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Lecture, écriture, maîtrise du langage |
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Quelles
priorités pour l'école maternelle
en ZEP ?
Les relations famille-école
Anne-Marie CHARTIER
Service histoire de l'Education
Institut National de Recherche Pédagogique
Louisette GUIBERT
Inspectrice de l'Education Nationale
IUFM de Nantes
L'acquisition de la langue orale
L'acquisition de la
langue orale
Apprend-on vraiment à parler à l'école maternelle ? Selon le point de vue adopté, on pourra tantôt répondre oui, tantôt répondre non. C'est parce qu'ils répondent "oui, incontestablement", que beaucoup de pédagogues et de responsables de l'éducation nationale prônent une scolarisation précoce, d'autant plus qu'on a affaire à des enfants de milieu populaire ou d'origine étrangère. Pour ceux dont les parents ne sont pas francophones d'origine, l'acquisition de la langue française avant trois ans constitue indéniablement un avantage important, aussi bien au plan relationnel que social et scolaire. Quand ils continuent de parler à la maison une autre langue, ces enfants deviennent de vrais bilingues. Pour tous, les échanges en milieu scolaire avec des adultes et d'autres enfants, autour de tâches individuelles ou collectives ritualisées, structurées, dans des situations de dialogues et d'écoute attentive, ont des effets stimulants qui ne se retrouvent pas forcément à la maison. Des enquêtes convergentes ont bien établi les effets positifs de ces apprentissages.
Pourtant, diront d'autres, ces situations n'apprennent pas à "parler". Les enfants qui arrivent à l'école, même les plus jeunes, sont déjà des êtres parlants, quelle que soit leur langue d'origine et leur niveau de compétence dans celle-ci. Ils ne cessent de progresser à leur rythme dans leur capacité à comprendre et se faire comprendre. Leurs progrès semblent parfois presque indépendants des efforts des maîtres, les effets à terme des situations d'apprentissage restent généralement impalpables, variables de l'un à l'autre et très difficiles à évaluer. Les maîtres constatent empiriquement des écarts, qu'ils voient parfois se creuser au fil du temps, mais ne savent comment prévenir un tel état de fait ou y remédier. Ils sentent bien qu'il est impossible de programmer un apprentissage scolaire du langage oral comme on ferait une progression en grammaire ou en géométrie.
Les savoirs récemment constitués sur la question ne peuvent guère les aider. Aujourd'hui, nombre de recherches sur l'entrée dans le langage oral s'intéressent à décrire l'ordre régulier des acquisitions pour une langue donnée (ce qui permet d'intéressantes comparaisons interlangues), bien plus qu'aux écarts imputables à l'environnement et aux interactions. De plus, la plupart des chercheurs sont anglophones et dans le cas des recherches interlangues, on n'a pas (ou très peu) de données sur ce que produit l'acquisition d'un bilinguisme précoce quand les langues considérées appartiennent, comme c'est souvent la cas dans les ZEP, à des aires linguistiques très différentes (turc/français ou thai/français et non portugais/français) ou quand une langue est seulement de tradition orale pour ceux qui la pratiquent (c'est le cas de nombreuses langues d'Afrique noire).
Comment les enseignants de ZEP peuvent-ils se déterminer en face de ces deux positions antagonistes ? Deux points paraissent important à rappeler s'agissant des missions de l'école. D'abord, celle-ci doit institutionnellement, c'est-à-dire de façon programmée et systématique, apprendre à lire et écrire à toutes les classes d'âge. Cette double caractéristique (entrer dans l'écrit, dans un cadre formel) a des effets en retour sur la pédagogie de l'oral. Pour faire entrer les enfants dans la culture écrite, il faut les introduire dans des contenus d'échanges, d'expression et de pensée qui ont été modelés par des savoirs d'écriture scolarisés. Ce point est d'autant plus important à rappeler qu'une des caractéristiques des familles, dans les ZEP, est justement leur manque de familiarité avec la culture écrite, qu'elle soit scolaire ou sociale. A l'école, même si une part importante des activités de communication et d'expression est destinée à rester dans l'oral, toute la pédagogie maternelle des acquisitions langagières est marquée, de façon implicite ou explicite, par cette orientation.
