Biennale 5
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Le voyage humanitaire comme outil pédagogique pour les jeunes confiés à la Protection judiciaire de la jeunesse

Auteur(s) : KAINZ Georgette

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bull2.gif (117 octets)   “ Mais ne sais-tu donc pas avec qui tu as pris rendez-vous à l’autre bout du monde ? Celui qui t’attendra là-bas, c’est toi .” Claude ROY
bull2.gif (117 octets)  Ceux qui connaissent les jeunes pris en charge dans les structures de la Protection Judiciaire de la Jeunesse savent que ces jeunes se caractérisent par :
une certaine dépendance aux personnes comme aux produits. Ils ont besoin de prendre appui sur quelqu’un ou quelque chose, ce qui les rends prisonniers du moment,
une sensibilité remarquable aux événements extérieurs qui traduit l’importance du regard de l’autre et l’intense besoin d’utiliser l’autre comme appui,
des passages à l’acte à répétition (violence et délinquance), dus à un défaut de verbalisation. L’agir devient le seul moyen d’échange parce que, ce qui ne peut être dit en mots est traduit en actes,
des troubles narcissiques importants : dévalorisation, manque de confiance en soi, mésestime de soi, mauvaise image de soi, angoisse profonde… les poussent à rechercher un plaisir immédiat et sans limite : “ tout ou rien et tout, tout de suite ”,
une cruelle incertitude quant à leur identité : ils sont ballottés par la vie sans savoir pourquoi, souvent sans avoir de place réelle au sein de leur famille. Ils sont constamment à la recherche de l’autre, d’affection, de reconnaissance, ce qui explique leur voracité affective et en même temps, les ruptures qu’ils provoquent par peur de revivre leurs souffrances d’enfant lâché, oublié, abandonné, rejeté, capturé…
bull2.gif (117 octets)  Les questions qui m’ont amenée à m’orienter vers l’outil pédagogique que je vais vous présenter :
bull2.gif (117 octets)  Comment recréer du lien avec des jeunes en perpétuelle rupture ?
bull2.gif (117 octets)  Comment amener le jeune à une lente réanimation psychique pour qu’il soit capable de reconnaître ses souffrances, d’en dire quelque chose, de donner du sens à son parcours et à son comportement asocial et délinquant ?
bull2.gif (117 octets)  Quel outil pédagogique, quel objet-support capable de soutenir la dépendance du jeune et en même temps capable de l’amener vers davantage d’autonomie ?
bull2.gif (117 octets)  Comment aider le jeune à restaurer son image et le sentiment d’estime de soi pour éviter qu’il ne continue d’affirmer bruyamment sa toute puissance à travers l’acte délinquant ?
bull2.gif (117 octets)  Une dernière question, plus prégnante :
comment amener ces jeunes enfermés dans un parcours d’échecs à répétition et de passages à l’acte renouvelés à adhérer à un projet et les rendre acteurs de ce projet ?
bull2.gif (117 octets)  L’action vue d’un point de vue théorique
bull2.gif (117 octets)  Freud nous a appris “ qu’il n’y avait rien dans l’esprit qui ne soit pensé (pansé) par les sens. Le Moi s’étaie sur les sensations tactiles… ”. C’est en mettant des mots sur ce que vit et ressent son bébé que la mère réalise un travail complexe et indispensable de mise en forme de l’expérience émotionnelle de son rejeton. L’enfant peut alors intérioriser ce modèle conteneur, transformer progressivement l’organisation de son monde interne, construire son appareil psychique et se constituer une identité.
Lorsque l’enfant ne trouve pas dans la relation avec les figures premières, un support imaginaire qui lui permette de transformer ses expériences intolérables en expériences assimilables, celles-ci le débordent et restent à l’intérieur de lui comme autant d’éléments incontrôlés et de bombes à retardement.
