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Lecture, écriture, maîtrise du langage


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Apprentissage et enseignement

de la production de textes écrits

Francis TOURIGNY
CRDP de l'Académie de Créteil

 

    A tout moment de sa journée scolaire, l’élève est amené à écrire : recopie du tableau, notes au brouillon, rédaction de textes divers, tableaux à remplir... A tel point que pour beaucoup d’élèves, on ne travaille pas vraiment à l’école, si on ne noircit pas du papier. La tâche scolaire est assimilée pour eux à la production d’écrits. C’est ainsi que les cahiers et classeurs s’alourdissent au fur et à mesure que l’année avance, c’est ainsi également que beaucoup d’écrits se perdent en route, transitent par le fond des cartables avant de finir à la poubelle ou d’être déclarés " perdus ". Juste retour des choses, après avoir fait leur travail d’élève en remplissant leur feuille, avec plus ou moins de conscience professionnelle d’ailleurs, les élèves attendent que les professeurs fassent le leur, c’est-à-dire qu’ils le " corrigent ", avant tout qu’ils le notent (on est payé de son travail !) et éventuellement comme c’est souvent le cas, le couvrent de rouge (de préférence, couleur magistrale oblige) en pointant surtout tout ce qui ne va pas.

            L’Ecole est donc vécue comme le monde des écrits par excellence, le monde où l’on doit lire, le monde où l’on vous oblige à écrire, ce sont les règles du jeu scolaire, en quelque sorte. D’ailleurs, à la décharge des élèves, et il en est sans doute ainsi depuis longtemps, quelles autres pratiques sociales non scolaires les amènent à écrire ? De fait très peu pour la plupart des jeunes, et plus particulièrement peut-être pour les élèves en difficultés, dont le milieu socio-culturel ne les a souvent pas préparés à vivre un rapport au monde qui s’appuie sur les écrits. A contrario, certains d’entre eux, ont une relation très positive aux écrits en général, à titre personnel parfois (journaux intimes...), à titre plus social dans d’autres cas : ils servent parfois d’écrivain public pour gérer dans la famille (élargie éventuellement) tous les documents que la vie sociale impose. Ce qui peut rendre le rapport à la production écrite paradoxal et pas toujours facile à vivre ; d’un côté, ils sont " experts " désignés et reconnus, de l’autre " apprentis " souvent mal notés !

            Deux mondes semblent s’opposer alors, sans communication aucune, le monde scolaire dans lequel le plus souvent, on écrit pour apprendre à écrire, plus que pour résoudre un problème, et le monde social dans lequel on écrit parce que seule une réponse écrite peut apporter une solution au problème à résoudre, qu’il soit personnel, administratif ou de tout autre nature. Peut-être faut-il s’interroger sur la rôle de la production écrite à l’Ecole, sur les objectifs que les enseignants lui assignent, de façon explicite et implicite, et sur la perception que peuvent avoir les élèves de ces objectifs. Si l’on veut que les jeunes en général, et plus particulièrement les élèves en difficulté, se réconcilient avec les écrits et leur production, ce n’est pas seulement pour lutter contre leur échec scolaire persistant et pour qu’ils s’intègrent mieux dans le système scolaire, mais aussi parce l’écriture – pas seulement la production de textes personnels ou narratifs, mais de tous les écrits en général, techniques, scientifiques...– leur permet de penser, de se penser, de penser le monde et par là-même de se construire. Ce qui sous-entend que dans nos sociétés contemporaines, l’écriture est une formidable clé d’intégration sociale (cf. les problèmes actuels d’illettrisme), mais aussi d’une façon ou d’une autre, un instrument de pouvoir, pouvoir que nous ne souhaitons pas réservé à une petite élite.

