Tandis qu'à l'orée du XXe siècle, une École "de base " pour tous, obligatoire, laïque et gratuite venait d'être mise en place par la République, des initiatives partant d'individus ou de petits groupes le plus souvent, donnaient naissance à ce qui allait devenir un vaste mouvement d'associations d'Éducation populaire. Se référant à des idéologies diverses, toutes ces initiatives présentaient des caractéristiques communes :
  - elles s'adressaient prioritairement aux classes populaires qui n'avaient pas eu la chance d'accéder à un enseignement supérieur ;
  - leur action se situait dans le cadre des loisirs, sans véritable attache avec le monde de l'École ou du travail ;
  - elles étaient inspirées par un souci humaniste généreux et de progrès.
  Un siècle après ses débuts, l'École pour tous a connu des développements considérables : tous les enfants passent par un début d'enseignement secondaire et la majorité d'entre eux poursuivent des études conduisant à un baccalauréat. Nombre d'entre eux accèdent à un enseignement de type supérieur. Pourtant les connaissances scientifiques et techniques augmentent selon un rythme tel que la période de scolarité première doit dès maintenant être prolongée tout au long de la vie. Il est important de repenser tout notre système éducatif dans une perspective d'éducation permanente* : son rôle est de moins en moins de distribuer des connaissances et de plus en plus de donner à chacun les moyens de s'approprier en permanence les savoirs qui lui seront nécessaires pour comprendre un monde en évolution accélérée, s'y insérer et y remplir aussi pleinement que possible son rôle de citoyen. Chaque enfant qui naît doit aussi pouvoir hériter de ce qu'Albert Jacquard nomme "l'humanitude ", ce trésor culturel qui permet le dépassement de la condition animale et l'épanouissement de son originalité. Or cette "humanitude " ne cesse de s'enrichir au fil des jours : l'une des fins de notre système éducatif doit être de permettre à chacun d'y accéder tout au long de sa vie.
  L'adaptation de notre système éducatif aux besoins actuels et futurs nécessite une prise de conscience de l'ensemble des partenaires de ce système. Les Contrats éducatifs locaux peuvent constituer un moyen pour faire progresser cette prise de conscience et pour engager des actions innovantes pour peu que leurs promoteurs les situent dans des perspectives évolutives ambitieuses. Initiés conjointement par de l'Éducation nationale et de la Jeunesse et des Sports (celui-ci est aussi le Ministère de l'éducation populaire), élaborés à l'initiative des collectivités territoriales, appuyés sur les associations locales, les contrats éducatifs locaux ont pour objectif d'élargir le champ éducatif scolaire à travers des activités péri et extra-scolaires dans la grande tradition de l'éducation populaire ; de plus, leur nature en fait des vecteurs propres à favoriser les initiatives éducatives locales concrètes qui seules peuvent entraîner l'évolution globale nécessaire du système éducatif français. Mais pour que ces initiatives puissent se développer et être les ferments d'une réforme profonde, il faut que les moyens matériels nécessaires leur soient donnés ; il faut aussi qu'elles sortent de la confidentialité et de l'isolement grâce à des rencontres périodiques et à la création d'un réseau d'échanges permanents.
  Un vaste champ d'actions authentiquement démocratiques peut ainsi être ouvert, créateur de lieux de rencontre, de réflexion, d'échanges et d'initiatives citoyennes qui vivifieront l'éducation populaire bientôt centenaire et lui donneront sa place dans le chantier de l'éducation permanente qui sera celui du siècle à venir.
  *Dès 1946, dans son chapitre consacré à l'Éducation populaire, le Plan Langevin-Wallon préconisait déjà la mise en place de structures d'éducation permanente appuyées sur l'École et les associations locales.