Approche psychologique


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Perception visuelle,  traitement ascendant du stimulus
   Le monde extérieur et sa perception, 
      présupposés philosophiques

   De la sensation à la perception, 
      modèles théoriques

   Le stimulus visuel

   Le système visuel

   Le traitement neuro-sensoriel

   Le traitement perceptif

   Définitions

 

 

Le monde extérieur et sa perception : présupposés philosophiques
 

Le mode d'existence du monde extérieur et  la perception qu'en a l'être humain, font l'objet de questionnements qui traversent toute l'histoire de la pensée. Le réalisme na•f,croyance du sens commun  admet sans critique l'existence d'un monde matériel et de sujets conscients, l'activité perceptive étant étant conçue soit comme saisie directe, soit comme représentation mentale analogique, copie de choses ou d'êtres existant indépendemment du sujet percevant.

À cette croyance s'oppose le réalisme, au sens philosophique  du terme, c'est-à-dire les doctrines issues de la pensée platonicienne et pour lesquelles

- « les idées sont plus réelles que les  êtres individuels et sensibles »,
- « les universaux existent indépendamment des choses dans lesquelles ils se manifestent »,
- « l'être est indépendant de la connaissance actuelle que peuvent en prendre les sujets conscients »,
- « l'être est, en nature, autre chose que la pensée et ne peut ni être tiré de la pensée, ni s'exprimer d'une façon exhaustive en termes logiques ». A. Lalande, édit. 1985, pp. 891, 892


L'idéalisme,« tendance philosophique qui consiste à ramener toute existence à la pensée, au sens le plus large du mot », parfois nommée subjectivisme, s'oppose à l'ontologie pour laquelle objets et sujets conscients ont une existence indépendante de la pensée. A. Lalande, édit. 1985, p. 435

La phénoménologie s'abstient de tout jugement sur l'être et le non-être des objets. Elle prend comme point de départ la relation qui s'établit entre l'homme et sa sphère d'existence. La perception est « cet acte qui crée d'un seul coup, avec la constellation des données, le sens qui les relie,  qui non seulement découvre le sens qu'elles ont mais encore fait qu'elles ont un sens ».  Merleau-Ponty, 1957, p. 46  Nous sommes comme « jetés dans le monde », c'est par notre corps que nous le percevons, ce corps n'est pas un observateur objectif, il n'est pas non plus une pure intériorité. « L'espace, et en général la perception marquent au cœur du sujet le fait de sa naissance, l'apport perpétuel de sa corporéité, une communication avec le monde plus vieille que la pensée.» Merleau-Ponty, 1957, p. 294
 

À ces questions d'ordre métaphysique se superpose un débat qui, certes,  n'est pas nouveau mais que les avancées dans le domaines des neurosciences place au devant de la scène. « L'aptitude du cerveau humain à catégoriser des sensations, et à recevoir des milliards de stimuli chaotiques, différents d'un sujet à un autre […] assure la création d'un monde perceptuel et sémantique propre à chaque individu d'où émergent pensée et langage. » Philippe Meyer 1997, p. 20  Cette assertion concernant l'extrême complexité de l'activité perceptive et de son rôle déterminant dans les activités symboliques de niveau supérieur est désormais reconnu par tous. Mais les conséquences que l'on en tire peuvent être divergentes.  Les neurobiologistes, confortés par le résultat des investigations in vivo permises par l'imagerie cérébrale, invitent à souscrire à l'hypothèse d'une matérialité de la pensée. Il est désormais acquis qu'il n'y a pas de pensée humaine sans cerveau : toute sensation, perception ou mouvement provoque une augmentation du débit du sang artériel dans la région cérébrale concernée et, ce qui est plus inattendu, la période d'intention et de réflexion qui précède une séquence gestuelle, le langage intérieur augmentent également le métabolisme cérébral. Mais constater l'indissociabilité entre la pensée et l'activité du cerveau ne démontre pas l'existence d'un rapport de causalité. Il y a donc toujours place pour une seconde hypothèse, celle d'un dualisme qui, tout en reconnaissant l'importance des découvertes récentes concernant les mécanismes cérébraux, réaffirme l'existence d'une rupture d'ordre ontologique entre l'ordre de la matière et celui de la pensée. Un extrait du dialogue entre Paul Ricœur et Jean-Pierre Changeux témoignera de l'actualité et de l'ouverture de questions par lesquelles chacun peut se sentir concerné.

