Biennale 5
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De l'éducation populaire à l'éducation permanente.

Auteur(s) : HERVE Georges

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bull2.gif (117 octets)   *Les nombreux mouvements d'éducation populaire, qui n'ont cessé d'œuvrer au cours de ce vingtième siècle finissant, sont nés d'inspirations très diverses, mettant l'accent tantôt sur la nécessité de prolonger l'action de l'école primaire la seule connue de la majorité des enfants du peuple ; tantôt sur la formation citoyenne, voire politique des jeunes et des à qui cette école n'avait donné que les bases élémentaires d'un savoir nécessaire à l'entrée dans la vie professionnelle et à la pratique républicaine ; tantôt sur la diffusion, et même sur la fondation, d'une culture propre aux classes populaires. A travers cette diversité, tous ces mouvements ont cependant des caractéristiques fondamentales communes :
- ils s'adressent prioritairement aux classes populaires qui n'ont pas eu la chance d'accéder à une instruction supérieure ;
- qu'ils s'adressent aux enfants, aux adolescents, ou aux adultes, leur action se situe toujours dans le cadre des loisirs, en dehors du temps scolaire ou professionnel et, le plus souvent sans attache véritable avec le monde de l'école ou du travail ;
- leurs idéologies, diverses dans le détail, sont toutes empreintes d'un humanisme qui se veut généreux et de progrès.
*Or, depuis quelques décennies, la société a considérablement changé : tous les enfants passent par un début d'enseignement secondaire au Collège et la majorité d'entre eux poursuit des études menant à un baccalauréat. En moins de trente ans, le nombre des étudiants dans les Universités a été multiplié par dix dans bien des cas, parfois plus. Si le " temps libre " des adultes a tendance à augmenter, les loisirs sont de plus en plus occupés par des distractions plus ou moins individuelles, où la télévision tient une place centrale en attendant que le multimédia prenne le relais. Les idéologies structurées qui ont marqué la fin du XIXe siècle et la première moitié du vingtième ont perdu bien de leur influence et ont fait place à une sorte d'indifférence résignée devant l'impuissance du politique à régler les problèmes cruciaux de l'époque, sauf à se tourner vers les mouvements populistes démagogiques. A la rupture qui séparait les classes populaires de la bourgeoisie, succède aujourd'hui une fracture sociale autrement profonde entre les " inclus " et les " exclus " de la vie sociale et professionnelle. Ces derniers ont tendance à se replier sur eux-mêmes, oscillant entre des révoltes souvent vaines et une résignation assistée tandis que les premiers cherchent avant tout à éviter de perdre leurs acquis. On peut s'interroger sur la place qui doit être celle de l'éducation populaire dans ce nouveau contexte.
*Dès 1946, le Plan de réforme du système éducatif français élaboré par la Commission LANGEVIN-WALLON, dans un chapitre intitulé "EDUCATION POPULAIRE ", notait : "L'éducation populaire n'est pas seulement l'éducation pour tous, c'est la possibilité pour tous de poursuivre au-delà de l'école et durant toute leur existence le développement de leur culture intellectuelle, esthétique, professionnelle, civique et morale. Dans des temps où les progrès des sciences et le renouvellement des idées et des manifestations artistiques ne peuvent manquer de s'accélérer toujours davantage, les générations qui se suivent deviendraient vite étrangères entre elles et les plus anciennes étrangères à leur époque, si cette possibilité ne leur était pas donnée. "
bull2.gif (117 octets)  C'est à la mise en place d'une véritable éducation permanente que ces réformateurs appelaient, centrant l'action sur l'école mais appelant aussi l'ensemble des partenaires associatifs à coopérer à cette immense tâche.
*L'évolution du savoir déjà pressentie au lendemain de la seconde guerre mondiale a pris un rythme jamais connu dans toute l'histoire de l'humanité. Le monde scientifique, technique et économique vit une évolution accélérée qui, à bien des égards, paraît s'emballer et dépasser l'échelle humaine. La masse des savoirs scientifiques et technologiques augmente selon une progression géométrique qui évoque un mouvement explosif : l'essentiel des connaissances dont les enfants d'aujourd'hui auront besoin au cours de leur vie adulte n'est pas encore produit. Il est loin le temps où l'école avait pour mission essentielle de donner aux jeunes l'instruction qui leur serait nécessaire pour la vie : c'est maintenant tout au long de la vie qu'il faut intégrer de nouvelles connaissances. La Table Ronde européenne des Industriels (E.R.T.) s'est engagée dans une action visant à assurer cette formation permanente " de la crèche à la tombe " : sans rejeter l'utilisation des technologies nouvelles sur lesquelles s'appuie l'E.R.T., peut-on limiter la formation permanente à l'acquisition de compétences " utiles " pour l'emploi ... et l'employeur ?
