Qu'est-ce-que l'enquête Guizot ?

Introduction :

1) L'Etat organise la collecte des données

2) L'enquête de 1833: son déroulement

3) Contenu de l'enquête

Crédits

 

 

 

 

 

 

 

 

    Après le vote de la loi de Juin 1833 qui organise pour la première fois l'enseignement primaire Français, Guizot, ministre de l'Instruction publique lance une vaste enquête pour connaître l'état de cet enseignement. A l'automne 1833, environ cinq cents inspecteurs visitent toutes les écoles primaires de garçons et les écoles mixtes, dans tous les départements, sauf la Corse. Cette enquête est, en France, sans précédent par son ampleur, sa précision et sa fiabilité (même si les données ont disparu pour l'Allier, l'Ille-et-Vilaine et le Nord). Elle couvre les aspects administratifs, financiers, matériels et pédagogiques des écoles visitées et donne des renseignements sur chaque instituteur. L'actuelle base de données mise en ligne concerne onze départements correspondant à trois académies de l'époque, celle de Bourges, Nîmes et Rennes. Elle sera enrichie au fur et à mesure des dépouillements.

 

 

     Le 28 juin 1833 est promulguée la première loi organisant l'enseignement primaire en France. Jusqu'alors, l'Etat n'était que peu intervenu dans ce domaine qui ressortait de l'initiative municipale, religieuse, ou privée. Si l'Empire a réorganisé l'enseignement secondaire et supérieur, il s'est borné à imposer une autorisation aux instituteurs (mesure d'ailleurs restée quasiment lettre morte) et à accorder quelques subventions aux Frères des écoles chrétiennes lors de leur réinstallation.

     Sous la Restauration, l'ordonnance du 29 février 1816, requiert une certification écrite des compétences (brevet) et de la moralité (autorisation). L'effet de cette mesure est limité, beaucoup d'instituteurs restant dépourvus de ces titres. Est aussi prévu un budget de 50 000 francs pour des mesures incitatives (aides aux écoles modèles, achats de livres, récompenses aux instituteurs).L'essentiel des efforts se fait en dehors de l'Etat, d'une part par des ordres enseignants à destination du peuple( les Frères), d'autre part par la Société pour l'instruction élémentaire qui ouvre des écoles mutuelles. Ces établissements, inspirés du modèle anglais, conçus pour un public très nombreux, toujours implantés dans les villes sont souvent éphémères. L'alphabétisation progresse lentement dans une France encore massivement rurale.

     Les premières évaluations quantifiées comme la carte de Dupin, montrent l'inégalité entre une France du nord (en particulier les départements du nord-est déjà bien alphabétisés) et une France de l'ouest et du sud où, à quelques exceptions près, l'ignorance apparaît encore massive. Le retard est important par rapport à des pays voisins comme les Pays Bas, la Suisse et l'Allemagne qui font figure de modèles. Cette situation alarme une part croissante de l'opinion éclairée à qui l'intervention de l'Etat paraît désormais nécessaire.

     Le tournant a lieu à la fin de la Restauration. En 1829, les crédits de l'enseignement primaire sont doublés. Cette orientation n'est pas remise en cause par le retour des Ultras qui doublent une nouvelle fois le budget en 1830. Le ministre Guernon-Ranville propose alors un projet de loi qui annonce à bien des égards celui de Guizot, dont le nom symbolise l'effort de la monarchie de Juillet.  La croissance des crédits de l'enseignement primaire en est la preuve. Entre 1816 et 1829, ils restent voisins de 50 000 francs et sont même supprimés en 1822 et 1823. En 1829 ils passent à 99 300 francs, en 1830 à 258 000 francs, en 1831 à 677 000 francs, en 1832 à 981 000 francs. Notons qu'il s'agit toujours de mesures d'incitation, d'accompagnement et d'aide, en particulier par l'envoi de livres. Entre 1831 et1833, l'Alphabet Hachette est acheté à plus d'un million d'exemplaires par l'Etat pour être distribué aux élèves indigents. Mais l'essentiel des dépenses de l'enseignement primaire (locaux, matériels, rémunération des maîtres) est et restera assuré localement par les municipalités et les parents.

    S'il y a consensus sur la nécessité d'une loi pour impulser et organiser l'instruction primaire, un très vif débat sur le contenu de cette loi oppose les libéraux et le parti de la « résistance » dont Guizot est un des leaders. Pour les libéraux, les points litigieux portent sur l'influence encore trop forte exercée à l'Eglise ainsi que sur le rôle de l'Etat et de son administration chargée de l'enseignement , "l'Université", appellation qui désigne alors le corps de fonctionnaires, créé sous l'Empire, chargé de collationner les grades et d'assurer l'enseignement secondaire et supérieur. Ils voient en elle l'instrument d'un pouvoir central qu'ils refusent en la matière.

 

     La loi une fois votée, l'enquête répond à un double préoccupation de Guizot :

  • Obtenir rapidement des renseignements détaillés sur chaque école pour avoir une vue exacte de l'état de l'enseignement primaire et orienter l'action du gouvernement. Comme l'administration ne peut suffire à une entreprise aussi immense, le ministre recrute spécialement pour cette tâche environ 500 « inspecteurs » temporaires qui vont parcourir la France de septembre à décembre 1833 pour visiter les écoles. Certains d'entre eux seront pérennisés dans ces fonctions à la création du corps des inspecteurs départementaux en 1835.
  • Face aux libéraux qui refusent l'Université et son monopole, face à l'Eglise dont la loi limite l'influence, Guizot manifeste par un geste spectaculaire la volonté de l'Etat de contrôler l'enseignement primaire et d'en confier ce contrôle à l'Université. Il y insiste longuement dans la lettre qu'il envoie dès le 4 juillet à tous les instituteurs de France: « ...Vous appartenez à l'instruction publique; le titre que vous portez, conféré par le ministre, est placé sous sa sauvegarde. L'Université vous réclame; en même temps qu'elle vous surveille, elle vous protège... ». L' « Enquête Guizot » est à la fois une mesure administrative et un geste politique.

 

 

A) Statistique et sociologie

     L'enquête Guizot, composée de 34 questions, recherche des renseignements quantifiables. Dans les onze premières rubriques, on sollicite le même type de renseignements que dans les autres enquêtes (population, effectifs et âge des élèves, rétribution, méthode suivie, culte etc...), mais avec davantage de détails et en donnant de l'importance à des thèmes absents ou peu abordés auparavant. Pour la pédagogie en particulier, on ne se contente plus d'enregistrer la méthode en usage dans l'école, on cherche à connaître les matières enseignées, les livres et les tableaux utilisés, on s'intéresse aux cahiers quand il y en a, au mobilier, aux résultats obtenus.
     Mais l'enquête va plus loin. Pour ce qui est des maîtres, outre les brevets et autorisations, pas moins de 15 rubriques traitent de leur état-civil, de leur âge et situation de famille ainsi que de leur formation quand ils en ont reçu une, d'un éventuel métier annexe et de l'insertion de chacun dans le milieu local. En fait, on cherche, dans cette enquête, à connaître les écoles primaires de l'intérieur, dans leur environnement matériel comme dans leur fonctionnement quotidien. On cherche aussi à connaître le monde des maîtres d'école, et pas seulement au plan professionnel, comme en témoignent, entre autres, les questions sur leur situation de famille ou leur fortune. On quitte dès lors le domaine de l'enquête administrative pour celui de l'enquête sociale, la statistique pour la sociologie.
     Guizot l'a voulu ainsi: "Je ne saurais me contenter de la connaissance des faits extérieurs et matériels qui jusqu'ici ont été surtout l'objet des recherches statistiques en fait d'instruction primaire mais il ne m'importe pas moins de bien connaître le régime intérieur des écoles, l'état moral, en un mot, de l'instruction primaire et ses résultats définitifs ".
Ces préoccupations sont dans l'air du temps. C'est aux environs de 1830 que les premiers recueils de statistiques commencent à être publiés.