J.-P. C. - La conscience se développe dans notre cerveau, mais nous n'avons aucune perception consciente de notre cerveau !
P. R. - Je ne comprends pas la phrase : « la conscience se développe dans le cerveau », la conscience se sait (ou s'ignore, et c'est toute la question de l'inconscient),  mais le cerveau restera de façon définitive un objet de connaissance et n'appartiendra jamais à la sphère du corps propre. le cerveau ne « pense » pas  au sens d'une pensée qui se pense. mais vous, vous pensez le cerveau.
J.-P. C. - Certes, mais la pensée ne peut se penser sans le cerveau ! C'est un objet, mais qui commande tout le reste, et sert à la fois à la perception de mon corps et à la production des représentations qui en permettent la description. […] Au cours des dernières décennies, de nouveaux instruments d'observation ont littéralement révolutionné l'étude du cerveau, en « ouvrant une fenêtre » sur la « physique de l'âme ». Avec ces instruments « il devient possible d'interpréter des images d'états mentaux d'une autre personne et, également, pour commencer, de soi-même ». […]
P.-R. - L'observateur fait une opération psychique sur un objet physique. […]
J.-P. C. - Les méthodes des neurosciences permettent de faire […] un lien très direct entre le psychique vécu et le physiologique enregistré. […]
P. R. - La mise en relation dont vous parlez est en réalité double : d'une part, à l'intérieur de votre champ d'expérimentation entre structure et fonction, d'autre part entre ce champ tout entier, et , disons, le discours que le sujet tient sur lui-même et son corps. Ce n'est pas seulement la première sorte de relation qui me fait problème, mais aussi la seconde. P. Ricœur, J.-P. Changeux, 1998, pp. 66-77


De la sensation à la perception :  modèles théoriques
 

La perception implique de la part de l'individu une sélection parmi les informations sensorielles qui lui parviennent et l'intégration de sensations multiples. L'expérience na•ve de la vision du monde naturel ou de ses représentations concrètes (dessins, photos, enregistrement vidéo…) ignore la distinction entre la sensation et la perception, comme elle ignore dans quelle mesure les valeurs, les significations, les connaissances stockées en mémoire informent les données sensibles. Le recours à l'introspection ne permet d'atteindre qu'une infime partie de l'activité sensorielle. Seul un effort de distanciation et la convocation de modèles théoriques permettent de formaliser les processus mis en œuvre aux différents niveaux du traitement de l'information perceptive (neuro-sensoriel, perceptif, cognitif) et de faire des inférences sur les niveaux qui restent inaccessibles à la conscience. Pour la présentation de ces modèles, nous empruntons largement à la présentation qu'en fait Jean-Didier Bagot. Concernant ce thème, les citations non référencées sont extraites de J.-D. Bagot, 1999, pp. 6 à 12.

L'associationnisme (fin XIXe siècle et début XXe siècle), marqué par la tendance analytique, envisageait les sensations en tant que phénomènes élémentaires qui s'associant suivant certaines lois sont à l'origine du développement de la vie mentale. La perception y était conçue comme l'addition de nombreuses sensations, la perception finale reposant « essentiellement sur la structure de ces associations (d'où le nom de “structuralisme”) pour laquelle le rôle de l'expérience et de l'apprentissage etait essentiel (d'où le terme d'empirisme)» .

Le béhaviorisme fut initié par J. Watson  dès 1913. Les tenants de ce courant étaient radicalement opposés à toute psychologie faisant appel à l'introspection ; pour eux les phénomènes psychologiques pouvaient s'expliquer à partir de comportements réflexes de type stimulus-réponse . […] L'individu étant assimilé à une boîte noire, ses sensations ne résulteraient que des stimulations de l'environnement selon des relations pouvant être formalisées objectivement » . Bien que généralement remis en cause en tant que théorie générale, cette approche reste sous-jacente à la démarche expérimentale.

