L'ORDINATEUR OUTIL D'INVESTIGATION SCIENTIFIQUE Depuis de nombreuses années, les outils informatisés ont vu leur apparition dans les salles de cours et de travaux pratiques des lycées. Légitimés par la référence aux "pratiques de laboratoire", ces outils sont essentiellement ceux associés à la mesure : acquisition automatique ou semi-automatique de données, représentation graphique sous forme de points dans différents "espaces de représentation", calcul de fonctions permettant de comparer les données expérimentales à un modèle. Pour autant, la transposition des activités scientifiques des laboratoires dans le cadre d'un enseignement général de physique et chimie au niveau secondaire n'est pas évident. Nous expliquons ici les choix que nous avons faits pour mettre en place des activités utilisant des moyens informatisés.
La "science normale", centrée sur la résolution "d'énigmes" (T. Kuhn [1983]), peut être prise en référence pour la définition des activités de l'élève. Ainsi, nous proposons que l'activité "normale" de l'élève soit ce que nous appelons la résolution de "questions de physique", expression qui sous-entend trois caractéristiques fondamentales. En premier lieu, les problèmes proposés aux élèves ne doivent pas viser la découverte de lois fondamentales, mais doivent être des questions dont la solution ne requiert que la mise en uvre de concepts ou lois générales préalablement introduit(e)s : l'enjeu pour l'élève est de montrer que ses connaissances permettent de construire la bonne interprétation de tel ou tel phénomène. En second lieu, les solutions de ces problèmes doivent être a priori accessibles aux élèves : il s'agit de la disponibilité des connaissances de physique mais également de la faisabilité technique. Pour l'élève, le réalisme de la tâche est aussi fonction de sa faisabilité et l'ordinateur doit donc être présenté comme le moyen offert pour pouvoir répondre à la question. Enfin, en référence au concept de conviction, on doit attendre de l'élève qu'il fournisse sa réponse, celle qu'il juge convaincante, avec à l'appui, les éléments convaincants. Le concept de conviction est donc ainsi un élément de dévolution de la prise de décision concernant la validité de ses résultats ; mais il indique aussi que l'évaluation ne portera pas sur la comparaison à une certaine "conformité attendue", mais sur la cohérence interne de la réponse de l'élève.
Le rôle de l'ordinateur se situe non seulement dans la prise de données mais aussi dans leur analyse quantitative ; il faut donc tenir compte des possibilités, réellement nouvelles, d'analyse de ces données et de manipulation de modèles mathématiques. Pour la définition des activités correspondantes nous avons choisi la recherche de modèles à partir de données expérimentales (Cf. Trigeassou, 1988). Cette activité est fondée sur un ensemble de méthodes de recherche de modèles et d'estimation paramétrique et comporte deux démarches de modélisation : la recherche d'un " modèle de comportement " et la recherche d'un " modèle de connaissance ". Par ailleurs, l'extension des activités d'expérimentation sur modèle (simulation) nous invite à ajouter une deuxième démarche appelée expérimentation numérique.
Lune des démarches expérimentales correspond à la "mise en évidence" d'un comportement empirique et à sa description quantitative. Cest lapproche type travaux pratiques sans doute la plus répandue : le système physique ayant été choisi, ainsi que les grandeurs à mesurer, il s'agit d'en étudier le comportement observable, l'objectif étant daboutir à une relation mathématique entre certaines grandeurs ou variables. L'expression " mise en évidence " ne sous-entend aucune simplicité première, mais traduit le fait que la relation doit être découverte, n'étant évidente, pour les élèves, ni dans son existence ni dans sa forme. Le calcul et la représentation de grandeurs sont évidemment les fonctionnalités de base : à partir de mesures, il doit être possible d'obtenir le calcul des valeurs de nouvelles grandeurs et de choisir de porter telle grandeur en abscisse et telle autre en ordonnée ; on doit ainsi pouvoir aboutir à une ou plusieurs représentations pertinentes.
Une autre situation est celle où, une étude expérimentale ayant fourni des données, lobjectif est d'en fournir une interprétation théorique. Il s'agit alors de faire une modélisation du système et du phénomène, cest-à-dire définir un système théorique (grandeurs et paramètres pertinents), faire le bilan des actions extérieures, des conditions initiales, etc. ; puis lapplication des relations fondamentales et dhypothèses spécificatrices permet daboutir à une ou plusieurs relations entre différentes grandeurs. On notera ici la différence avec la situation précédente : non seulement la démarche est, pour partie, dans le sens inverse puisque la représentation graphique est le point de rencontre de résultats issus de lexpérience et de la mesure dun côté, et déduite dune modélisation et de calculs de lautre. Dans quelques cas, la relation finale prend une forme analytique qui peut donc être exploitée pour calculer différentes valeurs, et tracer la courbe théorique et ainsi la comparer aux mesures. Le traceur de courbes est ici loutil requis : il permet d'obtenir, dans les espaces de représentation préalablement choisis, le tracé représentatif d'une fonction mathématique, qui vient alors se superposer aux points expérimentaux. Pour ensuite optimiser le modèle mathématique, il faut ajouter un estimateur numérique ; le plus simple est l'écart quadratique moyen (à la base du calcul de régression linéaire), mais il nest pas pour autant le plus pertinent, sachant que loptimisation doit tenir compte explicitement des incertitudes expérimentales.
Ce qui caractérise en fait cette démarche de modélisation interprétative cest le recours nécessaire à la résolution numérique des équations différentielles : les modèles et les équations générales de la physique conduisent à des équations différentielles que les élèves savent obtenir mais ne peuvent pas pour autant résoudre. L'ordinateur ouvre alors des possibilités intéressantes, puisqu'il donne accès à des " solutions numériques " qui peuvent être superposées graphiquement aux points expérimentaux. Là encore, le fait que le modèle soit "fondamental" permet de le faire fonctionner dans tous les espaces de représentation possibles (la détermination de la position et de la vitesse au cours du temps par simulation numérique permet, pour un oscillateur amorti par exemple, de calculer les énergies cinétique et potentielle et détudier lévolution de lénergie au cours du mouvement).
L'introduction de ces instruments et méthodes impose alors pour l'enseignant d'en connaître le principe (méthodes numériques et traitements statistiques des incertitudes, notamment) et d'intégrer des savoirs et savoir-faire correspondants dans les progressions de première et terminale, notamment.
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INRP - TECNE Unité Informatique et enseignement 11/10/1999 |