       1829, Annales d'hygiène publique et de médecine légale.

       1832, Statistique générale de la France.

       1833, A.M. GUERRY (directeur de la statistique criminelle au ministère de la justice). Essai sur la statistique morale de la France.

       1833, Adolphe Thiers, ministre du commerce, établit un service de  statistique. Les volumes de la Statistique de la France commencent à être publiés.

     On peut y ajouter l'oeuvre de QUETELET sur L'homme et le développement de ses facultés ou essai de physique sociale .

    De même, les oeuvres du baron DUPIN. Notons qu'il est l'un des premiers à vouloir corréler systématiquement le niveau d'éducation et le développement économique. Reprenant des données d'effectifs départementaux d'élèves croisées avec la population recensée avec précision en 1821, il produit la première carte statistique moderne de la France. Elle met nettement en valeur, pour la première fois, l'opposition entre la France du nord et celle du midi et la ligne Saint-Malo-Genève qui les sépare (Saint-Malo et Genève figurent explicitement sur la carte). D'où les enquêtes sociales que la Monarchie de Juillet voit se développer en particulier sur la condition ouvrière. À la statistique s'ajoute la sociologie et l'enquête de 1833 procède de ces deux démarches.

   Depuis longtemps, Guizot pense que, pour gouverner, il est indispensable d'avoir "une intelligence des besoins généraux de la société " sinon "le gouvernement marche au hasard sans plan et sans but, la raison ne préside point à ses oeuvres". Cette volonté de "gouvernement rationnel" est largement partagée par tout le courant libéral depuis le début du siècle.* Voir pour cet aspect de la question: ROSANVALLON Pierre, Le moment Guizot , Paris 1985. En particulier les chapitres consacrés à "l'état instituteur" et à "l'état sociologique" dans le chapitre VI, "le gouvernement des esprits", p. 223-65.*

 

    Statistique et sociologique, l'enquête est aussi une évaluation. Guizot est on ne peut plus clair: "Il importe de connaître l'aptitude, le zèle, la conduite des instituteurs, leurs relations avec les élèves, les familles, les autorités locales, l'état moral, en un mot, de l'instruction primaire et ses résultats définitifs ". Les questions auxquelles doivent répondre les inspecteurs sont nombreuses et sans ambiguïté. Elles concernent l'état de l'enseignement, la tenue de l'école et les progrès des élèves. Les inspecteurs doivent aussi "visiter" les cahiers, quand il y en a, interroger les élèves, faire faire les exercices. Quant à l'instituteur, on ne se contente pas de vérifier s'il est en règle pour son brevet et son autorisation, on considère ses aptitudes, son zèle, la manière dont il s'acquitte de ses devoirs, ses relations avec les élèves, les parents, les autorités, jusqu'à son caractère et sa conduite qui doit être "régulière" avec des relations "honorables ". Et cette enquête est nominative. Il ne s'agit donc plus seulement de recueillir des informations mais bien de contrôler des hommes pris individuellement, de vérifier leur travail, d'évaluer leur efficacité, de surveiller leur conduite. L'enquête est aussi une inspection. Les termes employés par Guizot sont significatifs. Ce que nous appelons "L'enquête Guizot", par référence au ministre et aux enquêtes précédentes, a pour dénomination officielle "Inspection générale des écoles primaires ". Dans les circulaires la concernant, le terme "enquête" n'apparaît jamais. Seul, le mot "inspection" est employé. Quant aux personnels qui l'effectuent, ils sont toujours appelés inspecteurs.

    On peut remarquer d'ailleurs, que, presque au même moment, une logique semblable anime une circulaire du 28 novembre 1833 qui concerne cette fois l'enseignement secondaire. Constatant que les humanités ne sont pas enseignées de manière satisfaisante, Guizot réclame aux recteurs la liste nominative de tous les professeurs concernés, avec le nombre de devoirs, explications et récitations que chacun d'eux exige dans ses classes. L'inspection générale est chargée de vérifier que chaque professeur applique effectivement la progression qu'il a envoyée à l'administration.

    L'ordonnance du 26 février 1835 qui crée les inspecteurs primaires et le réglement du 27 février qui précise le détail de leurs fonctions reprennent plusieurs des dispositions de 1833, en particulier:

"L'inspecteur portera son attention:

1°/ Sur l'état matériel et la tenue générale de l'établissement.

2°/ Sur le caractère moral de l'école.

3°/ Sur l'enseignement et ses méthodes.

Il assistera aux leçons et interrogera les élèves ".

    Dès 1830, Matter qui sera pendant quelque temps proche collaborateur de Guizot, dans son ouvrage Le "visiteur des écoles" , destiné aux membres des comités, trace un portrait assez proche de ce que seront, quelques années plus tard, les inspecteurs primaires. Dès l'abord, il conçoit les visiteurs comme des agents de l'État chargés d'une véritable tâche d'inspection: "(...) Que si l'état en conserve l'inspection, il confie la chose elle-même aux hommes les plus honorables que les préfets, les évêques, les consistoires, les recteurs et les inspecteurs d'académie pourront trouver dans le royaume". Il doit être un spécialiste de la pédagogie, au courant des méthodes nouvelles, y compris étrangères (anglaises, hollandaises, allemandes). Il anime et il contrôle: "Vous réunirez au moins deux fois par mois en présence des comités tous les instituteurs de votre ressort(...) Vous présenterez les nouvelles méthodes(...) et prescriptions émanant de l'autorité supérieure et enfin (...) vous distribuerez avec simplicité le blâme ou l'éloge que chacun aura mérité dans son école".

    Outre la pédagogie, il doit s'intéresser à tous les aspects matériels et moraux de l'école qu'il visite, et il agit avec l'autorité d'un représentant de l'État: "Qu'ils vous le demandent ou pas (...) vous êtes dans le cas d'entretenir le chef de la paroisse des besoins matériels de la maison et des salles d'écoles, du sort et de la conduite de l'instituteur et de l'influence morale qu'il exerce sur la population (...).D'ailleurs, vous n'oublierez pas que vous n'êtes pas dans le cas de solliciter leur assistance, vous la requerrez au nom de la loi, au nom du roi, au nom de la religion et du bien public. Vous demandez d'abord verbalement, vous demandez ensuite par écrit (...) en cas d'indifférence ou d'opposition, vous référez à l'autorité ".

    Matter demande en quelque sorte aux visiteurs d'agir en fonctionnaires d'autorité. Mais ils ne le sont pas. Même désignés et investis par l'État, ce ne sont que des bénévoles, notables parmi d'autres notables. L'État ne peut donc compter ni sur une action uniforme et continue car liée à la bonne volonté de chaque visiteur, ni sur son indépendance face aux influences locales.

    Cette inspection, comme la loi qui l'inspire, marque la volonté du nouveau régime de voir l'État intervenir plus activement et plus directement dans l'enseignement primaire en général et auprès de chaque maître en particulier. Dès le 15 juillet, le ministre envoie aux recteurs pour qu'ils les fassent parvenir à tous les instituteurs, une circulaire accompagnée du texte de la loi et de l'exposé des motifs qui la précède. Les recteurs doivent, de plus, faire remonter au ministère la liste de tous ceux à qui ils ont envoyé ces textes, les maîtres devant, de leur côté, accuser réception de l'envoi. Un tiers, environ, le fera.