La théorie de la gestalt s'oppose tout à la fois à l'approche analytique des associationnistes et à celle des behavioristes dont elle est contemporaine . « Selon cette théorie, ce n'est plus l'environnement qui agit sur l'individu, mais ce dernier qui structure et organise l'environnement », organisation à laquelle renvoie le concept de forme (gestalt) introduit en 1912 par M. Wertheimer. Les travaux de ce dernier et de ses collaborateurs conduisirent à considérer la perception non plus comme une somme d'éléments, mais comme un ensemble constitué d'unités autonomes dont les propriétés  dépendent du tout.

Le constructivisme « ne rejette pas la théorie de la Gestalt, mais il attribue un rôle particulièrement actif au sujet. Celui-ci construit ses perceptions à partir des données extraites au fur et à mesure de l'observation du stimulus. Ainsi, dans le domaine de la perception visuelle, les mouvements oculaires jouent un rôle essentiel : c'est grâce à eux que « les informations prélevées en plusieurs endroits de l'espace sont combinés pour construire une représentation mentale, une “carte mentale” de la scène et des objets regardés ».

L'approche cognitive, esquissée dès les années 50, «repose essentiellement sur l'assimilation du système perceptif à un système de traitement de l'information selon lequel la perception est décomposable en plusieurs étapes, chacune d'elles correspondant à une opération de traitement spécifique ». De ce point de vue, l'étude de la perception implique l'élucidation des « opérations par lesquelles un organisme transforme les signaux d'entrée en informations qui vont lui permettre de produire des réponses fondées selon les cas, sur des circuits “courts” de type autorégulés ou sur des circuits plus ou moins “longs” aboutissant à la construction de représentations inconscientes » . C. Bonnet, 1989, p. 3  Le traitement de l'information peut être principalement  « guidé par le stimulus » (processus ascendant) ou « guidé par les concepts » (processus descendant).

La théorie écologique « s'appuie sur le principe que toutes les informations nécessaires à la perception sont présentes dans le monde environnant et qu'il suffit de les saisir ». En ce qui concerne la perception visuelle,  la perception est déterminée directement par « l'arrangement spatial de lumière structuré par les différents éléments de l'environnement »  et par les changements de cet arrangement liés aux mouvements permanents du sujet qui les perçoit.

L'approche transactionnaliste développée dans les années soixante repose sur l'hypothèse que « le sujet percevant crée le monde dans lequel il vit à partir de son propre point de vue, donc en fonction de son expérience passée et du but à atteindre par son choix perceptif. Percevoir consisterait à émettre en permanence et de façon inconsciente de nombreuses suppositions sur l'environnement et à favoriser l'une d'entre elles qui deviendrait consciente ».


Le stimulus visuel

C'est la lumière qui véhicule les informations visuelles sur le monde environnant. « On désigne sous le nom de “lumière” le domaine très restreint des ondes électromagnétiques auxquelles le système visuel humain est sensible. Une onde magnétique est une double vibration de nature à la fois électrique et magnétique qui se propage. […] Il existe bien d'autres radiations électromagnétiques que la lumière. Elles sont toutes caractérisées par leur longueur d'onde , définie comme la distance entre deux maxima successifs de la vibration. […] On attribue également à la lumière une nature corpusculaire, en considérant que l'énergie se propage sous forme de quanta. » J.-D. Bagot, 1999, p.114 Les quanta sont appelés photons et le processus de stimulation la photoréception.

Trois variables entrent en jeu dans la quantité de lumière émise par un rayon lumineux :

- la luminance ou puissance lumineuse émise (mesurée en candéla)
- la longueur d'onde dominante (mesurée en nanomètre, 1nm = 10-9 mètre)

- le facteur de pureté chromatique  : il est très rare qu'un rayon lumineux soit monochromatique.
Ces trois variables physiques doivent être différenciées des qualités perceptives dont elle sont la source  : la luminosité, la tonalité et la saturation.
 