L’adolescent “ difficile ” est incapable de gérer son expérience interne comme s’il n’avait pu intégrer et mettre à l’intérieur de lui, un bon objet interne calqué sur le modèle de la mère, qui lui permette de faire face à une crise.
bull2.gif (117 octets)  Ce bon objet interne manquant le conduit à rejeter vers l’extérieur, sous forme d’actes à caractère impulsif, le trop plein d’excitations que la situation pathogène suscite et qu’il ne peut métaboliser.
bull2.gif (117 octets)  Comment aider l’adolescent à réparer ce manque pour qu’il puisse créer de l’intériorité ?
bull2.gif (117 octets)  Pour construire un outil pédagogique qui permette de réparer les défaillances du conteneur psychique, je me suis encore appuyée sur les travaux de Winnicott quand il nous parle du holding et du handling.
bull2.gif (117 octets)  Un projet dans lequel le jeune est acteur
bull2.gif (117 octets)  Dans l’action en question, il s’agissait de monter un spectacle et de la présenter, au cours d’une itinérance en Roumanie, dans les villes où sont implantées des associations de personnes handicapées, associations soutenues par l’association française, Roumanie Sans Béquilles.
bull2.gif (117 octets)  Mon idée est d’abord de la saisir, de le surprendre: “ Je te verrai bien partir en mission humanitaire… ! ” C’est si incroyable, si exceptionnel que quelqu’un ait pu penser à lui pour un projet aussi noble que, d’emblée, il adhère à l’idée !
bull2.gif (117 octets)  Alors, il faut cueillir son envie (en-vie), titiller son désir, le prendre au mot et lui donner les moyens de concrétiser ce projet. Ce sera le temps de la préparation (financière, administrative, pédagogique, médicale, technique, psychologique et artistique), séquence longue et importante qui représente le prix de son engagement. C’est le début d’un parcours initiatique, au cours duquel, épreuve après épreuve, le jeune aura à confirmer son choix.
bull2.gif (117 octets)  Une aventure collective : les Saltimbanques de l’humanitaire
bull2.gif (117 octets)  Pour constituer une délégation humanitaire, missionnée par une ONG (ici Roumanie Sans Béquilles, créée pour aider les personnes handicapées de Roumanie), les jeunes et les adultes qui les entourent doivent se construire en groupe de référence. Ce groupe prend l’allure d’une troupe, ici les Saltimbanques de l’humanitaire, chargée de monter un spectacle pour apporter de la fête, du soutien et de l’espoir aux personnes handicapées de Roumanie.
bull2.gif (117 octets)  Venir à elles avec un spectacle, c’est les considérer, les aider à se sentir dignes d’intérêt, dignes d’aller au théâtre ; c’est aussi accepter d’être accueilli dans les conditions d’existence qui sont les leur, donc accepter d’entrer en relation avec d’autres personnes.
bull2.gif (117 octets)  Monter un spectacle se fait en groupe, avec le groupe et par le groupe, d’où la nécessité pour chacun de pouvoir se tolérer, se connaître, se respecter, s’entraider, s’harmoniser…
bull2.gif (117 octets)  Le jeune, embarqué dans cette mission collective doit pouvoir compter sur un support ferme, solide, durable, équilibré et constant, ce qui va supposer un cadre repérable par tous, des règles respectées par tous ceux qui se sont engagés dans cette aventure.
bull2.gif (117 octets)  Le jeune est à l’épreuve du cadre-temps. Il y a le temps de la préparation, le temps du voyage proprement dit, le temps du retour, le temps pour penser son expérience et le temps des nouvelles perspectives.
bull2.gif (117 octets)  Pour la préparation, un calendrier des journées de regroupement lui permet de se positionner par rapport au groupe et à lui-même, de mesurer ses difficultés d’intégration dans le groupe, de déplacement par rapport à sa famille et son quartier, de trouver des réponses, des parades, des appuis…
Chaque temps partagé est codifié par un certain nombre de règles. Des règles fondamentales, telles que le respect de soi et des autres, le respect de l’environnement, le respect des lois, le respect de sa parole et de ses engagements et des valeurs, comme la liberté, la tolérance, la justice, la solidarité…constituent un cadre de références sur lequel chacun peut s’adosser.
bull2.gif (117 octets)  Le projet éducatif du jeune confié à la Protection Judiciaire de la Jeunesse, le tissu des valeurs véhiculées par l’association Roumanie sans Béquilles qui envoie une délégation en mission en Roumanie, le discours pédagogique soutenu par l’équipe éducative constituent une enveloppe sécurisante et suffisamment contenante pour porter, voire supporter chacun des jeunes. L’écorce de cette enveloppe est structurée, bien localisable pour chacun des acteurs du groupe, ferme, positivante et valorisante.
bull2.gif (117 octets)  Le rappel incessant des règles pendant les premières journées de travail crée une enveloppe sonore qui contient les débordements, limite le trop plein d’excitations, protège chacun de lui-même et des autres et rend possible les échanges entre les participants.