            Les nombreux écrits qu’un élève, à tous niveaux de classe, est amené à produire (textes, schémas, tableaux, croquis...) ont une fonction dominante bien précise pour l’enseignant, à savoir qu’il s’agit toujours, peu ou prou, d’écrire pour apprendre, au sens large du terme, mais ce lien entre écrire et apprendre n’est pas évident pour tous les élèves. Pourquoi écrit-on beaucoup à l’Ecole ? A cette question, tellement simple et dont la réponse semble immédiate, beaucoup d’enfants en difficultés sont incapables de fournir une réponse. Les raisons qu’ils avancent ne dépassent pas le simple constat de leur situation présente : j’écris parce que je suis à l’Ecole et qu’on me demande d’écrire ! Que ces écrits puissent être " fonctionnels ", c’est-à-dire ici avoir une (ou des) fonction(s) précise(s) : mémorielle parfois, de construction du savoir abordé, de transmission d’informations à un autre, de vérification des savoirs... ne les concerne pas vraiment, puisqu’ils se situent dans une logique de tâche scolaire et non dans une logique d’apprentissage. Ambiguïté fondamentale qui parasite toutes les situations de production d’écrits pour ces jeunes. Cette représentation bloquante qui s’est mise en place très rapidement dans le parcours scolaire de l’élève, dès les petites classes de l’école élémentaire, agit comme un écran entre les démarches pédagogiques et la prise de conscience espérée par l’adulte. Précisons que cela touche bien évidemment toutes les matières scolaires –qui s’appuient toutes sur la production écrite pour mettre en place les apprentissages disciplinaires, même l’EPS ou les Arts plastiques – et d’autre part que nous visons là aussi bien les textes rédigés que l’on peut faire écrire aux élèves en français et auxquels on pense peut-être plus spontanément, que tous les écrits qui leur sont demandés par les disciplines (associés ou non à des schémas, croquis, tableaux ...comme les comptes rendus d’expérience en sciences ou les démonstrations en géométrie par exemple).

            C’est pourquoi nous proposons de situer la réflexion sur l’enseignement /apprentissage de la production de textes dans le cadre plus vaste du rapport aux écrits en général avant d’envisager des démarches pédagogiques précises pour mieux répondre aux difficultés des élèves. La culture de l’Ecole étant essentiellement une culture écrite et le savoir se transmettant et s’évaluant le plus souvent à partir des écrits, ceux-ci occupent une place centrale dans la relation pédagogique. L’évaluation imposée par le système scolaire repose de facto essentiellement sur les productions écrites des élèves, de la petite interrogation routinière en passant par les devoirs donnés à faire à la maison pour le cours suivant, jusqu’à l’examen sommatif de fin de cursus, comme le brevet des collèges.

            Les professeurs ont compris depuis longtemps que c’est dans l’abîme existant entre les pratiques langagières et culturelles des élèves et la culture des écrits, que se situe le noeud de l’échec scolaire, et ce, en situation de réception d’écrits (lecture), comme en situation de production d’écrits (écriture). Les difficultés à produire des textes mériteraient une analyse qui ne sera pas détaillée ici, mais elles se situent à tous les niveaux du processus, de la graphie à l’organisation textuelle, en passant par la syntaxe ou le lexique. Les enseignants du collège constatent, de plus en plus souvent, qu’un nombre assez conséquent d’élèves arrivent en sixième, sans vraiment maîtriser le geste graphique de l’écriture, et il y a sans doute là un axe de travail trop négligé actuellement, et qui est partie prenante de l’apprentissage de la production de textes.

            La réflexion didactique sur l’enseignement/apprentissage de la production écrite – qui a déjà elle-même fait couler beaucoup d’encre, pour une diffusion restreinte ou élargie, émanant de diverses sources (la recherche, le ministère, les corps d’inspection, les enseignants eux-mêmes...)– prend bien sûr une coloration différente selon les degrés d’enseignement (école, collège ou lycée), la discipline (le français ou d’autres matières), la formation du rédacteur (littéraire, scientifique...), son champ de recherches (psychologie cognitive, sciences sociales...) ou selon d’autres paramètres encore. Quelques idées-clés sont pourtant à dégager, idées transversales à tous ces éléments, mais qui demanderaient à être ensuite précisées de façon spécifique en fonction des différentes situations concernées :

            1° La première consiste à insister sur les nécessaires interactions (et imbrications durant l’heure de cours) qui structurent toutes les démarches d’apprentissage en classe : interaction entre les activités orales et les activités écrites qui servent toutes deux à construire des compétences langagières nécessaires à la réussite scolaire. De ce fait, toute tâche scolaire est toujours articulée à la fois sur de l’oral et sur de l’écrit. Mais aussi interaction permanente entre la lecture et l’écriture, l’une l’autre se renforçant et se complétant, avec la mise en place d’activités nécessitant d’écrire pour lire ou de lire pour écrire.