     Dans la circulaire qu'il a écrite à son intention, Guizot insiste sur le rôle qu'il assigne à l'instituteur. "Ses travaux intéressent la société toute entière (...) ce n'est pas pour la commune seulement et dans un intérêt purement local que la loi veut que tous les Français acquièrent, s'il est possible, les connaissances indispensables à la vie sociale (...) c'est aussi pour l'état lui-même et dans l'intérêt public". Dès lors, "la profession participe de l'importance des fonctions publiques". Cet intérêt renforcé de l'État porte dans trois directions :

- Il aide : en développant les compétences pédagogiques, les écoles normales, et en publiant le Manuel général  périodique d'informations administratives et pédagogiques destiné aux instituteurs. Il est dirigé par un inspecteur général sous la surveillance du Conseil royal de l'instruction publique. Notons que Guizot en a présenté le projet au roi dès le 19 octobre 1832, soit huit jours seulement après son entrée en fonction. L'arrêté paraît le lendemain, preuve de l'intérêt porté à cette publication.

- Il protège : les instituteurs communaux sont désormais, de par la loi, assurés de toucher les revenus qui leur sont dus par les municipalités. Quant aux parents, ils devront payer les droits d'écolage au percepteur, qui les reversera au maître. On crée aussi une caisse de retraite alimentée, il est vrai, en totalité par un prélèvement sur leurs revenus. L'État leur donne un peu de poids vis-à-vis des autorités locales: "Il est l'inférieur de bien du monde dans une commune, et il ne doit être le serviteur dégradé de personne". "Si on veut que le maître d'école soit utile, il faut qu'il soit respecté; et, pour qu'il soit respecté, il faut qu'il ait le caractère d'un fonctionnaire de l'État, surveillé sans doute par le pouvoir communal mais sans être uniquement sous sa main et relevant d'une autorité plus générale".

- Il contrôle: ce rôle accru des maîtres dans la société, les multiples devoirs que Guizot leur détaille et commente longuement dans sa circulaire impliquent un renforcement du contrôle et, surtout, sa prise en mains par l'État. Les comités locaux de surveillance sont réorganisés: les comités cantonaux sont remplacés par des comités locaux, très proches des maîtres, mais coiffés par un comité d'arrondissement où les représentants de l'État sont prépondérants. Cependant, cette structure ne paraît pas suffisante pour exercer une surveillance correcte, en particulier pédagogique. Dès juillet 1834, Guizot annonce la création d'un corps d'inspecteurs primaires. Déjà, en décembre 1833, Paul Lorain, professeur au collège royal Louis Le Grand, très proche de Guizot depuis des années, prend position en faveur de la création de ce corps dans son rapport d'inspection du département d'Indre-et-Loire. "Avec toutes les difficultés qu'elle (la loi) présente d'abord, il faut dans chaque arrondissement un administrateur ferme et dévoué ( ...). La loi dont il s'agit est une oeuvre assez belle, assez juste, assez bien accueillie pour que le magistrat chargé de la faire exécuter ne craigne pas de s'y dévouer tout entier (...). Il faut donc que l'Université soit enfin représentée dans chaque département, ne fût-ce que par un inspecteur de son choix, qui rappellerait aux instituteurs qu'elle les garde sous sa main (...). Alors on pourra forcer les maîtres à adopter et suivre une méthode dans leur enseignement, à fixer des heures régulières pour l'ouverture et la clôture de leurs écoles, à les tenir au jour déterminé (...). Alors il y aura de l'ordre et de l'unité dans les écoles, et l'Université apprendra à ceux qui veulent l'ignorer qu'elle aussi est une vérité (...). Un des premiers soins de ces inspecteurs, s'ils peuvent être établis, devrait être de signaler leur présence par la poursuite de ce nombre infini d'écoles parasites tenues sans autorisation par des maîtres toujours incapables, souvent indignes qui détournent l'enfance du chemin des bonnes écoles". Le fait pour un subordonné du ministre, fût-il de ses familiers, d'aborder avec assurance cette question, les incertitudes qu'il montre quant au ressort de ces fonctionnaires (arrondissement? département?) et même quant à leur création effective "s'ils peuvent être établis" indique que cette question est en débat dans l'entourage de Guizot peu de temps après la promulgation de la loi.

    Cette action de l'État passera naturellement par l'administration qui a en charge l'enseignement: l'Université. En dépit de leur "caractère de fonctionnaire de l'État", il n'est pas question d'y intégrer les instituteurs. Toutefois, le ministre insiste dans sa lettre : "l'Université se maintiendra avec vous en constante communication (...). L'Université vous réclame, en même temps qu'elle vous surveille, elle vous protège et vous admet à quelques-uns des droits qui font de l'enseignement une sorte de magistrature".

    Ces propos, quoique flatteurs, ne contiennent au fond aucun engagement contraignant pour le gouvernement. Mais ils témoignent d'une vision nouvelle de l'enseignement primaire. Guizot, pour qui c'est une préoccupation ancienne et primordiale, s'en explique dans l'exposé des motifs de la lo i: "par l'enseignement de la lecture, de l'écriture et du calcul, il pourvoit aux besoins les plus essentiels de la vie, par celui du système légal des poids et mesures et la langue française, il implante, partout accroît et répand l'esprit et l'unité de la nation française, enfin, par l'instruction morale et religieuse, il pourvoit déjà à un autre ordre de besoins tout aussi réels que les autres et que la providence a mis dans le coeur du pauvre homme comme celui des heureux de ce monde pour la dignité de la vie humaine et la protection de l'ordre social ". On comprend alors que l'instituteur, "influence morale placée au milieu du peuple", devienne le rouage essentiel de cette action et retienne bien plus qu'avant l'attention de l'État.

    L'enseignement, dès lors qu'il se borne aux bases fondamentales, qu'il baigne dans une atmosphère religieuse, qu'il s'imprègne de morale, loin d'être un danger pour l'ordre social, en est, au contraire, un élément de stabilité. "Le développement intellectuel, quand il est uni au développement moral et religieux, est excellent; il devient une source de prospérité et de grandeur pour la société. Mais le développement intellectuel, séparé du développement moral et religieux, devient un principe d'orgueil, d'insubordination, d'égoïsme et, par conséquent, un danger pour la société". Il précise ensuite dans la circulaire aux instituteurs: "La liberté n'est assurée et régulière que chez un peuple assez éclairé pour écouter en toutes circonstances la voix de la raison. L'instruction primaire universelle est désormais une des garanties de l'ordre et de la stabilité sociale (...). Développer l'intelligence, c'est assurer l'empire et la durée de la monarchie constitutionnelle".

En ce sens, l'inspection de 1833 s'inscrit dans une politique cohérente visant, par l'extension contrôlée des "lumières" au maintien de l'ordre établi. Comme le résumera Guizot dans ses Mémoires : "Le grand problème des sociétés modernes, c'est le gouvernement des esprits".

 

 

A) La tournée d'inspection

 

    Quatre circulaires l'organisent. De la correspondance a aussi été échangée entre le ministre et les recteurs. Nous n'en avons pas trouvé trace aux Archives nationales. Des éléments subsistent aux Archives des départements où était implanté un rectorat, mais fragmentaires et disparates, du moins dans les fonds que nous avons explorés. C'est donc avant tout sur les circulaires que nous allons nous appuyer.