bull2.gif (117 octets)  Chaque journée se termine par un temps de régulation, obligatoire pour tous où chacun est invité à donner son ressenti. Ce temps de régulation prend souvent la forme d’échanges, d’explication de soi-même, d’explication des réactions des uns et des autres autant pour rechercher des modes de relation qui préservent la vie de groupe que pour apprendre à poser sa parole en groupe, à s’exprimer en groupe, à trouver sa place dans le groupe. Pour le jeune, c’est un temps de pause pour mettre des mots sur ce qu’il vit, pour être entendu, pour essayer d’y voir clair dans ce qui l’habite. Le temps de régulation participe au voyage intérieur de chaque jeune, à son élaboration psychique, surtout si ce temps est prolongé par des temps d’entretien individuel.
bull2.gif (117 octets)  Si nous nous référons aux travaux de D.Anzieu, nous parlerons d’enveloppe groupale, enveloppe vivante avec une face extérieure, physique et sociale et une autre face, tournée vers la réalité intérieure des membres du groupe.
bull2.gif (117 octets)  Pour les jeunes, la face extérieure est constituée du regard de leur famille, de leurs copains, du magistrat dont ils dépendent. Un fantasme commun traverse le groupe : “ ce qu’on va faire est bien… ce n’est pas tout le monde qui part aider des enfants et des adultes handicapés… et si c’est pour apporter de la fête, je devrais y arriver… Je vais leur montrer que je ne suis pas un bon à rien… ”. Par sa face interne, l’enveloppe groupale permet l’établissement d’un état psychique à l’intérieur duquel une circulation fantasmatique, émotionnelle et identificatoire va s’activer entre les personnes, rassemblées autour d’une tâche commune.
bull2.gif (117 octets)  Pour que le groupe se constitue un espace interne et une temporalité propre, il faut que l’enveloppe soit solide. Les règles implicites et explicites, la tradition, les rites, les coutumes, les particularismes du langage parlé entre les membres du groupe participent à la nature de cette enveloppe.
bull2.gif (117 octets)  Une activité contenante d’expression et d’élaboration psychique
bull2.gif (117 octets)  Si nous regardons la métaphore de l’enveloppe groupale, nous remarquons que chaque participant peut repérer les signaux émis par l’entourage groupal, tels que la disponibilité des éducateurs à l’entendre, l’effort des autres participants à l’écouter (cf la règle du respect des personnes), la volonté des autres acteurs à jouer avec lui, voire le plaisir à partager un vécu commun, il peut vérifier la solidité du cadre, le respect de ses choix par chacun du groupe… autant de manifestations pour lui donner une place, autant de messages pour lui conférer de la valeur.
bull2.gif (117 octets)  En s’adossant à ce cadre, en prenant appui sur le groupe, en profitant de la sécurité procurée par l’enveloppe groupale, le jeune peut développer des sentiments de capacité, de valorisation, d’estime de soi….ce qui le rendra capable d’assumer des épreuves de séparation sans tomber dans la dépression. La solidité du cadre est primordiale. Nous avons été contraints, par ex, de nous séparer de l’animateur de danse. L’un des jeunes, qui le voyait comme un top modèle du Hip Hop, frustré de ne pas pouvoir poursuivre avec lui, ne s’est pas donné les moyens de partir en Roumanie, alors qu’il avait été le plus régulier pendant la préparation. Faute de pouvoir risquer une autre image qui lui permettait un coup d’éclat au niveau de son quartier, Tayeb a préféré conserver l’identité de celui qui échoue et en qui il sait si bien se reconnaître.
bull2.gif (117 octets)  Le jeune, inscrit dans ce voyage humanitaire est à l’épreuve avec le cadre judiciaire, institutionnel, éducatif et associatif, et non avec la volonté d’un adulte. Si par exemple, il remet en cause son engagement, il sera responsable d’avoir fait rêver des enfants handicapés et de les frustrer en renonçant au spectacle.
bull2.gif (117 octets)  Monter un spectacle suppose non seulement de respecter des règles et de tenir un cadre, mais aussi de créer une histoire, d’inventer des personnages, d’investir des rôles, de rentrer dans la peau d’un personnage imaginé.
bull2.gif (117 octets)  Jouer favorise l’expression, la mise en mouvement de l’élaboration mentale. S’exprimer, c’est en quelque sorte sortir de soi ce qui est imprimé. S’exprimer par le jeu, c’est manifester sa pensée, ses impressions par le geste, la parole, les mimiques, le regard…, c’est forcément montrer quelque chose de soi sous couvert d’un rôle. L’acteur peut toujours dire que le personnage qu’il vient de dévoiler n’est que pure fantaisie de son esprit. Il est important de respecter son niveau de défense, surtout dans cette période fragile de l’adolescence.