*Par ailleurs, l'homme d'aujourd'hui est quotidiennement plongé dans un bain d'informations qui lui arrivent de toutes parts. Le problème n'est plus de trouver l'information, mais de la trier, de la passer au crible de la critique, de la hiérarchiser pour intégrer ce qu'il peut y avoir d'essentiel pour comprendre le monde et se donner les moyens d'agir sur son évolution. Le pouvoir appartient à ceux qui détiennent l'information : or dans une démocratie, il est essentiel que chaque citoyen soit en mesure de la maîtriser. La crise actuelle du civisme, la montée en puissance des extrémismes violents, racistes, xénophobes, des populismes démagogiques sont liées, pour une grande part, à la désinformation qui résulte de l'information non maîtrisée par nos contemporains. Seule une éducation permanente permettra, par les échanges, les confrontations, le dialogue local, l'indispensable analyse critique des torrents d'informations qui ne cessent de déferler.
*Mais l'éducation permanente ne saurait se limiter à la sphère intellectuelle : en favorisant les rencontres intra et inter-générations, elle doit permettre de lutter contre les replis sur soi, les isolements, les exclusions de toutes natures, donner à chaque personne le sentiment de sa valeur et de sa dignité singulières, sortir nos concitoyens de l'individualisme dans lequel ils s'enferment de plus en plus pour les amener à la coopération, à la réflexion et à l'action solidaires. Les mouvements d'éducation populaire ont, dans ces domaines, une riche expérience qui devraient être mieux utilisée par notre système éducatif national.
*Enfin, chaque enfant qui naît doit pouvoir hériter de ce qu'Albert Jacquard nomme "l'humanitude", ce trésor culturel qui permet le dépassement de la condition animale et l'épanouissement de son originalité. Or cette " humanitude " ne cesse de s'enrichir au fil des jours : l'éducation permanente doit également permettre à chacun d'y accéder tout au long de sa vie.
bull2.gif (117 octets)  Il est donc indispensable de repenser tout notre système éducatif dans la perspective d'une véritable éducation Permanente intégrant ce qui, jusqu'ici, était séparé, c'est-à-dire l'école et l'éducation populaire.
bull2.gif (117 octets)  Or, après l'occasion manquée des années d'après-guerre11, notre école continue, sans changements essentiels, sur sa lancée initiée à la fin du XIXième siècle. Pire, elle est de plus en plus dominée par la course au diplôme. Tout ce qui ne paraît pas " essentiel " pour l'obtention des examens est le plus souvent négligé, notamment l'éducation civique, l'éducation artistique, l'ouverture aux domaines non directement scolaires, la pratique des activités physiques " gratuites ", pour le plaisir. En présentant sa " carte d'accréditation " comme un véritable " passeport pour l'emploi ", l'E.R.T. accentue encore cette tendance.
*L'expérience des cinquante dernières années a amplement démontré qu'aucune réforme profonde du système éducatif ne peut être décrétée. Pour dépasser la " pesanteur sociologique " (cultural leg), seules les initiatives locales concrètes peuvent constituer les ferments de l'indispensable évolution. Encore faut-il que ces initiatives se situent clairement dans une perspective globale commune, que chacune puisse profiter des expériences des autres et qu'elles soient encouragées et soutenues par une volonté politique forte de la part des gouvernants, faute de quoi elles finissent toujours par s'essouffler et disparaître. Faisant suite au Manifeste pour la reconnaissance de Sites Pilotes de l'éducation nationale, l'Association nationale R.E.V.E.I.L.12 milite dans ce sens.