Ensuite, du fait qu'ils travaillent dans un cadre institutionnel, les enseignants, par statut pourrait-on dire, ne peuvent pas ne pas croire à l'efficacité des interactions langagières "artificielles", c'est-à-dire systématiquement mises en place. Sans ce postulat, aucune intervention pédagogique ne serait imaginable. Certes, l'école ne pense plus qu'elle pourrait aisément combler les écarts de réussite entre enfants par une politique de scolarisation précoce et des exercices de remédiation ou de prévention appropriés ; mais elle ne peut pour autant entériner les inégalités existantes. Elle ne peut davantage avoir l'illusion que le cadre de la classe pourrait devenir propice à des échanges dialogués, aussi spontanés et plus intensifs et efficaces qu'en famille. C'est en effet dans des situations informelles, "naturelles", qui se déroulent au fil des activités ordinaires de la journée et en particulier dans les moments de relations "rapprochées" entre l'enfant et l'adulte (repas, toilette, jeux, câlins, coucher) que les linguistes situent les interactions langagières les plus fructueuses. Ayant en charge de grands groupes avec lesquels la densité, le rythme, les contenus des échanges sont nécessairement limités par le nombre, l'école se doit de jouer à plein son rôle, limité certes, mais réel.
De là, les deux chantiers de réflexion qui ont été ouverts dans les ZEP, le premier sur la scolarisation des enfants de moins de trois ans, conçue comme un enjeu langagier important, le second sur les choix prioritaires à faire en matière de travail de la langue orale (surtout pour les plus grands), dans la perspective des liaisons avec l'école élémentaire. Lorsque la variété des activités possibles est indéfinie et que les enfants paraissent très loin de pouvoir répondre aux exigences de l'institution, il est d'autant plus nécessaire de cibler les interventions et de ne pas se tromper sur les choix prioritaires.
S'agissant de la scolarisation précoce, on ne peut se contenter de la recommander, au vu des avantages certifiés par les statistiques, sans s'interroger sur les obligations qu'elle crée par rapport à une population si jeune. En effet, certains psychologues insistent sur le fait qu'avant trois ans les enfants réclament un tutorat presque permanent, sont peu capables de se prendre en charge, de "s'auto-materner" comme le disait Françoise Dolto, c'est-à-dire de s'absorber dans des activités durables, d'attendre la venue de l'adulte, de patienter, de s'insérer dans des activités collectives et de formuler leurs demandes et leurs besoins. Si les tout-petits peuvent attendre de l'école des profits intellectuels, cognitifs, langagiers, ceux-ci ne doivent pas se payer de contraintes relationnelles ou de frustrations affectives trop élevées, qui risqueraient de produire des effets inverses aux effets souhaités. Certes, beaucoup d'enfants font l'expérience de la vie en collectivité dès leur naissance (crèches), mais l'immersion dans un groupe aussi grand qu'une classe reste une expérience redoutable.
Ces dernières années, deux modalités de prise en charge se sont développées pour les enfants de "toute petite section". La première, la plus fréquente, est de constituer des classes spécifiques pour les accueillir, en séparant les 2-3 ans des 3-4 ans. Les institutrices qui en ont la charge insistent sur l'importance du nombre réduit (pas plus de 20 élèves), de façon à ménager aisément des temps d'interaction duelle adulte-enfants et à respecter les rythmes de chacun. Cela suppose aussi une collaboration étroite entre adultes (enseignant, ATSEM, aide-éducateur, le cas échéant, enseignante du regroupement d'adaptation) et un renforcement des liens avec les familles, de façon à bien préparer avec celles-ci la rentrée (échelonnée au cours de l'année) et la vie à l'école. Dans certaines municipalités, on expérimente des scolarisations à mi-temps pour les tout-petits afin d'éviter les problèmes lourds de restauration et sieste collectives. En subventionnant la prise en charge de l'autre demi-journée par des nourrices agréées quand les mères travaillent, on a pu ainsi créer une demande accrue de scolarisation précoce, cette première initiation à la vie scolaire pouvant se dérouler dans des classes à faibles effectifs.