            2° La palette des écrits à produire pour un élève, disons en sixième au début du collège, est très diversifiée, beaucoup plus sans doute qu’à l’école élémentaire, puisque dès l’entrée dans le secondaire, les spécificités disciplinaires, et donc les exigences particulières des différents spécialistes qui constituent l’équipe pédagogique, vont jouer à plein. Précisons au passage que la plupart des écrits demandés sont des écrits non narratifs, à visée informative ou explicative, voire argumentative et que les entraînements menés à l’école élémentaire ne les y ont pas toujours préparés. Au collège, on écrit plus qu’à l’école, on écrit pour des professeurs différents, et le plus souvent des écrits (textes ou non) très normés dont les critères ne sont pas toujours explicites, et sans qu’il y ait le plus souvent de passerelle entre les disciplines, la question du transfert des éventuelles compétences acquises d’une matière dans une autre étant laissée dans l’ombre. Pour prendre un exemple dans une discipline, le français en l’occurrence, on pourrait tenter un essai de recensement.

            – Les écrits transitoires qui servent d’appui à l’apprentissage et dont l’élève est à la fois l’auteur et le destinataire (pour un usage immédiat ou différé dans le temps) :

            – réponses écrites aux demandes de l’enseignant au quotidien de la classe (sous forme de mots, de groupes de mots ou de phrases, c’est-à-dire d’écrits très fragmentés), généralement non retravaillées et qui ne sont pas conservées ;

            – textes recopiés sur le cahier ou le classeur à la fin d’un travail spécifique et qui traduisent l’état des savoirs à un moment de la progression (sur tel fait de langue ou encore sur tel personnage du livre lu) cf les divers résumés ou fiches donnés par l’adulte ou élaborés collectivement ;

            – divers écrits à destination réelle des pairs ou d’autres destinataires (affiches pour une exposition, dossiers pour d’autres classes...).

            – Mais aussi, tous les écrits demandés par l’adulte, et qui lui servent à évaluer le travail de l’élève et à mesurer les progrès effectués dans les apprentissages ; ces écrits sont, selon les cas, retravaillés ou non, mais le plus souvent notés par un système ou un autre.

            On ne détaillera pas davantage l’analyse, mais on comprend que pour les élèves, tous ces écrits aient pour seule caractéristique commune d’être une exigence scolaire forte. Certains jeunes n’ont en fait aucune réelle conscience de leur fonction (fonction mémorielle, fonction évaluative...). On se doit les aider dans ce domaine essentiel de la prise de conscience, peut-être tout simplement en leur posant systématiquement cette question, apparemment anodine, mais en fait fondamentale : " Que vas-tu faire de cet écrit ? Pourquoi ? " A ce moment, tous les problèmes se posent, pour l’enseignant comme pour l’élève, si l’on veut que le discours magistral soit à la fois cohérent et argumenté sur les exigences à l’égard des jeunes : ce qu’on écrit sur des feuilles volantes (ou sur un bloc-notes), ce que l’on écrit sur le cahier (ou sur le classeur), ce que l’on utilise dans l’instant et que l’on jette ensuite, ce que l’on garde un peu (jusqu’à la fin du travail en cours (un ou deux jours, une semaine...), ce que l’on va garder définitivement, du moins pour l’année en cours (ou pourquoi pas d’une année sur l’autre, en classe ou ailleurs). En fait, l’élève, en Sixième comme en Troisième doit être amené à se poser systématiquement les mêmes questions qu’un documentaliste : je garde (ou non), je classe (où?), j’indexe (comment?). Peut-être d’ailleurs est-il possible d’inviter le documentaliste à venir en parler en classe, pour avoir avec eux un dialogue intéressant entre un professionnel de la documentation et des jeunes qui ne comprennent pas les raisons de nos attentes dans ce domaine et les prennent pour des lubies gratuites ou des manifestations d’autoritarisme.

            Pour la gestion des tous ces écrits scolaires, il conviendrait sans aucun doute d’harmoniser les exigences des membres de l’équipe pédagogique et de les expliciter réellement aux élèves. Pour cela, ce n’est pas une séance de " méthodologie " qui peut être efficace, c’est l’attention journalière de tous les enseignants, avec des moments spécifiques de réflexion à ce sujet –qui pourraient être pris en charge par l’enseignant de français. D’ailleurs, tous les collégiens éprouvent plus ou moins les mêmes difficultés, qu’il s’agisse des écrits quotidiens ou des écrits plus exceptionnels, qu’il faut absolument mettre en relation pour bâtir en profondeur des compétences d’utilisation des écrits.