S’il n’y a rien dans l’esprit qui ne soit pensé (pansé) par les sens, personne n’est dupe ; ce qui est joué est tiré de la personne qui se cache sous la peau du personnage, avec la mémoire de ses propres perceptions et de ses expériences antérieures. A partir d’un signe senti et dit, d’un geste, d’un mouvement, d’une réplique, d’un regard… tout à coup, le souvenir surgit, entraînant avec lui des liaisons entre l’avant-ailleurs et le maintenant-ici. Le personnage peut alors comprendre le sentiment qui l’a envahi et qu’il ignorait ; il a la liberté d’en dire quelque chose ou non, d’essayer d’en parler devant le groupe en sachant qu’il parlera au nom du personnage joué. Le corps porteur du passé, le corps support de l’oubli, le corps origine de la mémoire retrouvée, ce corps parlant dans la peau d’un autre : c’est la règle du jeu quand on est sur scène ou quand on est en marche. “ Le corps est la totalités des relations signifiantes au monde ” (JP Sartre dans l’être et le néant)
bull2.gif (117 octets)  Chaque participant peut bénéficier d’un temps de réflexion personnelle pour tenter de mettre en lien ce qui a résonné dans le jeu avec ses expériences passées. Ce travail de compréhension de soi-même, de perlaboration s’effectue en entretien individuel.
bull2.gif (117 octets)  La mission humanitaire devient l’objet-support pour contenir l’espace émotionnel et l’espace de pensée du jeune.
bull2.gif (117 octets)  Une aire transitionnelle de valorisation, de réparation, de renarcissisation
bull2.gif (117 octets)  Pendant le voyage, le jeune se trouve immergé dans une autre réalité. Il est attendu, gratifié, félicité, encouragé, remercié. Il se sent reconnu par ce qui se reflète dans le regard de la population d’accueil. Cette expérience permet au jeune de se voir et d’être vu autrement, de se situer différemment, de faire peau neuve en quelque sorte.
bull2.gif (117 octets)  Surpris par ce regard positif, le jeune se trouve en situation de désordre dans son organisation interne. Ses représentations du monde s’en trouvent déstabilisées. Il me semble que c’est un bon moyen pour l’amener à réfléchir sur lui-même et à modifier sa réalité psychique.
bull2.gif (117 octets)  Au départ, en acceptant intuitivement de se greffer au désir de l’éducateur, le jeune répond à quelque chose qui est en lui. Il entend quelque chose qui est en lui. Qu’elle est étonnante cette histoire là ! Il faut aller ailleurs pour découvrir ce que l’on a en soi !
bull2.gif (117 octets)  Ceci est propre au voyage humanitaire. Quand l’imaginaire est sollicité, quand il s’agit d’aller ailleurs dans un pays qui nous fait rêver ou dont on suppose qu’il a besoin de nous, ça facilite diablement les choses parce qu’il n’est pas facile d’aller voir en soi ce que l’on a.
bull2.gif (117 octets)  La richesse n’a plus la couleur de l’argent. Une jeune fille me disait : “ Ils n’ont rien et ils nous donnent tout ”. Ce tout , ce n’est pas ce que nous pouvons prendre ou acheter puisqu’ils n’ont rien. Ce tout, c’est ce qu’il y a à reconnaître en nous. On découvre alors que nous donnons ce que nous n’avons pas. C’est ce que les autres vont nous permettre de découvrir en nous que nous allons partager avec eux. Dans son voyage intérieur, le jeune prend conscience que la vraie richesse est le partage, l’échange.
bull2.gif (117 octets)  Si tu donnes quelque chose à quelqu’un, ce don te regarde. Ce qui est intéressant, c’est que le don est toujours payé en retour, par ce que nous recevons dans l’échange avec les autres. Le don se réalise dans l’échange. Le contre-don permet au jeune de retrouver le sens du lien à l’autre. Comme disait Michel Serrès “ L’altérité vous enracine dans votre identité ”.