Cependant, d'autres enseignants sont favorables à des classes "multi-âge", mêlant des enfants de petite et moyenne, voire grande section. C'est parfois à la suite d'une expérience réussie en maternelle rurale qu'ils ont été convaincus du bien-fondé de cette solution qui permet de dédramatiser les rentrées, les "grands" accueillant les nouveaux et étant chargés d'un tutorat actif auprès d'eux. De cette façon, les règles de vie s'apprennent très vite, dans la classe comme dans l'école (le tutorat pacifie considérablement les récréations), l'autonomie des plus jeunes est acquise par imitation des comportements des plus grands et surtout, les progrès langagiers sont considérablement favorisés du fait que les situations de dialogues entre enfants permettent des "échanges inégaux". On sait que dans les situations de fratrie, les petits apprennent d'autant plus vite à parler qu'ils ont des partenaires d'un meilleur niveau de langage qu'eux, avec qui ils peuvent interagir spontanément. C'est ce qui se passe spontanément dans ces classes multi-niveaux. Le fait que les petits fassent la sieste ou restent chez eux l'après-midi, permet de travailler alors plus intensivement avec un petit nombre de grands sur des activités spécifiques. Il serait intéressant de comprendre à quelles conditions une situation vécue généralement comme un handicap par ceux à qui elle s'impose sans qu'ils l'aient choisie (en maternelle rurale, par exemple) peut ainsi être transformée en une situation privilégiée. On sait que la tendance ordinaire, dans l'école, a toujours été de subdiviser les groupes d'enfants en classes "aussi homogènes que possibles" (CE et CM, divisés en CE1 et CE2 séparés ou CM1 et CM2 séparés), de façon à favoriser et simplifier un enseignement frontal collectif. Inversement, les inventions des pédagogies nouvelles, les travaux en petits groupes, les pédagogies différenciées, les orientations sur les projets de cycle ou d'enseignement individualisé se sont toujours appuyés sur des essais pédagogiques remettant en cause l'idée que l'unité d'âge serait le meilleur critère d'organisation de la classe. Concernant la pédagogie du langage destiné aux enfants de moins de trois ans, ces initiatives encore minoritaires mériteraient d'être prises en compte et rigoureusement évaluées.
Un deuxième axe de réflexion concerne les activités langagières à privilégier dans le cadre des ZEP. Aux "leçons de langage" des années 1950, principalement centrées sur l'acquisition du vocabulaire et des structures de phrases correctes (et donc sur la langue écrite), a fait suite une période soucieuse de favoriser l'expression orale spontanée (qui avait le défaut de privilégier surtout les bons parleurs), puis de mettre en place des situations de communication "authentique", permettant la participation d'un maximum de participants. Les orientations actuelles conduisent à distinguer deux types de situations. Il y a celles où les échanges accompagnent les activités diverses (consignes, commentaires en cours d'action, jeux des demandes et réponses), qu'elles soient motrices, ludiques, plastiques ou autres. C'est quand le langage accompagne naturellement ce qu'on fait, qu'on continue "naturellement" d'apprendre à parler. En revanche, dans d'autres situations, c'est l'échange langagier lui-même qui constitue l'activité : écouter une histoire racontée ou devoir la redire soi-même, rendre compte d'une activité achevée ou répondre aux questions des interlocuteurs sur une réalisation ou un événement, discuter des modalités d'un travail projeté, argumenter pour défendre une opinion, toutes ces situations ont en commun de faire produire du langage hors d'un contexte d'action, sans avoir, pour soutenir sa parole, le point d'appui des gestes et des choses. Or, ce sont ces situations hors contexte d'action qui présentent de véritables difficultés pour les enfants des familles populaires. C'est pourquoi la mise en place régulière d'échanges de ce type est une priorité dans les ZEP. Cela signifie que l'enseignant qui raconte ou lit des histoires doit parfois résister à la tentation du "toujours nouveau". En relisant régulièrement les histoires préférées des enfants, il permet leur mise en mémoire et pourra ultérieurement exiger qu'elles soient restituées, collectivement ou individuellement, avec ou sans son aide. Pour raconter une histoire, un enfant doit avoir fait sien un texte complexe, dans sa structure, sa syntaxe, son lexique et être capable de maîtriser une situation de quasi monologue qui s'apparente fortement à une situation de production écrite.