            3°  La troisième idée-force est du domaine de l’évidence, mais pourtant, elle n’est pas toujours appliquée par les professeurs de toutes les disciplines : c’est en écrivant qu’on apprend à écrire, en écrivant chaque jour des écrits diversifiés dans des situations d’écriture variées. Ce, non seulement pour faire évoluer le rapport à l’écriture des élèves évoqué plus haut, mais encore pour leur permettre de mettre en place, progressivement et dans la durée, les compétences d’écriture multiples et complexes qu’exige la production des écrits scolaires. Le paradoxe de la situation saute aux yeux : plus les élèves sont en situation de difficulté pour produire des écrits, moins on les fait écrire, plus on leur fournit les écrits aboutis sans les faire passer par toutes les étapes de leur élaboration (cf. les résumés abstraits et denses qu’ils recopient ou les théorèmes scientifiques qu’ils ont peut-être mémorisés par coeur, mais sans rien y comprendre vraiment), et plus on a tendance à penser que la transmission orale des connaissances sera efficace avec eux.

            La conséquence immédiate de ces affirmations est que cela prend du temps en classe, et qu’il faut savoir en " perdre ", s’il l’on veut que les élèves apprennent vraiment à écrire ! Qu’ils rédigent leurs écrits en classe autant qu’à la maison, et que cela fait partie de la gestion normale du temps scolaire, l’alibi du programme à boucler ne tenant pas au regard des apprentissages des élèves concernant la production écrite. Mais bien sûr, les élèves ne sont pas seuls dans ce travail d’écriture en classe, l’adulte est là, les autres élèves aussi (possibilité de faire circuler et critiquer les écrits produits), des outils d’aide existent (tous les écrits de référence disponibles, sans compter les dictionnaires et autres grammaires, les notes de cours qui pourraient utilement servir alors...).

            4°  La quatrième idée-force invite à donner leur véritable place à toutes les pratiques d’amélioration des écrits, à leur nécessaire reprise avec des aides à la réécriture et sur des objectifs précis et réalisables pour l’élève ; même si tous les textes des élèves, aux différentes étapes de leur(s) réécriture(s), n’ont pas nécessairement à être corrigés et annotés dans leur intégralité par le professeur, puisqu’ils ne sont en réalité que des " écrits intermédiaires " entre le premier jet d’écriture et la version finale considérée comme la plus aboutie possible, à ce moment-là du travail pédagogique. Bien sûr, l’enseignant en prend connaissance en détail pour orienter l’élève dans ses améliorations, mais sans nécessairement procéder à une correction complète au sens habituel du terme. Dans cette optique, il faut aider les enfants à prendre conscience que l’écrit est fait pour être lu par un destinataire (soi-même ou quelqu’un d’autre) et donc réellement utilisé ensuite en situation de lecture avec une finalité véritable (il sert à quelque chose : informer, faire agir...). En un mot que l’écrit pour être efficace doit être nécessairement repris et retravaillé.

            Le rôle du traitement de texte peut être ici tout à fait intéressant, non seulement parce qu’il met à distance l’écrit de l’élève et lui permet ainsi d’avoir un autre rapport à son texte, mais aussi parce qu’il allège considérablement les tâches de réécriture en réalisant très rapidement des modifications visibles (suppressions, ajouts, déplacements, remplacements...) et permet à l’enseignant, en situation, d’intervenir sur " la maîtrise de la langue ".

            Ce qui suppose bien entendu tout un travail sur les représentations de l’écriture et de l’acte d’écrire lui-même qu’ont les élèves. On peut faire parler (et écrire ! ) les élèves sur ce qu’ils pensent de l’écriture en leur posant des questions très simples qu’on n’aura pas besoin de gloser, ou en leur faisant des propositions à compléter : " Pour moi, écrire, c’est... ; j’aime ou je n’aime pas écrire parce que... ; pour moi, l’écriture, c’est ... ".

            De ce fait, on est amené à réenvisager la place et le statut des différentes productions des élèves dans la chaîne de construction des savoirs, entre les écrits individuels nécessaires à un moment du travail (notes diverses, listes, tableaux, formulations provisoires et non satisfaisantes...) et les écrits collectifs plus formalisés, que l’on trouve le plus souvent à la fin du parcours pédagogique. Sans oublier que les exigences en début de 6e ne seront pas les mêmes qu’en fin de collège, ce qui va de soi, mais que l’on ne peut pas aider des élèves en difficulté avec l’écriture en ne leur demandant que des fragments d’écrits (par ailleurs très défectueux) à qui on ne donne jamais le statut de texte, fût-il très court. Pour le dire autrement, c’est en termes discursifs qu’il faut poser la question et aborder le problème de la production d’écrits dans une perspective de globalité et de complexité : on n’apprend pas à écrire un texte en apprenant d’abord à écrire des phrases, puis un paragraphe, puis un ensemble de paragraphes..., mais bien en se confrontant à l’objet écrit final à produire.