Chronologie :

    Le 28 juillet, Guizot annonce aux recteurs le projet d'inspection, en expose les motifs et indique que celle-ci doit se dérouler pendant le mois de septembre. Il suggère aussi d'adjoindre aux inspecteurs d'académie prioritairement chargés de cette tâche, d'autres fonctionnaires de l'Université (professeurs, proviseurs, censeurs). Trois semaines plus tard, le 19 août, une nouvelle circulaire rectifie et précise les dispositions de la précédente. Guizot a été averti entre temps que l'opération était impossible à réaliser dans des délais aussi brefs. "Divers documents que j'ai recueillis depuis me font connaître qu'il est à propos de prolonger la durée de l'inspection (...). Dans beaucoup de départements, les écoles sont fermées pendant une partie ou pendant la totalité du mois de septembre (...) Dans d'autres, c'est le mois d'octobre. Les écoles ne doivent être visitées qu'au moment où les élèves y sont réunis (...) . M. Le Recteur, la tournée commencera en septembre prochain, et sera continue pendant les mois d'octobre et de novembre. Il suffira que vos rapports me parviennent dans la première quinzaine de décembre". Mais ce délai est impératif. Dans une réponse au recteur de l'académie de Bourges qui demandait un report jusqu'en avril, son collaborateur Villemain indique qu'il a besoin des renseignements "pour la prochaine session des chambres". Dans une lettre de rappel du 3 décembre, il écrit encore: "J'ai le plus pressant besoin des documents que je dois y trouver et qui seront insérés dans le rapport que j'ai à présenter au roi dès l'ouverture de la prochaine session des chambres sur l'exécution de la loi du 28 juin " (le Rapport au roi  est daté du 15 avril 1834).

    De fait, tous les rapports que nous avons eus entre les mains ne vont pas au-delà du début décembre. La plupart sont terminés en novembre.

Organisation :

    Toutes les écoles publiques ou privées de garçons ou mixtes devront être visitées. Les écoles de filles sont exclues, la loi de 1833 ne les concernant pas.

    Les écoles de filles figuraient dans le projet. Cette mise à l'écart a pour prétexte que la question était insuffisamment étudiée. En fait, Guizot, pour le succès de sa politique, doit éviter un conflit avec l'Église, et, surtout avec les congrégations enseignantes. Or, elles sont plus particulièrement nombreuses dans l'enseignement des filles. L'enjeu, en termes d'influence, y est donc plus grand que chez les garçons. D'autre part, si le contrôle pédagogique prévu n'a pas de quoi inquiéter les Frères bien formés et efficaces, il n'en va pas de même pour les religieuses et autres béates dont le niveau est souvent beaucoup plus faible. Il y a peut-être aussi une raison financière. De nombreux conseils municipaux rechignent à payer l'école. Lors de la discussion du budget de 1835, Guizot se plaint d'avoir eu à imposer d'office à 21 000 communes (sur environ 37 000) les centimes additionnels prévus par la loi. On pouvait penser, dès l'élaboration du texte, qu'y adjoindre les filles renforcerait les résistances d'autant que l'enseignement des filles, en dehors de l'éducation religieuse, n'était pas toujours ressenti comme une nécessité par la majeure partie de la population et par l'Église. Réalisme politique de Guizot? Ce réalisme politique n'empêche pas Guizot d'agir pour l'enseignement des filles. Des textes postérieurs à la loi nous en donnent plusieurs exemples, notamment plusieurs avis du Conseil royal de l'instruction publique sur les mesures à prendre en cas de mixité et surtout la circulaire du 27 avril 1834 dans laquelle Guizot indique aux préfets la marche à suivre pour intégrer les dépenses des écoles dans les budgets de 1835: "Dans toutes les constructions ou appropriations de maisons d'école qui auront lieu, surtout pour les communes d'une faible population, je vous prie de veiller à ce que la classe dans laquelle seront reçus les élèves soit divisée en deux parties distinctes, l'une pour les garçons, l'autre pour les filles, conformément aux modèles que je vous ai adressés; ce sera le meilleur moyen de faire participer les enfants de chaque commune aux bienfaits de l'instruction primaire sans en multiplier les charges. Vous ne donnerez approbation aux devis qui ne seront pas ainsi dressés que lorsque la commune prendra l'engagement d'entretenir une école particulière pour les filles". Certes, il ne faut pas penser qu'à la suite de cette circulaire, les filles auront accès à l'école au même titre que les garçons, mais elle nous montre bien que Guizot, qui n'a pas inclus l'enseignement des filles dans la loi par choix tactique, alors qu'il figurait dans le projet initial, lui est cependant favorable et comment il essaie de contourner l'obstacle.

    Guizot indique comment le recteur doit procéder pour organiser la tournée: "Aussitôt que vous aurez reçu cette lettre, vous vous concerterez avec chaque inspecteur pour dresser un itinéraire de sa tournée; cet itinéraire, qui devra être suivi aussi exactement qu'il se pourra, et à moins que des circonstances imprévues ne s'y opposent, fera connaître le jour, et même, si l'on peut y parvenir, l'heure où l'inspecteur arrivera dans chaque commune. Les communes seront parcourues dans un ordre tel que les voies les plus courtes de communication soient toujours suivies et que l'inspecteur puisse en visiter trois ou quatre par jour, lorsqu'elles n'auront pas plusieurs écoles". Les maires et les instituteurs seront prévenus de l'arrivée de l'inspecteur afin de réunir les élèves au moment où il passera. Louis-Arsène Meunier, inspecteur dans l'Eure, parle du "double objet de (sa) mission: éclairer les autorités municipales sur l'application de la nouvelle loi et constater l'état réel des écoles" et raconte comment se passaient ces rencontres. Il semble, à la lecture de ce texte, qu'il a beaucoup de pouvoirs puisque c'est lui qui réunit les conseils municipaux pour leur exposer le contenu de la loi et qui fait voter le conseil sur la création de l'école et la rétribution de l'instituteur. Nous ne pouvons cependant  affirmer que l'ensemble des inspecteurs ont agi de même: nous ne possédons aucun autre témoignage et aucun texte émanant du ministre ne mentionne cette double mission; c'est peut-être une initiative du préfet de l'Eure avec qui Louis-Arsène Meunier entretenait de bonnes relations.

    Nous ne savons que peu de choses sur la manière dont l'enquête a été effectuée dans le quotidien de son déroulement. Le Rapport au roi  ne donne que des renseignements administratifs. Lorain, dans son Tableau de l'instruction primaire en France , y fait allusion, et, sous sa plume, la "battue générale des écoles " devient une épopée: "M. Guizot, alors ministre de l'instruction publique, au moment de mettre en exécution la loi du 28 juin 1833 conçut la pensée de faire exécuter une battue générale des écoles, par toute la France, et bientôt en effet, près de cinq cents inspecteurs partirent ensemble, au signal donné, gravirent les montagnes, descendirent les vallées, traversèrent les fleuves et les forêts et portèrent dans les hameaux les plus lointains, les plus isolés, les plus sauvages, la preuve vivante que le gouvernement ne voulait plus rester étranger désormais à l'éducation du plus humble citoyen". Cependant, ce morceau de bravoure le dispense de raconter prosaïquement sa propre tournée dans l'Indre-et-Loire. Louis-Arsène Meunier, qui a visité 134 communes et inspecté 149 écoles  insiste lui aussi sur les difficultés. Il évoque les mauvais chemins, sous les pluies d'automne, la rivière en crue qu'il faut franchir, le fossé qu'il faut sauter au risque d'être écrasé sous le cheval qui glisse. Un autre jour, la bête s'emballe. On s'égare souvent, mal renseigné par les habitants: "Toujou tout dret, Monsieur". Montlezun qui a inspecté le canton de Saint-Jean-Pied–de–Port, écrit dans son rapport : "Bien qu’excédé de fatigue et malade, j’ai entrepris et terminé les travaux du canton de Saint-Jean-Pied-de-Port ; je n’en ai pas moins continué de me rendre dans toutes les communes, de franchir souvent des montagnes pénibles et parfois dangereuses".