bull2.gif (117 octets)  Winnicott en parle très bien quand il nous dit que “ l’enfant crée sa mère ”. L’enfant a besoin que l’entourage maternant soit là pour être aimé. Il a besoin de donner pour avoir une place dans l’échange. Il a besoin que son entourage maternant accepte ce qu’il a à donner. La dyade mère-nourrisson est un système formé d’éléments interdépendants dans les deux sens, de la mère vers le bébé, du bébé vers la mère. Ces multiples feed back créent une réalité psychique en forme d’enveloppe dont le bébé a une représentation concrète du fait de son expérience sensorielle, infiltrée de fantasmes. Les interactions constantes et ajustées permettent au tout petit de développer un style et un tempérament singulier.
bull2.gif (117 octets)  Au début la mère paraphrase les angoisses du bébé : elle le questionne, elle interprète, elle verbalise les affects. Elle pense pour lui, parle pour lui. C’est le début de l’émotionnalité du bébé. C’est cette sécurité que procure cet objet-support contenant son espace émotionnel et son espace de pensée qui va créer le contexte dans lequel un enfant pourra acquérir la capacité d’intérioriser, de mettre des choses à l’intérieur de lui. Si la mère n’assume pas son rôle de conteneur psychique pour canaliser le déferlement des émotions du bébé, celui-ci va être saisi par l’angoisse “ d’être lâché ”.
bull2.gif (117 octets)  L’accès à la position de donateur est la position narcissisante par excellence. C’est à travers toutes les bonnes expériences que l’enfant se constitue et renforce son sentiment d’estime de soi. Tout au long de notre vie, nous cherchons ces situations valorisantes où nous sommes bien portés par les bras ou le regard de l’autre, pour nous sentir précieux pour quelqu’un.
bull2.gif (117 octets)  Si le support est défectueux, l’enfant développe des sentiments d’incapacité, de faiblesse, de dévalorisation, de dépression, ce qui le pousse à répéter, dans son désir d’être porté, d’être pris en main, un comportement à tendance anti-social. Ce sont ces jeunes qui passent leur temps à casser et à se casser.
bull2.gif (117 octets)  Un séjour de rupture
bull2.gif (117 octets)  Le manque d’appui, l’enveloppe défectueuse, les blessures narcissiques et les brisures précoces ont enfermé le jeune dans un mode de fonctionnement qui l’entraîne vers les échecs, la violence, les ruptures, les attitudes de dépendance, voire suicidaire.
bull2.gif (117 octets)  Pour déconstruire cette organisation interne et permettre au jeune de restaurer ses assises narcissiques, il me semble important de le mettre en situation de rupture là où il partage avec l’éducateur le même objet-support.
bull2.gif (117 octets)  La rupture devient espace transitionnel ; elle s’apparente à un entre-deux, un sas transitoire entre deux états dans lequel l’éducateur peut soutenir le jeune dans sa compréhension de ce qui se passe à l’intérieur de lui et l’aider à trouver du sens à son vécu en faisant des liens entre l’ici-maintenant et l’avant-ailleurs.
bull2.gif (117 octets)  Le voyage est acte de passage, susceptible de laisser une empreinte, une trace mnésique.
bull2.gif (117 octets)  Ici, le voyage est itinérance ; je pourrais même parler de transhumance dans le sens où le groupe se déplace, c’est à dire qu’il opère un mouvement pour aller d’un lieu à un autre, l’objectif étant de donner un spectacle, donc de se nourrir d’échanges avec un public, avec d’autres personnes. Il s’agit de nourriture intellectuelle, affective, culturelle, humaine.
bull2.gif (117 octets)  Transhumer, c’est faire chemin, symboliquement cheminer avec soi-même. L’environnement est différent, il questionne. La population d’accueil réagit avec sa propre culture ; elle bouscule le fonctionnement habituel.
bull2.gif (117 octets)  Voyager, c’est vivre un nouveau rapport à l’environnement naturel et social. Le jeune est vu autrement, peut donc se voir différemment. Il peut sortir des projections qui l’emprisonnent, de l’image dans laquelle il s’est piégé, et ainsi s’autoriser à être davantage lui-même. L’itinérance permet des échanges renouvelés, un bon moyen pour s’essayer à être, pour se construire au fil de la route.