*C'est dès la période de scolarité obligatoire (école Primaire et Collège) que doit être implantée l'idée d'une éducation permanente. La Charte pour bâtir l'école du XXIe siècle et les récents Contrats éducatifs Locaux constituent des cadres qui peuvent ouvrir de nouvelles perspectives éducatives en favorisant des synergies entre les temps scolaires, péri et postscolaires et en sensibilisant les publics adultes et les diverses associations locales.
bull2.gif (117 octets)  Un important travail d'information auprès du grand public, des Collectivités locales et des responsables politiques est nécessaire pour que ces idées fassent leur chemin et que les moyens réglementaires, matériels et humains soient mis à la disposition des groupes locaux désireux de s'investir dans ces actions concrètes.
bull2.gif (117 octets)  Notes :
1 Dès 1900, avant même la promulgation de la Loi sur les Associations, un Instituteur fondait à Perrier, petit village d'Auvergne, ce qui fut sans doute l'une des premières associations d'éducation populaire, la Société des Enfants des Grottes. Cette association se donnait comme objectifs de prolonger, par la gestion d'une bibliothèque, l'organisation de causeries sur des sujets variés, la pratique d'activités de loisirs culturels et sportifs, etc., l'action éducative de l'école primaire auprès des jeunes hommes du village. L'année suivante, une association aux buts similaires destinée aux jeunes filles fut fondée par l'Institutrice du village. Ces deux associations ont œuvré jusqu'aux années 1947/48.
2 La distraction étant, par définition, le moyen d'échapper aux préoccupations quotidiennes et donc de s'éloigner du réel.
3 On pourrait faire un parallèle avec le recul de la foi et des pratiques religieuses, la montée des intégrismes allant de pair avec celle des démagogies populistes.
4 c'est nous qui soulignons.
5 " Les écoles normales et les universités seront des foyers de culture où les maîtres, en contact direct avec les populations devront trouver l'assistance et les collaborations voulues pour organiser dans leur propre circonscription des séances instructives ou récréatives, des excursions géologiques, botaniques, archéologiques, etc., des expositions et des festivités soit de caractère régional, soit de caractère national ou mondial. Cette énumération n'a rien de limitatif...
bull2.gif (117 octets)  Si l'armature de l'éducation populaire doit être formée par le personnel enseignant à tous ses degrés, elle devra également s'assurer la collaboration de toutes les organisations, publiques ou privées, dont le but est culturel : associations pour la connaissance du milieu historique ou naturel, pour le développement des arts et de la littérature. "
6 Un profond sentiment d'impuissance tend à imprégner les esprits devant les forces qui gouvernent cette évolution.
7 " Les connaissances augmentent considérablement : les savoirs doublent tous les dix ans et la moitié des données en technologie est périmée au bout de cinq ans. Neuf dixièmes des connaissances que les élèves auront à maîtriser au cours de leur vie n'ont pas encore été produites ", écrit André GIORDAN.
8 Envoi par mail d'un ensemble d'extraits des textes émanant de l'E.R.T. et d'organismes associés sur simple demande à georges.herve3@wanadoo.fr
9 L'exclusion est souvent d'abord sociale, culturelle, avant d'être économique.
10 Notamment par les échanges réciproques de savoirs.
11 Le plan Langevin Wallon, pourtant salué comme un modèle du genre, n'a jamais connu de réelle application, même si certains Ministres des années 60 prétendaient s'en inspirer.
12 Rénover l'école en Valorisant et Encourageant les Initiatives Locales, parrainée par Guy AVANZINI, Pierre-Gilles de GENNES, Albert JACQUARD, Louis LEGRAND et Jacques PAIN ; siège social : Centre Culturel 63500 PERRIER. Manifeste et statuts de l'association peuvent être obtenus par e-mail (georges.herve3@wanadoo.fr) ou contre l'envoi d'une enveloppe affranchie au tarif lettre ordinaire.
13 Le Centre de Loisirs culturels et sportifs de Perrier, reconnu comme association de Jeunesse et d'éducation Populaire dispose d'une expérience de près de dix années dans ce domaine. A la demande de l'INRP, une monographie relatant les trois dernières années de cette expérience vient d'être réalisée par l'I.E.N. local. Nombreuses sont sans doute les expériences analogues qui s'ignorent entre elles et perdent de ce fait une grande partie de leur impact sur le système éducatif global.
14 Il s'agira notamment de développer les formations de type B.E.A.T.E.P., de les diversifier, d'en faciliter l'accès (actuellement limité du fait du coÛt élevé des formations), pour créer un véritable corps d'éducateurs populaires qualifiés, mais aussi de dégager les crédits pour ouvrir de vrais emplois aux éducateurs sportifs et culturels au service de l'éducation permanente.
bull2.gif (117 octets)  Georges HERVE, retraité de l'éducation nationale, responsable associatif.