 

    Les enquêtes précédentes étaient effectuées par les membres des comités, par les maires, les curés qui présidaient souvent les comités. Les renseignements étaient collectés, tantôt par les recteurs, tantôt par les préfets.

    En 1833, et pour la première fois, des inspecteurs, spécialement nommés et rétribués pour cette mission, sont envoyés dans les écoles. La circulaire du 28 juillet n'est guère détaillée. "Il convient d'y employer au moins un inspecteur par département". Le recteur étant occupé à d'autres tâches, il fera appel aux inspecteurs d'académie mais ils ne suffiront pas car "la plupart des ressorts académiques comptent plus de deux départements" et "je n'ignore pas que plusieurs de MM. les inspecteurs, à cause de leur âge avancé et de leurs longs services qui leur donnent des droits à une retraite prochaine, ne pourraient être utilement chargés d'une mission qui ne laissera pas d'être fatigante". Il faut donc y adjoindre d'autres fonctionnaires de l'Université. "Vous m'indiquerez en outre, parmi les fonctionnaires de votre ressort, professeurs ou administrateurs d'établissements universitaires ceux qui paraîtront propres soit à concourir à cette occasion avec MM. les inspecteurs, soit à les suppléer. Vous aurez soin de vous assurer d'avance de leurs dispositions à accepter une pareille mission. Vous joindrez enfin à vos propositions un exposé des motifs qui les auront déterminés ".

    Le 19 août, Guizot s'est rendu compte qu'il faudra beaucoup plus de monde et suggère de nommer un inspecteur par arrondissement. Craignant aussi que l'allongement des délais jusqu'en décembre rende les fonctionnaires universitaires indisponibles, il propose aux recteurs de leur adjoindre "des personnes qui se sont fait remarquer par leur zèle pour l'instruction primaire et qui vous paraîtront en état de bien faire l'inspection des écoles. Vous les choisirez de préférence parmi les membres des comités, des conseils d'arrondissement, de préfecture". Malgré cet appel, c'est avant tout sur les fonctionnaires de l'Université que compte le ministre.

    Un tableau, en annexe du Rapport au roi , donne la liste complète des inspecteurs avec leur titre, les cantons où ils sont intervenus, le nombre d'écoles visitées, le nombre de jours qu'ils y ont consacrés.

Nous constatons que les "notables" sont très peu nombreux. Sur les 490 inspecteurs, on ne trouve que 8 magistrats ou avocats, 7 "membres de comité" sans indication de profession, 6 maires, 3 médecins. L'Université, par contre, est représentée massivement. comme le montre le tableau suivant:

Titre
Nbre
Ecoles visitées
 
 
Nombre
Moyennes
Extrêmes
Principaux 168 10872 64 5/292
Régents de collège 125 7671 61 7/195
Inspecteurs d'académie 53 4732 89 10/230
Directeurs d'école normale 12 707 59 13/149
Professeurs de collège royal 41 2596 63 13/220
Proviseurs / Censeurs 13 754 58 11/179
Recteurs 3 418 139 93/189
Maître d'étude 1 34 24  
Maîtres de pension Chefs d'institutions 32 1885 59 7/143

    Principaux et régents forment les gros bataillons (168 principaux, 125 régents). Si on excepte les inspecteurs d'académie, qui étaient les premiers pressentis et qui ont inspecté chacun en moyenne 89 écoles, nous trouvons ensuite, à peu près au même niveau, les principaux qui en ont inspecté en moyenne 64, les professeurs des collèges royaux (63), les maîtres de pension (59), les régents de collège (61), les proviseurs et les censeurs (58). Bien entendu, il s'agit là de moyennes cachant de fortes différences individuelles, mais elles montrent que tous les corps de l'Université se sont pareillement investis dans cette mission. Compte tenu des difficultés de communication en campagne, et du nombre de jours consacrés à l'enquête, qui dépasse souvent 30, on peut voir que ces personnels n'ont pas ménagé leur peine.

    Un certain nombre d'inspecteurs apparaissent dans les documents alors qu'ils ne figurent pas dans le Rapport au roi. Leur origine n'est pas différente des autres. Ils sont inspecteur d'académie, proviseur, principal, régent. On peut penser que, dans la plupart des cas, il s'agit d'omissions. Toutefois, plusieurs sont indiqués comme en ayant aidé un autre. Tel Meissonnier dans l'Académie de Rouen, suppléant de Lerond, inspecteur d'académie. Le rapport est signé Lerond. Certains inspecteurs auraient-ils "sous-traité" une partie de leur tournée à des aides qui n'apparaissent pas dans les documents officiels? Ce n'est nullement improbable, vu la pratique courante au XIXè siècle d'employer des "surnuméraires", auxiliaires bénévoles qui, dans l'espérance d'un poste, participent aux travaux de l'administration. Ce phénomène est difficile à évaluer, car le nombre de communes visitées (3 à 4 par jour) et d'écoles (4 à 5 par jour) reste dans les limites prévues par Guizot., et il faudrait un suivi, commune par commune, de la tournée de chaque inspecteur pour vérifier ce qui était matériellement impossible ou pas.

 

A) Les questionnaires: nature et problèmes

 

    L'enquête est conservée aux Archives nationales sous les cotes F17 80 à 160. Ce sont des registres regroupant  les grilles de réponse des inspecteurs. Ils sont tous microfilmés. Tous les départements subsistent sauf l'Aisne, l'Allier, la Corse où l'inspection n'a pas eu lieu, l'Ille-et-Vilaine et le Nord. On peut trouver des doubles dans les archives départementales, mais c'est rare. Nous n'en connaissons que deux, l'Indre et la Moselle mais il y en a peut être d’autres. De même, la conservation des documents annexes à l'enquête, la correspondance des inspecteurs, est très variable selon les départements.

    Chaque inspecteur a reçu plusieurs exemplaires d'une grille imprimée constituant un tableau à double entrée. La première colonne comporte 67 questions regroupées en 34 rubriques. Il y a ensuite 27 colonnes correspondant chacune à une école. Dans sa circulaire du 26 août, Guizot donne des consignes très précises pour leur utilisation: "Messieurs les inspecteurs inscriront en tête de chaque colonne le nom de la commune. Lorsqu'il existera plusieurs écoles dans la même commune, ils réuniront les colonnes qu'il y aura lieu d'affecter à ces écoles au moyen d'une accolade, au-dessus de laquelle ils placeront le nom de la commune". Il y a, en principe, une grille par canton comportant moins de 27 écoles. En fait, il arrive que des inspecteurs, visitant à la suite des écoles de cantons différents ou visitant les écoles d'un canton à des dates différentes, les placent dans la grille comme si elles faisaient partie du même canton dans le premier cas ou de cantons différents dans le second. D'où la nécessité de vérifier l'appartenance de chaque commune à son canton. Nous avons utilisé le Dictionnaire des Postes aux Lettres, publié par l' Administration Générale des Postes qui recense les communes avec leur situation administrative et indique leur population en 1831. Publié en 1835, il peut y avoir eu des modifications depuis 1833, mais elles sont certainement très rares.

    En plus des questions dont on verra le détail plus loin, les inspecteurs doivent "consigner sur les feuilles non imprimées qui se trouvent à la suite de chaque tableau les observations générales qu'ils auraient faites sur la situation morale de l'enseignement primaire dans chaque canton. Je désire qu'ils s'attachent à me faire connaître les circonstances locales qui peuvent influer sur le plus ou moins de zèle que mettent les parents à faire fréquenter les écoles par leurs enfants". Ils doivent aussi indiquer les mesures qu'ils jugeraient susceptibles d'améliorer la situation. Les inspecteurs ont obéi. Pour chaque canton, parfois seulement pour chaque arrondissement, une synthèse accompagne les réponses. Ce ne sont parfois que quelques lignes, mais, le plus souvent, elle fournit une description globale de la situation telle qu'elle leur paraît devoir être présentée au pouvoir central. Comme le souhaite Guizot, elle s'accompagne assez souvent de suggestions et de propositions. Ces synthèses n'ont pas été reprises dans notre base de données qui ne concerne que les questions précises de la grille auxquelles devaient répondre les inspecteurs.