bull2.gif (117 octets)  Le voyage et le spectacle ne sont que des supports relationnels. Il s’agit bien de donner du sens à la parole, aux comportements en les reprenant dans leur contexte, mais aussi en les resituant dans l’histoire et le fonctionnement du jeune, pour l’amener à repérer et à comprendre les mécanismes qu’il utilise et souvent reproduit.
bull2.gif (117 octets)  La force de ce voyage est qu’il met le jeune et l’adulte en rupture avec leur environnement habituel. Le jeune se retrouve avec l’entourage éducatif dans un vécu partagé, dans des épreuves parlantes et forcément parlées, dans un espace où peut se créer quelque chose de l’ordre de la sympathie, au sens étymologique du terme sun patten “ souffrir avec ” et “ à l’intérieur de ”.
bull2.gif (117 octets)  Avec R.Kaès, nous pouvons affirmer que “ ce séjour de rupture s’inscrit dans une continuité des choses, de soi, des relations avec notre environnement. Il s’agit autant de suture que de rupture, puisqu’il s’agit de faire des liens, de réintroduire du lien ”.
bull2.gif (117 octets)  Un chemin initiatique
bull2.gif (117 octets)  Le jeune doit convaincre ses parents, résister à l’emprise du quartier et des copains, prendre le risque de modifier son image, accepter des contraintes horaires, discuter pour trouver un moyen de locomotion, arriver à trouver les mots pour que sa famille supporte le labyrinthe administratif des papiers, dépasser ses conflits et ses rancœurs, dépasser ses faiblesses et ses peurs, arriver à donner le meilleur de lui-même… autant d’embûches à vaincre pour répondre présent à l’heure du départ, autant d’épreuves à dépasser pour rester dans le groupe, autant de prises de conscience pour advenir à soi.
bull2.gif (117 octets)  Si nous considérons que l’initiation est une quête de sens qui prend naissance dans une expérience de vie, et un art qui vise au déploiement des potentialités d’un sujet, le voyage humanitaire est initiatique : il fait séparation entre le jeune et sa famille, son miroir-famille, entre le jeune et son quartier, son miroir-quartier. Il permet la séparation.
bull2.gif (117 octets)  Ces grands adolescents, après s’être arrachés à leur quartier et à leur famille se retrouvent dans un pays si différent qu’ils sentent la séparation jusque dans leur chair.
bull2.gif (117 octets)  La séparation est souffrance parce qu’elle coupe quelque chose, mais elle ouvre un espace pour la parole, pour la demande. Les jeunes ont pleuré les uns après les autres. Les larmes, c’était l’expérience que quelque chose lâchait en soi. On lâche quelque chose pour accueillir quelque chose d’autre ou quelqu’un, pour accueillir l’autre.
bull2.gif (117 octets)  Dans un monde où il y a tout, ou plutôt où nous pensons qu’il y a tout, nous n’avons pas d’énergie pour aller vers les autres. La séparation fait vivre l’expérience du manque. C’est à partir de cette expérience initiatique que nous trouvons de l’énergie pour aller vers, pour entreprendre, pour élaborer un idéal du moi nouveau, ouvert sur des valeurs plus larges que celles de l’adaptation passive à la conjoncture sociale.
bull2.gif (117 octets)  Le moment de déprime au retour est inévitable. C’est un moment de passage, un moment qui se vit dans le corps. On a l’impression d’être vide en soi, d’être perdu . L’accompagnement n’est pas de boucher le trou, de combler le vide en disant : “ Ne t’en fais pas, tu pourras y retourner ”. L’accompagnement, c’est de permettre au jeune de faire son travail psychique à lui. Il a besoin d’un temps pour penser son expérience. Ce travail psychique est tout à fait important. Chaque jeune peut dire qu’il y a un prix à payer pour un tel voyage qui est avant tout, voyage intérieur, voyage rendu possible, grâce à cet autre qui m’a permis de penser qu’il avait besoin de moi et qui m’a si fortement aidé à me comprendre moi.
bull2.gif (117 octets)  C’est dans cette complexité-là que j’ai invité les Saltimbanques de l’Humanitaire à transmettre aux autres, tout ce qu’ils ont vécu, sans taire les exigences qu’ils ont mises pour réaliser cette mission, mission qui leur a ouvert de nouvelles perspectives et leur a permis d’accéder à un statut social nouveau.
“ On peut toujours te prendre ce que tu as, mais qui peut te prendre ce que tu donnes ? ”
bull2.gif (117 octets)  St Exupéry