 

Schéma 1 - Spectre des ondes électromagnétiques et leurs longueurs d'ondes
(La partie du spectre visible - de 400 à 700 nm -  est agrandie)
d'après J.-D. Bagot, 1999, p.115

L'association entre longueurs d'ondes et couleurs peut prêter à confusion. La couleur n'est pas un attribut de l'onde lumineuse, en tant que sensation elle relève du traitement neuro-sensoriel : c'est l'observateur dont la rétine est stimulée par une certaine longueur d'onde qui « construit » une certaine couleur.
 

Le système visuel

Le système Visuel comprend un système optique, les globes oculaires et un système neurologique parfois nommé rétinex. C'est la description de ce dernier qui nous retiendra ici.  Est visible ce qui provoque une activité photochimique au niveau  des photorécepteurs de la rétine (les cônes et les bâtonnets).  Le segment externe de ces derniers contient des pigments visuels (rhodopsine pour les bâtonnets, cyanolabe, chronolabe et érytholabe pour les cônes). L'énergie lumineuse, absorbée par les pigments, décompose leurs molécules provoquant ainsi les changements de potentiels qui déclenchent des trains d'influx dans les cellules ganglionnaires. Les pigments sont continuellement resynthétisés  et redeviennent disponibles pour un nouveau cycle de réaction. Les fibres optiques (axones des cellules ganglionnaires) constituent le nerf optique. Elles se séparent en deux contingents qui suivent des voies différentes. La majorité des ganglionnaires empruntent la voie rétino-géniculo-striée, et  vont se projeter dans les aires corticales occipitales. Les fibres des autres cellules ganglionnaires suivent la voie rétino-colliculaire. Les fibres des nerfs optiques, pour moitié, se croisent au niveau du chiasma optique et se projettent sur l'hémisphère opposé.
 
 

Schéma 2 - Vision binoculaire, trajet des fibres nerveuse

Le traitement de la stimulation visuelle

Les nouvelles technologies, notamment l'imagerie médicale, permettent de mettre en évidence de façon de plus en plus précise et rigoureuse une organisation  modulaire du système qui allie la spécialisation fonctionnelle  des divers ensembles de cellules nerveuses qui le composent, et une extrême complexité et souplesse des relations susceptibles de s'établir en elles.  Claude bonnet distingue trois niveaux de traitement des stimuli visuels :

• Le traitement neuro-sensoriel:   Analyse séparée des différentes dimensions de la stimulation. Ainsi et pour exemple, les neurophysiologues ont repéré et étudié trois voies distinctes qui codent séparément des caractéristiques de forme, de couleur et de mouvement. Il s'agit d'un premier niveau de représentation correspondant à un traitement pré-attentif, c'est à dire un traitement automatique et indépendant des variables de l'attention.

• Le traitement perceptif  ou traitement ascendant ( bottom-up) : Niveau de traitement où s'opère la mise en relation de l'ensemble des codages élémentaires permettant l'élaboration de formes  définies par leur propriétés structurales et non par des propriétés sémantiques. Leur référence spatiale est le sujet lui-même (espace ego-centré), si la profondeur (ou troisième dimension) est présente, elle ne concerne que les partie visibles des objets. Ce niveau de traitement qui ne doit rien  aux représentations cognitives que l'individu a de la situation et de son environnement, ne permet pas l'identification des objets.

Le traitement cognitif  ou traitement descendant (top-down) : À ce niveau de traitement ce sont les objets plus que les formes qui sont concernés. Le terme d'objet est ici employé au sens d'« une entité définie dans un espace tridimensionnel. Il a généralement une fonction précise et peut être désigné par une étiquette verbale » Bonnet, 1989, p.17  La représentation est contrainte par les caractéristiques structurales de la forme (représentation visuo-spatiale) et par une représentation propositionnelle (description des propriétés des objets).

