect du cadre.
  Le groupe a une fonction d'étayage, d'appui, de support (D. Anzieu, cf. Le Moi-Peau). Le voyage humanitaire devient l'objet-support que l'entourage éducatif utilise pour contenir l'espace émotionnel et l'espace de pensée du jeune.
  b.. Un projet dans lequel le jeune est acteur
  L'idée première : surprendre le jeune. C'est si exceptionnel que quelqu'un ait pu penser à lui pour un projet aussi noble qu‚il adhère à l'idée. Quand le désir est né, le jeune doit payer le prix de son engagement. C'est le temps de la préparation, la première phase de l'initiation.
  c.. Une activité contenante, d'expression et d'élaboration psychique
  Monter un spectacle suppose une histoire, des personnages inventés, des rôles investis, des règles à respecter, un cadre à tenir avec lequel chacun est à l'épreuve.
  Cette mise en mouvement permet de sortir de soi, ce qui est imprimé (Freud). On joue avec la mémoire de ses propres perceptions et de ses expériences antérieures, ce qui permet des liaisons entre l'avant-ailleurs et l'ici-maintenant, un travail de compréhension de soi-même, de perlaboration, travail soutenu en entretien individuel.
  d.. Une aire transitionnelle de valorisation, de réparation et de "re-narcissisation"
  Le jeune se trouve immergé dans une autre réalité, et remercié pour le spectacle qu'il donne devant une majorité d'enfants et d'adultes handicapés. Le jeune se sent reconnu par ce qui se reflète dans le regard de la population d'accueil (Winnicott). Nous donnons ce que nous avons à partager. Le "contre-don" permet de retrouver le sens du lien à l'autre.
  e.. Un séjour de rupture
  Voyager, c'est mettre de la distance avec son environnement habituel. C'est cheminer avec soi-même, s‚ouvrir à l'autre, vivre un nouveau rapport à l'environnement naturel et social. Le voyage permet un ailleurs qui s‚apparente à un entre-deux, un sas transitoire entre deux états. Il devient un lien entre l'avant et l'après, un séjour de suture (Kaés).
  f.. Un chemin initiatique
  Le voyage humanitaire se réalise en trois étapes : la préparation, c'est l'arrachement au quartier, la perte de son image de délinquant, le décrochement familial, les papiers d'identité. La séparation est vécue comme une épreuve valorisante qui conforte l'estime de soi.
  La réalisation du voyage, c'est le chef d'œuvre, la tournée à l'étranger, l'expérience du don et du "contre-don" (Kammerer).
  Le retour, c'est la renaissance dans un statut social nouveau et la transmission.