    Les grilles et ces synthèses ont été reliées, en un registre par département et sont consultables sur microfilm aux Archives Nationales.

    Le ministre a voulu, avant tout, des renseignements précis et fiables. "Ce qui importe n'est pas de recueillir très vite des renseignements, mais bien d'en obtenir des complets dont la précision et l'exactitude ne laissent rien à désirer". C'est ce souci de précision et d'uniformité dans la manière de répondre qui entraîne des questions nombreuses et fermées. Elles font le tour de tous les aspects du fonctionnement des écoles et traitent successivement des aspects matériels et financiers, des élèves, de la pédagogie, des instituteurs.

    De même, il a voulu que les inspecteurs aillent voir par eux-mêmes les écoles en fonctionnement, les maîtres au travail, quitte à réunir au besoin les élèves pour une séance exceptionnelle. "Il importe que MM. les inspecteurs se transportent dans toutes les écoles, que leurs réponses aux questions soient le résultat de leurs observations personnelles ou des renseignements qu'ils auront recueillis dans la commune auprès des autorités locales et qu'ils ne reproduisent jamais les renseignements indirects qui seraient parvenus à leur connaissance qu'après en avoir vérifié l'exactitude sur les lieux mêmes (...) .Si l'époque de l'inspection coïncide avec celle des vacances des écoles primaires dans un arrondissement ou un canton, il faudra suspendre l'opération à moins qu'il ne fût possible, avec l'aide du sous-préfet et des maires d'obtenir que cette année, les vacances fussent ajournées ou interrompues le jour de l'arrivée de l'inspecteur". Contrairement à celles qui l'on précédée, l'enquête de 1833 donne donc des renseignements de première main, recueillis directement en observant les choses et les élèves, en interrogeant les maîtres et les autorités locales (avec la réserve citée plus haut que toutes les observations n'ont sans doute pas été effectuées partout par les inspecteurs en titre mais aussi par des adjoints officieux). Avec des renseignements plus complets et plus homogènes, car effectués au même moment et selon la même procédure, l'enquête de 1833 est donc meilleure que les précédentes. Cependant, il arrive tout de même que les données ne soient pas de première main: c'est Guizot lui-même qui indique dans le Rapport au roi:  "Je me suis trouvé dans la nécessité de la (l'enquête) faire ajourner pour quelques cantons situés dans des montagnes qu'il était impossible de parcourir dès le mois d'octobre, parce qu'elles étaient entièrement couvertes de neige. Les renseignements fournis par les recteurs et par les comités d'arrondissement ont suppléé momentanément aux renseignements qu'auraient recueillis les inspecteurs". Mais il ne précise pas de quels cantons il s'agit.

    Les données qu'elle contient sont-elles pour autant exemptes de toute incertitude? L'étude détaillée des questions posées nous permettra d'éclaircir un peu ce point. Auparavant, il nous faut cependant remarquer, à la suite de Jean-Noël Luc, que: "Jusqu'aux années 1840 environ, les structures d'enseignement primaire sont protéiformes et les mailles de l'enquête plus lâches. L'ordonnance d'application de la loi Guizot a proposé des critères de distinction, mais la réalité échappe à la logique administrative. Dans les faits, tout dépend du contexte et de l'interprétation de l'enquêteur. Selon les endroits, les effectifs d'écoles et d'élèves déclarés à l'administration prennent en compte, sans toujours les signaler, les établissements temporaires, les "assemblées" des soeurs des campagnes et plus largement toute réunion d'enfants autour d'une personne qui enseigne la lecture et l'écriture". Les instructions de Guizot pour l'organisation de l'enquête précisent que l'itinéraire de l'inspecteur devra être établi à l'avance, de telle sorte qu'il visite trois ou quatre communes par jour, les autorités et le maître étant prévenus du jour même et même, si possible, de l'heure de sa venue. Les inspecteurs ne doivent pas se rendre dans les communes sans école, mais se renseigner sur les raisons de cette absence. Dans ces conditions, un inspecteur en tournée, apprenant qu'un particulier ou qu'une religieuse rassemble quelques élèves pour "montrer à lire et à écrire" a-t-il toujours fait le détour? Les communes recensées "sans école" peuvent engager des instituteurs ambulants qui n'enseignent que quelques mois d'hiver. C'est le cas notamment dans les Hautes-Alpes, en Isère et en Alsace, mais cela peut aussi se produire ailleurs. L'enquête ne concernant que les écoles établies et connues, on ne peut exclure qu'une partie de l'enseignement primaire, marginale sans doute, mais qui n'est pas forcément négligeable, au moins dans certaines régions, lui ait échappé. L'enquête ne concerne en principe que les écoles de garçons; mais se pose le problème des écoles mixtes: il arrive quelquefois que, outre la mixité de l'école, les inspecteurs mentionnent aussi le nombre de filles qui s'y trouvent mais c'est rarement le cas. Des études ultérieures, académie par académie, pour autant que des documents annexes le permettent, éclairciraient peut-être ces points.  

 

Les locaux :

    Plusieurs cas se présentent. Le maître peut être logé et recevoir en plus une salle pour assurer son enseignement, mais il peut n'être que logé, ou n'avoir que la salle. Parfois, il touche une indemnité de logement. Le plus souvent, il ne reçoit rien. Louis-Arsène Meunier (Louis-Arsène MEUNIER « Mémoires d'un ancêtre. » Cahiers percherons n° 65 66 1981 p 59) était dans ce cas en 1818. « Je me rendis auprès du maire et du curé de Berd'huis * qui l'un et l'autre me firent un accueil très favorable et m'invitèrent à commencer sans retard. Le jour même je louai une chambre et le lundi de la semaine suivante ma classe s'ouvrait avec une quarantaine d'élèves ». En compensation du prix d'écolage de ses enfants, un hôtelier le loge gratis, si bien que "(...) restait donc à ma charge le loyer de ma classe qui était de 36 francs par an soit 3 francs par mois ". L'enquête montre clairement la diversité des situations mais la question, telle qu'elle est posée, peut laisser un doute sur la nature du "logement", personnel et/ou professionnel. Les inspecteurs précisent souvent mais pas systématiquement.

Le traitement :

    Quand le maître reçoit un traitement, le montant en est toujours indiqué mais il arrive qu'il soit confondu avec l'indemnité de logement et/ou les traitements annexes. "Autre traitement": assez souvent, l'instituteur est encore chantre comme sous l'Ancien Régime et/ou déjà secrétaire de mairie. En général, les montants du ou des traitements versés à ce titre sont aussi indiqués mais parfois, une somme globale est mentionnée. Parfois, l'inspecteur indique que, sans verser un traitement à proprement parler, la commune peut rembourser certains frais, verser une subvention ou donner des avantages en nature. Si la rétribution en nature peut occasionnellement apparaître partout, c'est dans les départements du Nord et de l'Est ainsi que dans les Basses-Pyrénées, qu'elle est très fréquente voire systématique dans certains arrondissements. La valeur de ces avantages est parfois indiquée, mais elle est le plus souvent impossible à évaluer. Il peut arriver, mais c'est rare, qu'un particulier, notable fortuné, verse une aide régulière au maître sans l'avoir à son service pour autant. Nous l'avons fait figurer sous la rubrique « subvention ». Les traitements annexes et surtout les avantages en nature figurent-ils tous dans l'enquête? Sans parler des arrangements avec les particuliers, tel celui décrit par L.A. Meunier. On peut raisonnablement penser qu'une partie de ce que perçoivent les instituteurs échappe à l'enquête, part difficile à évaluer.