L'architecture fonctionnelle des modules de traitement correspond à trois types d'organisation
- une organisation hiérarchisée : les niveaux fonctionnent en série séquentielle,
- une organisation en parallèle : des niveaux différents fonctionnent indépendamment les uns des autres,
- une organisation en cascade : le traitement de l'information peut être initié à l'un quelconque des niveaux.
et le traitement d'une information particulière peut donner lieu à de multiples combinaisons. C'est la complexité fonctionnelle de ce réseau qui permet d'intégrer le codage neuro-sensoriel, l'identification et l'interprétation en une perception unifiée de l'environnement.
 
 

Schéma 3 - Organisation fonctionnelle du cortex visuel
d'après J.-D. Bagot, 1999, p.142

Le traitement neuro-sensoriel

Du stimulus émis au stimulus efficace

 Nous ne recevons qu'une part infime des signaux issus de l'environnement, ainsi, dès le premier niveau de traitement, le niveau rétinien, l'œil humain contenant 130 millions de récepteurs et seulement 1 million de cellules ganglionnaires, il y a compression  de l'information, mais sans perte essentielle. L'écart entre le signal émis et le « stimulus efficace », résultante des opérations de sélection, de transformation, de codage de l'information sous des formes propres à l'organisme, tient principalement aux limites du système visuel, limites qui correspondent à la notion de seuil ou « combinaison des caractéristiques de la stimulation lumineuse en deçà desquelles la lumière n'évoquera pas de sensation lumineuse » :

- caractéristiques générales : contraste de modulation, luminance moyenne, excentricité rétinienne, œil stimulé;
- caractéristiques spatiales : fréquences spatiales, orientation, position, étendue, phase spatiale;
- caractéristiques temporelles : fréquences temporelles, moment d'apparition, durée, phase temporelle.
Cf. C. Bonnet, 1989, p.17
La sensibilité étant estimée en fonction l'inverse du seuil, plus le seuil est bas, plus le système est sensible.
 
Sensibilité à la quantité de lumière  reçue par la rétine (différente de la quantité émise dans la mesure où elle est dépendante du diamètre pupillaire). Sensibilité du système photopique (cônes), vision diurne. Le seuil varie en fonction de la longueur d'onde. Il est minimal vers 550 nm.

Sensibilité du système scotopique (bâtonnets), vision nocturne. Le seuil est de 100 à 1000 fois inférieur aux précédents, le seuil minimal est observé vers 505 nm.

Le seuil absolu d'intensité lumineuse, soit la plus petite quantité de lumière qui puisse être détectée par un sujet complètement adapté à l'obscurité est inférieur à 10 photons.
 


Si l'on passe brutalement d'un éclairage intense à un faible éclairage on voit très mal pendant quelques instants, puis l'œil s'habitue. Il y a adaptation, le seuil élevé dans les premiers instants diminue progressivement.

Le système visuel est très sensible aux écarts de luminance entre deux plages adjacentes. Le contraste subjectif est supérieur au contraste physique réel.

 

Sensibilité à la fréquence spatiale c'est-à-dire à la variation des configurations spatiales sur une surface donnée. Ce type de sensibilité se traduit en terme d'acuité visuelle. Le seuil ou limite de résolution correspond à des bandes de 1mm de large, vues à 7m de distance Il existe plusieurs canaux de fréquence spatiale, chacun étant constitué des cellules accordées aux mêmes fréquences. La courbe de sensibilité au contraste est considérée comme la courbe enveloppe de l'ensemble de ces canaux.

Sensibilité à la fréquence temporelle exprimée en nombre de cycles par seconde (Hertz ou Hz). Pour la fréquence temporelle il s'agit de cycles de variations de l'intensité lumineuse.
 Pour des niveaux photopiques d'éclairement la fonction de sensibilité présente un optimum à huit Hz

Pour des niveaux scotopiques l'optimum se déplace vers des fréquences plus basse.

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Sensibilité à la fréquence spatio-temporelle exprimée en nombre de cycles par seconde (Hertz ou Hz). Il s'agit , dans ce cas de cycles de variations de configurations spatiales. La sensibilité aux contrastes en mouvement est meilleure pour les fréquences spatiales basses.
Il existe deux systèmes de traitement
- système tonique : particulièrement sensible aux fréquences spatiales moyennes et élevées, pour des fréquences temporelles basses,
- système phasique : surtout sensible ux fréquences spatiales basses, pour des fréquences temporelles élevées.
Sensibilité à la couleur c'est à dire aux longueurs d'ondes.
La couleur que nous attribuons à un objet ne correspond pas aux longueurs d'onde de la source lumineuse mais à celles qui sont réfléchies par l'objet.
Le spectre visible par l'œil humain est approximativement compris entre 440 et 810 nm.