Ainsi, le travail en ZEP permet de bien mettre en lumière deux dimensions de la pédagogie du langage. La première consiste à mettre en place des activités qui suscitent des échanges spontanés, entre enfants (coins-jeux, ateliers) et avec l'enseignant. Celui-ci ne doit pas perdre de vue la finalité propre de l'activité (c'est elle qui est prioritaire), ni l'importance des échanges qu'elle occasionne du point de vue des apprentissages langagiers (désigner les objets, ponctuer les actions, alterner questions et réponses, etc.). C'est l'axe de travail qui s'impose dès la petite section. La seconde, qui devient d'autant plus importante que l'on monte de classe en classe, consiste à programmer des échanges disjoints du contexte présent de l'action, de façon à permettre des prises de parole qui évoquent des situations absentes, avec tout ce que cela suppose d'explicitation des référents. Dans ces évocations (de situations réelles, passées ou à venir, ou de situations imaginaires comme dans les récits de fiction), les enfants découvrent certaines spécificités de la langue écrite et apprennent peu à peu à les maîtriser, ce qui ne peut que faciliter leur entrée ultérieure dans les apprentissages de la "grande école".
Quand on parle d'initiation à la culture écrite en maternelle, on pense immédiatement aux premiers apprentissages graphiques ou aux activités qu'une tradition pédagogique déjà longue réunit sous le terme (flou) de "pré-lecture". De fait, à la suite de multiples enquêtes sur les difficultés scolaires spécifiques des enfants de milieu populaire, l'attention s'est focalisée autant sur les contenus et les pratiques sociales de la culture écrite que sur les codes de l'écriture.
C'est ainsi que les écoles se sont souvent équipées de BCD et que des coins lecture ont fait leur apparition même dans les petites sections. Les enfants apprennent ainsi à manipuler des imagiers ou des albums, à interpréter les images, à tourner les pages dans le bon sens, à reconnaître des histoires déjà racontées. La réception régulière de textes écrits fait partie des rituels importants pour installer des familiarités que les familles ne mettent pas toujours en place. Les enfants éprouvent un grand plaisir à entendre des histoires lues et relues. Beaucoup découvrent à cette occasion que, confrontés à un même album, des adultes différents lisent exactement le même texte, au mot près (ce qui n'est pas le cas dans les histoires racontées). Ce type d'expérience fait ainsi découvrir le caractère stable et partagé du texte écrit, dont les adultes-lecteurs ne sont pas les auteurs mais seulement les médiateurs. Lorsqu'ils manipulent à leur tour de façon libre les livres déjà connus, on les voit ainsi s'essayer à retrouver des intonations et des formules des textes qu'ils connaissent déjà, manifestant qu'ils ont bien saisi certaines particularités d'un langage en rupture avec les échanges oraux.
De la même façon, les nombreuses comptines, chansons et poésies, apprises et récitées par coeur et affichées dans la classe, leur permettent de constater que n'importe quel lecteur extérieur peut en oraliser le texte sans erreur. C'est souvent à partir de ces répertoires écrits de textes, parfaitement connus oralement, que les enfants commencent à effectuer des mises en relations entre ce qu'ils récitent et ce qu'ils voient. Beaucoup découvrent à cette occasion que les énoncés continus de l'oral sont séparés sur la page en unités-mots discontinues. Ils cherchent à partir de là comment repérer certains mots, s'interrogent sur leurs longueurs inégales, leurs caractéristiques particulières, reconnaissent des lettres ou des formes graphiques, repèrent des éléments de la mise en page, les majuscules ou l'existence de signes de ponctuation, bref, en arrivent de façon "spontanée" à l'hypothèse alphabétique. Ces activités sont donc exactement complémentaires des activités de lecture qui visent à découvrir, avec l'aide de l'enseignant, le sens d'un texte inconnu en s'appuyant sur de multiples indices graphiques et sémantiques. Elles permettent de recueillir de très nombreuses remarques qui renseignent utilement les enseignants sur les représentations que les enfants se font de l'écrit et du code de l'écriture. Alors même que les savoirs des uns et des autres (connaissance des lettres, reconnaissance de certains mots, compétences grapho-motrices, etc.) peuvent être proches, la façon d'analyser ou d'interpréter l'écriture d'un texte (dont le message est connu littéralement) peut beaucoup varier d'un enfant à l'autre et ainsi montrer à quelle étape d'apprentissage chacun se trouve.