            5° Autre élément-clé, le regard que les enseignants vont porter sur les écrits des élèves, en d’autres termes la manière dont ils vont analyser les difficultés des jeunes à écrire. En effet, l’évaluation des productions écrites des élèves reste encore très problématique, à l’école comme au collège, en français comme dans d’autres disciplines. Sans vouloir entrer dans le détail des différentes pratiques, ni proposer ici une démarche exemplaire, on posera quelques objectifs qui pourraient être communs à toute l’équipe pédagogique :

            – essayer de se situer en lecteur des écrits des élèves plutôt qu’en correcteur, ce qui bien sûr est très difficile à pratiquer, car il s’agit ici de changer de regard et de voir, sous les multiples incorrections de surface en matière d’orthographe, de vocabulaire, de syntaxe..., ce sur quoi on pourrait s’appuyer (malgré tout) pour aider l’élève à améliorer son écrit. L’objectif du professeur étant d’abord dans un premier temps, avant tout jugement positif ou négatif, de prendre des informations pour agir de façon plus efficace auprès de la classe et auprès de chaque élève.

            – être très au clair sur les critères spécifiques de réussite attendus de tel ou tel écrit demandé. Ce qui signifie que le professeur pour enseigner la production écrite doit avoir sur l’écrit en général, et sur le genre spécifique en particulier, des connaissances très précises qui vont au-delà du strict respect des normes linguistiques. En règle générale, on constate un déficit de formation dans ce domaine, en formation initiale comme en formation continuée : on ne prépare pas véritablement les enseignants à analyser les productions écrites de leurs futurs élèves, si bien qu’ils sont très désarmés pour mettre en place des aides efficaces à l’écriture et à la réécriture. Les avancées didactiques dans ce domaine variant selon les disciplines, dont certaines (mathématiques, biologie...) ont pris en compte ce problème depuis beaucoup plus longtemps que d’autres.

            – passer d’une évaluation globale, à posteriori, aux critères souvent flous et implicites, très centrée sur le respect des normes linguistiques, à une évaluation qui joue un rôle central, à la fois avant et pendant l’écriture et qui permette au professeur et à l’élève de trier le niveau des problèmes à résoudre. Pour donner un exemple en sciences, on pourra toujours s’évertuer à demander à l’élève de corriger l’orthographe de son compte rendu d’expérience et la syntaxe de ses phrases, cela ne lui sera pas d’un grand secours tant qu’il n’aura pas en tête l’image très précise de ce qu’est ce genre d’écrit particulier, en quoi il diffère d’un compte rendu de visite ou d’un compte rendu de lecture, et quel est le système d’énonciation pertinent dans ce cas. Le grave problème qui ne facilite pas la vie de l’élève, est que non seulement, chaque professeur n’explicite pas toujours assez ces critères de réussite, mais encore que, selon les disciplines ou pour une même discipline d’une année sur l’autre, des pratiques d’évaluation différentes, voire antagonistes subsistent.

            Les paramètres locaux peuvent varier, les disciplines d’enseignement être différentes, les choix pédagogiques des professeurs ne pas se recouper totalement, la réflexion didactique privilégie quelques points sur lesquels nous avons insisté et qu’il convient à chacun de mettre en musique, sans oublier que la construction de compétences d’écriture chez les jeunes est une affaire de longue haleine, qui se joue au quotidien de la classe, qu’elle concerne tous les enseignants du système et que les objectifs visés à long terme dépassent le cadre de la réussite scolaire, si l’on veut que tous les élèves trouvent leur place dans la société, place qu’ils ne pourront obtenir que s’ils sont des utilisateurs efficaces des écrits.

            Indications bibliographiques

BUCHETON D., Conduites d’écriture au collège et au lycée professionnel, CRDP de Versailles, 1997
– FABRE C., Les brouillons d’écoliers ou l’entrée dans l’écriture, CEDITEL, 1990
– GOFFARD S., Entrer dans l’écrit : les genres du discours, CRDP de Créteil, 1997
– LAVIGNE C., Ecrire un roman : du brouillon à la production de textes, Retz, 1993
– MEN Direction des lycées et collèges, La maîtrise de la langue au collège, CNDP, 1997
– Le Français aujourd’hui n°108 Ecrire au brouillon, 1994