Seul le système photopique permet le codage des longueurs d'ondes. Il existe trois types de cônes, qui se distinguent par la nature du pigment qu'ils contiennent et par la région spectrale à laquelle ils répondent. Leur somme détermine la sensation de luminosité, leur rapport détermine la sensation de couleur et de saturation. C'est l'existence de ces trois types de cônes qui permet de rendre compte du fait que toute couleur puisse être produite à partir de trois primaires.

La synthèse additive correspond à l'addition des effets de plusieurs sources de lumières. Le mélange est toujours plus lumineux que chacune des sources. Pour ce type de synthèse, deux couleurs sont dites complémentaires lorsque leur mélange paraît blanc.

La synthèse soustractive correspond au mélange de pigments. Chaque colorant opère comme un filtre de la lumière incidente. Plus on mélange les colorants, plus les longueurs d'onde absorbées sont nombreuses et moins la couleur obtenue est lumineuse.

Sensibilité au relief ou sens stéréoscopique : en vision binoculaire, la fusion des deux images correspondant à chacun des deux yeux et vues sous un angle légèrement différent assure la perception du relief. (le relief est aussi traité sur la base d'autres dimensions
mais relevant de niveaux supérieurs de traitement).
 Dans ses conditions naturelles, l'acuité stéréoscopique correspond à une disparité angulaire d'environ 12 secondes. 

Lorsque l'œil fixe un objet l'hémirétine nasale gauche reçoit approximativement la même image que l'hémirétine temporale droite. Des fibres nerveuses en provenance de ces hémirétines vont aboutir dans les même zones du cortex visuel où des neurones binoculaires vont coder la disparité rétinienne .

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Le traitement perceptif

À ce niveau, l'œil perçoit une structure où chacun des éléments, plus ou moins isolable, appartient à un ensemble plus large (forme, pattern ou texture). Sur le plan fonctionnel, cela implique la mise en jeu de traitements non plus seulement séquentiels mais également en parallèle et en interaction. S'il y a perception d'une structure formelle complexe présentant une unité, il n'y a pas identification de l'objet : l'apparence du stimulus visuel est ici indépendante des données d'ordre phonologique (nomination) ou sémantique (connaissances préalables concernant l'objet, son usage par exemple). Les expériences montrent que l'analyse d'une image peut se faire à plusieurs niveaux : analyse  grossière permettant de traiter les informations globales, analyse fine permettant d'extraire les informations locales, les détails. Les apports de la psychologie de la forme ou gestaltthéorie  restent fondamentaux lorsqu'il s'agit d'étudier l'organisation perceptive.

« Tout champ perceptif se différencie en un fond et en une forme », ce principe essentiel de la théorie est largement vulgarisé.  On lui associe fréquemment une série d'illusions visuelles (Cf. fig. 4) dont l'étude, si l'on dépasse l'anecdote, présente un double intérêt. Tout d'abord, faire l'expérience subjective que le même stimulus visuel peut aboutir à des perceptions radicalement  différentes rend définitivement caduque un «réalisme ingénu » partagé par tous caduque un "réalisme ingénu " partagé par tous, même par le spécialiste de la perception lorsqu’il est amené, dans la vie quotidienne, à se déplacer et à utiliser les objets qui l’entourent.L'autre intérêt présenté par l'étude des illusions visuelles est de mettre en lumière les lois qui régissent la structuration du champ perceptif :