La gratuité de l'école :

    Les écoles entièrement gratuites sont presque toutes urbaines; leur entretien est assuré par les municipalités en premier lieu, puis par les congrégations, les sociétés philanthropiques, les « fabriques ». Ce dernier terme est ambigu. A cette date, il peut aussi désigner depuis l'Ancien Régime l'ensemble des clercs et des laïcs chargés de l'administration des biens d'une paroisse mais aussi une entreprise industrielle; Dans les écoles payantes, les maîtres admettent très souvent quelques "élèves gratuits ".Leur prise en charge (écolage, fourniture des livres) est assurée par les communes, fabriques, etc... mais très souvent aussi par l'instituteur ou des particuliers. Malgré les incertitudes, ces rubriques constituent un bon indicateur des efforts consentis localement en faveur de l'enseignement primaire.

La mixité :

   Les inspecteurs ne devaient pas visiter les écoles de filles. Certains l'ont fait malgré tout. Ces écoles n'ont pas été prises en compte pour la rédaction du Rapport au roi. Par contre, l'enquête prévoit expressément d'indiquer les écoles mixtes, mais ne prévoit pas le décompte filles/garçons. Quelques inspecteurs l'ont quand même indiqué, mais pas tous. Il en résulte un gonflement artificiel des effectifs de garçons entre 1832 et 1833 (l'enquête de 1832 distinguait les garçons et les filles). Il est difficile à évaluer, mais il n'a pas échappé à Guizot qui y fait allusion dans le Rapport au roi.

Les cultes:  

    La rubrique culte comporte deux items:
- À quel culte (l'école) appartient-elle?
- Les élèves d'un autre culte y sont-ils admis?
Le premier est sans ambiguïté et ne pose pas de problèmes d'interprétation.
Le deuxième a donné lieu, chez certains inspecteurs, à une interprétation plus large. Ils précisent que la question est sans objet, vu que toute la population est catholique, ou que les élèves d'un autre culte seraient admis s'il s'en présentait. Très souvent, cette rubrique reste sans réponse. N'est donc significative que la mention explicite du refus d'admettre des élèves d'un autre culte. Notons qu'en 1833, une école n'est pas laïque au sens actuel du terme. Elle se rattache à un culte, même si elle accepte des élèves qui en pratiquent un autre. Quand ce terme laïque apparaît à l'époque, cela signifie simplement que l'école est tenue par un laïc et non par un religieux.

L'âge d'admission :

    La première question de cette rubrique demande: "À quel âge les enfants sont-ils admis à l'école?". S'agit-il de l'âge moyen ou de l'âge minimum auquel le maître accepte les élèves? Compte-tenu des réponses les plus fréquentes (5 ou 6 ans), on peut considérer que les inspecteurs ont retenu la deuxième possibilité.
La deuxième question"Quel est le nombre moyen d'années qu'ils y passent?" est claire, l'absence de réponse très rare. Cependant, en l'absence d'obligation scolaire, cette moyenne peut cacher de fortes variations individuelles d'assiduité. De plus, la durée d'ouverture de l'école dans l'année est très variable d'un endroit à l'autre. On ne peut déduire de cet item le niveau que les élèves ont atteint. Toutefois, des différences portant sur un grand nombre d'élèves d'une école à l'autre, d'une région à une autre etc... peuvent s'avérer significatives.

Les effectifs :

    Les données sur les effectifs doivent être considérées comme des estimations, donc approximatives. Pourtant, la donnée « effectifs » est fondamentale et elle n'est jamais omise par les inspecteurs, au moins pour les effectifs d'hiver. Guizot ne donne aucune indication sur la manière dont doivent être décomptés les élèves. Il se contente de poser la question "Quel est le nombre des élèves en hiver? en été?"
Jean-Noël Luc (Annales ESC, juillet-août 1986 p 893) jete un regard critique sur ces données chiffrées: "Il faut sans doute attendre le début des années 1860 pour que les écoles publiques possèdent régulièrement et systématiquement un registre matricule. Jusqu'alors, les effectifs d'élèves sont établis dans le meilleur des cas à l'aide d'un registre ou de documents disparates (rôles de rétribution scolaire qui ne tiennent pas en compte des enfants admis gratuitement, feuille d'appel, liste d'admission moins commode pour estimer la fréquentation saisonnière). Au pire - et le procédé se maintient dans les écoles privées- en acceptant la déclaration du chef d'établissement ou en comptant les élèves présents le jour de l'inspection ". En l'absence de consignes, on peut penser que ces deux dernières manières ont été les plus fréquentes. Quelques inspecteurs précisent parfois que les effectifs indiqués correspondent aux élèves présents le jour de l'inspection. Il est vraisemblable que, dans la plupart des cas, l'instituteur a indiqué le nombre maximum d'élèves inscrits pendant les mois les plus fréquentés, mais il a pu aussi se contenter de donner l'effectif moyen présent habituellement dans la classe.
Même incertitude quant aux variations d'effectifs entre l'hiver et l'été. "Cette population saisonnière n'est pas mesurée partout de la même manière (...). Certains inspecteurs dénombrent vraisemblablement pour l'hiver les inscrits pendant le mois maximum (par exemple janvier) ou le maximum d'enfants simplement présents, d'autres déclarent le" nombre moyen d'élèves", inscrits? présents? ou les "inscrits ayant réellement fréquenté" sans que l'on sache comment était appréciée cette fréquentation. Cette disparité ne doit pas surprendre, elle correspond bien aux tâtonnements de la statistique scolaire jusqu'au milieu du Second Empire ". Ces remarques s'appliquent aussi à l'enquête Guizot. De plus, la définition des termes "hiver" et "été" n'ayant pas été précisée dans le questionnaire, les inspecteurs ont pu les interpréter différemment, surtout pour les écoles de campagne. Certains ont compris l'été au sens strict (juillet, août, septembre); d'autres ont considéré une période plus large allant d'avril à novembre, comme c'était généralement l'habitude sous l'Ancien Régime. Il peut en résulter une différence dans le décompte des effectifs d'été: dans le premier cas, les écoles de campagne étant pratiquement toutes fermées, ils seront nuls, dans le second, ils correspondront à l'étiage des effectifs. Il s'ensuit que les données chiffrées sur les effectifs, même indiquées à l’unité près, ne peuvent être considérées que comme des approximations, des ordres de grandeur. Avec ces réserves, elles permettent quand même comparaisons et croisements, moyennant de grandes précautions méthodologiques dans leur traitement.

 

    Cet aspect du fonctionnement des écoles est beaucoup plus détaillé que dans les enquêtes précédentes : pas moins de dix rubriques lui sont consacrées.

Les méthodes pédagogiques :

    Elles sont toujours indiquées sans ambiguïté. Les inspecteurs ajoutent parfois quelques mots de commentaire, en particulier quand l'instituteur associe des éléments de deux méthodes différentes. Trois méthodes d’enseignement coexistent à cette époque.