Enfin, ce matériel "poétique" est l'occasion de jeux de langage (travail sur les rythmes réguliers dont on peut scander les syllabes, recherche des rimes, écoute des sons qui se répètent, etc.). Cette approche ludique constitue aussi une autre façon de se situer par rapport au langage, en privilégiant non le message urgent qu'il transmet, mais ses caractéristiques "formelles". Or, on sait que l'entrée dans une écriture alphabétique ne peut se faire si les enfants ne sont pas capables de percevoir de façon fine ces caractéristiques formelles, qui sont pourtant dénuées de sens. Constater que deux mots commencent par le son /i/ n'apporte rien du point de vue de la compréhension mais prépare efficacement la découverte des relations grapho-phonétiques, nécessaire pour acquérir la maîtrise du code écrit.
Les mêmes constats peuvent se faire à partir des activités de "production d'écrit". Depuis quelques années, certains enseignants se sont risqués à mettre en place des "ateliers d'écriture inventée" dans les classes de ZEP. Il peut sembler paradoxal de demander à des enfants de s'essayer à "produire des textes", au moment où ils commencent à peine à savoir reproduire des formes et copier des mots. Mais attend-on que les enfants aient "appris" à dessiner pour leur demander de le faire ? En fait, de la même façon que le enfants se familiarisent avec l'usage des livres avant même de savoir lire, ils apprennent dans leurs premiers essais d'écriture que les écrits sont le moyen d'une communication différée, qu'ils sont destinés à transmettre des messages dont la signification est stable et que l'écriture est un code complexe dont les caractéristiques leur apparaissent progressivement. Lorsque les enfants se sont essayés à écrire et qu'on leur demande de "lire" leurs productions, on les aide à prendre conscience du caractère à la fois symbolique et graphique de l'écriture. Certains se soucient rapidement d'établir des "correspondances" entre la trace sur le papier et l'énoncé produit (par exemple, faire correspondre un énoncé oral bref à un "écrit" bref, insérer dans leur message des regroupements figurant de mots, se servir des lettres connues, utiliser la valeur sonore des lettres qu'ils ont choisies, etc). Chaque enseignant peut rapidement se faire ainsi une idée des représentations et des savoirs que les enfants réinvestissent dans cette activité.
Parallèlement, on peut demander aux enfants de dicter le message qu'ils souhaitent écrire et le graphier sous leurs yeux, ce qui leur permet de voir un écrit en cours de production. Selon les cas, ils proposent des énoncés qui sont ou non "scriptibles". L'adulte qui écrit sous dictée incite et aide l'enfant à changer de registre de langage, c'est-à-dire à énoncer un texte réellement susceptible d'être rédigé, formulé dans une syntaxe qui abandonne progressivement les tournures de l'oral pour adopter celles de l'écrit (faire des phrases complètes et "correctes"). Quand l'enfant observe l'adulte en train d'écrire sous dictée, il prend conscience des contraintes de l'écriture (lenteur par rapport au rythme de la parole, segmentations, orthographe). Dans ces activités où l'enfant n'apprend pas à "écrire" au sens courant du terme, s'effectuent ainsi des apprentissages qui vont donner sens et efficacité aux exercices, méthodiques et progressifs à travers lesquels on leur fait découvrir le code grapho-phonétique.
Parce que les enfants de milieu populaire ont plus souvent que les autres des difficultés au moment de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, on a parfois pensé qu'il était nécessaire de mettre en place de façon systématique et précoce des exercices d'apprentissage du code graphique. On pense aujourd'hui qu'en deçà de ces apprentissages, certes nécessaires, il y a bien des aspects de l'écriture avec lesquels les enfants doivent être familiarisés, lorsqu'ils ne sont pas dans des familles où ces initiations sont conduites à la maison au fil des échanges quotidiens. Les initiatives prises dans cette direction ici et là permettent-elles d'expliquer une partie des écarts de performance entre classes de ZEP en cours préparatoire et après ? Il vaudrait la peine d'y regarder de plus près, afin d'aider les enseignants à mieux cibler leurs interventions en fonction de leurs publics.