« - La forme est nettement distincte du fond.
- La forme est close et structurée. C’est à elle que le contour semble appartenir.
- Son émergence dépend des caractères objectifs de structuration (relations géométriques, relations de contraste, etc.).
- Son émergence dépend également de facteurs subjectifs (fixation, attention, etc.).
- Le résultat phénoménal dépend de l’action convergente des facteurs objectifs et des facteurs subjectifs, les premiers pouvant dominer les seconds et réciproquement.
- L’ensemble détermine les caractéristiques phénoménales des parties et réciproquement.
- La forme ou figure résiste mieux au changement que le fond. Le seuil différentiel de luminance de la figure est en effet plus élevé.
- Le fond possède toutes les caractéristiques inverses de la figure: il paraît situé à l’arrière-plan du champ, ne possède pas de contour défini et résiste faiblement au changement.» G. Thinès, 1999


Mais le fait que la théorie de la forme soit désormais convoquée dans tous les travaux concernant la perception visuelle ne doit pas masquer les divergences existant entre l'approche cognitive et l'approche gestaltiste,  tant sur le plan méthodologique que sur celui des postulats de base.

Les cogniticiens, s'appuyant sur la neurophysiologie cérébrale ont recours à la méthode expérimentale et à des protocoles qui  laissent très peu de place à la subjectivité. Le modèle cognitiviste doit beaucoup au modèle computationnel du traitement de l'information, le postulat fondamental étant la modularité : l'esprit est agglomérat de fonctions modulaires et les activités cognitives résultent de la mobilisation de sous-composantes autonomes du traitement de l'information; « la perception des formes et des objets se construit par une série d'opérations mentales portant sur des parties plus petites. Le problème est alors de déterminer quelles sont les composantes utilisées par le système visuel. […] Ces unités qui ne sont pas nécessairement les attributs élémentaires du stimulus, […] sont appelées primitives; »  J.-D. Bagot, 1999, p.177

Les gestaltistes ne se préoccupent pas du cerveau proprement dit, ils privilégient l'expérience directe et la méthode phénoménologique (le sujet, confronté à des stimuli dont les paramètres physiques sont précisément déterminés est invité à décrire ses sensations immédiates en évitant autant que possible l'interprétation ou le raisonnement).  Le modèle avancé pour rendre compte du dépassement de l'information donnée (stimulus émis) repose sur le postulat selon lequel il n'y aurait pas transformation de l'input sensoriel en unité discrètes analysées ensuite par le processus secondaire. Pour la théorie de la forme, en effet, les unités perceptives phénoménales, avec leurs caractéristiques de couleur, taille, forme, présence spatiale, mouvement, expression, sont engendrées, dès les processus primaires (ou processus préattentifs), par autodistribution dynamique des forces de l'input sensoriel. Cf. G. Kanizsa, 1998, p. 77

Ces divergences entre les deux approches ont pour corollaire une interprétation différente des relations entre  voir et  penser.
 
• Le gestaltisme rompt avec les théories philosophiques qui, introduisant une dichotomie et une hiérarchie entre les deux activités, envisagent le produit de la perception comme un matériau brut que la pensée élaborerait.  Pour les théoriciens de la forme, il n'y a pas de matériau brut :  la construction phénoménale implique un dépassement de l'information par le processus primaire, et se réalise à partir de logiques visuelles radicalement différentes de celles qui sous-tendent la pensée. L'existence d'objets que l'on peut percevoir visuellement mais que l'on ne peut penser iraient dans le sens de cette thèse.

• Parallèlement et  depuis plusieurs décennies, nombreuses sont les théories qui soutiennent l'existence d'une communauté de fonctionnement entre voir et penser.  Ainsi pour Piaget l'activité perceptive serait une étape primordiale de la pensée. Arnheim, plus radical, avance que toutes les opérations typiques de la pensée (catégoriser, associer et comparer, inférer et déduire, élaborer des concepts) sont présents dans l'acte de voir. Depuis les années soixante dix, la psychologie cognitive se fonde sur l'idée que la perception est un acte cognitif, résultat d'un traitement subjectif guidé par une programme. Dès les processus primaires les séquences de traitement de l'information correspondraient à des opérations inaccessibles à la conscience, relevant de la même logique que celle qui est en jeu dans les processus secondaires : l'organisation perceptive serait la résultante de classements, d'analyses, de supposition, de prises de décision.