Méthode individuelle :

    La méthode individuelle ou mode individuel d'enseignement appartient à une tradition répandue dans beaucoup de petites écoles en France. Elle repose sur l'idée simple que la fonction du maître d'école réside essentiellement dans la vérification des apprentissages laissés à la responsabilité des élèves. Le maître fixe le programme de travail de la journée (une page d'abécédaire ou de catéchisme à apprendre), il laisse les élèves réviser chacun sur leur livre jusqu'à ce qu'il les appelle et leur demande à tour de rôle de venir auprès de la chaire pour montrer ce qu'ils ont appris. De nombreuses représentations iconographiques mettent en scène ce moment fortement marqué de la journée de l'écolier. Il en existe aussi des descriptions. La plus célèbre  pour le XVIIIe siècle est celle que l'on doit à Restif de la Bretonne, dans Monsieur Nicolas. Plusieurs instituteurs du XIXe siècle ont rapporté ce qu'était le mode individuel qu'ils avaient vécu dans leur enfance pour mieux faire sentir les progrès réalisés.

    En 1833, la méthode individuelle a déjà été souvent combattue. Les frères des écoles chrétiennes, notamment, ont développé un mode simultané d'enseignement dès le début du XVIIIe siècle. Au moment des Cent Jours et pendant la Restauration, le mode mutuel prend comme cible le mode individuel. On peut constater cependant que cette méthode traditionnelle, voire archaïque, résiste encore dans la France de la Monarchie de Juillet. Si 31% des écoles s'y rallient encore (moyenne nationale), il est des arrondissements qui ne connaissent que cette méthode et d'autres dans lesquels plus d'une école sur deux le conserve. Ce mode traditionnel qui ne nécessite ni locaux spécifiques, ni mobilier spécial, ni livres uniformes, ni horaires fixes pour les élèves, ni formation particulière pour le maître survit naturellement dans les plus petites comunes, et là où l’investissement des municipalités et des parents reste faible.

    D’après les données du Rapport au Roi, la répartition géographique de ces conservatoires du mode individuel est relativement homogène. On les trouve dans les zones de montagne comme les Pyrénées de l'ouest, plus que les Alpes ou les Pyrénées de l'est. Toutefois, le lieu où se concentre cet attachement à cette méthode comprend les marches ouest du Massif Central et la plaine Atlantique, du bassin d 'Arcachon à la Vendée. Cela n'empêche pas, au niveau du département, des contrastes importants dès que l'on se trouve sur les zones frontières qui séparent la France du mode individuel et celle du mode simultané.

Méthode mutuelle :

    La méthode mutuelle, soutenue par plusieurs sociétés philanthropiques, comme la « Société pour l'amélioration de l'instruction élémentaire » jouit depuis 1820 de la faveur de l'élite libérale, plutôt protestante, intellectuelle, administrative ou économique (banquiers, industriels) qui y voient une alternative au mode simultané des frères lassalliens. Venue d 'Angleterre, elle vise l'instruction de très grands groupes d' enfants (dépassant la centaine), et paraît à la fois économique et efficace. Dans des classes immenses, les enfants répartis par groupes de niveau, se déplacent, lisent, copient et récitent en cadence, sous le contrôle d'enfants-moniteurs que le maître a formés et auxquels il a délégué son autorité. Les apprentissages sont très strictement organisés: progression analytique des contenus, modernité des instruments de travail (tableaux, ardoises), utilité sociale des savoirs (apprentissage simultané de la lecture et de l'écriture, arithmétique, puis quand les ambitions croissent, géométrie, dessin linéaire, histoire et géographie). La présence de moniteurs permet de dire qu'il s'agit d'une école où les enfants «  s'enseignent mutuellement ». Là où les catholiques dénoncent un embrigadement militaire potentiellement subversif et la désertion du maître, devenu un chef d'orchestre qui n'enseigne plus, les libéraux voient un ordre efficace et une coopération exemplaire. Prête à croître et se multiplier grâce aux stages courts proposés par l'école modèle de Paris et certains cours normaux, les partisans de l'école mutuelle espéraient la voir triompher avec Guizot et devenir la méthode officielle de la monarchie de Juillet. La vigueur de la polémique ne doit pas faire oublier qu’elle resta toujours très minoritaire( 7% au plus de l’effectif des écoles si l’on comptabilise toutes les déclarations de créations sans se soucier de leur durée de vie.) En 1833, d’après le Rapport au Roi, il y a 1905 écoles mutuelles contre 22113 écoles simultanées sur un total de 33695 écoles. Au-delà des grandes villes (Paris, Lyon, Rouen, Marseille, Bordeaux) on trouve des créations concentrées le long des vallées fluviales (Seine, Saône et Rhône, Loire, Garonne) dans des zones manufacturières (Alsace et Lorraine) et dans le Bas-Languedoc. Elle est quasi absente des régions de montagne ainsi qu’en Bretagne et en Champagne. Son déclin au cours de la Monarchie de Juillet s’explique par l’opposition de l’Eglise, du gouvernement, par ses faiblesses propres (coût de l’installation, complexité du fonctionnement, difficulté de trouver et de former des moniteurs) mais aussi par une moindre efficacité à terme que sa rivale simultanée, comme le souligne Louis –Arsène  Meunier. Cet instituteur chevronné, directeur d’école normale, l’a pratiquée avant de l’abandonner. Il écrit dans ses mémoires  (« Mémoires d’un ancêtre »  Cahiers Percherons  n° 65 66 -1981- p 59 ) : "Je ne tardai pas à m’apercevoir qu’excellent pour tout ce qu’il y a d’instinctif et de pratique dans l’instruction, le mode mutuel est d’une impuissance absolue lorsqu’il s’agit de démonstration et d’excitation des esprits".

Méthode simultanée :

    La méthode simultanée est née dans les petites classes des collèges du XVIe siècle. Elle consiste à rassembler en un même lieu des enfants de niveau identique, de manière à pouvoir leur inculquer des savoirs par l'intermédiaire d'un enseignant chargé de les instruire. On dispose de belles descriptions de cette organisation en classes et en divisions dans la Ratio studiorum, mais aussi dans des règlements plus spécifiques, comme par exemple celui du Collège de Guyenne. Au cours du XVIIe siècle,les rénovateurs des petites écoles tentent d'adapter ce principe à des institutions scolaires qui, jusque là, ne connaissaient guère que la méthode individuelle. C'est le cas de Jacques de Bétencour dans la paroisse de Saint Nicolas du Chardonnet à Paris. C'est aussi le cas, un peu plus tard, de Jean Baptiste de La Salle, inspiré sans doute par les mêmes références.

    En laissant aux Frères des écoles chrétiennes la responsabilité de l'enseignement primaire, Napoléon Ier participe à la divulgation de ce modèle sur le territoire national. Guizot fait le même choix. En 1833, le mode simultané déborde très largement l'espace d'influence des Frères des écoles chrétiennes. D’autant plus que, dès la Restauration, l'édition scolaire a fourni de manière bien plus efficace que les procures des Frères les instruments didactiques nécessaires à cet enseignement Les manuels scolaires, les tableaux muraux, sont maintenant produits par centaines de milliers chez les imprimeurs qui industrialisent leurs techniques.

    C’est le mode d’enseignement qui s’imposera sous le second Empire avec des apports de l’enseignement mutuel (présence de grands élèves moniteurs pour faire lire les débutants, démarrage simultané de la lecture et de l’écriture) Mais à cette date le matériel a changé( plumes en acier, papier bon marché etc…)

    Le Rapport au Roi nous montre qu’en 1833, la répartition sur le territoire national du mode simultané n’est plus liée à la présence ou à l’absence des Frères des écoles chrétiennes. Il permet en revanche d’opposer massivement une France du nord à une France du sud. Si la France du nord, à quelques exceptions près (Bretagne, Cotentin) est homogène, ce n’est pas le cas de la France du sud où les contrastes sont plus forts. Le Massif Central, le Languedoc toulousain, une partie de la Guyenne, le littoral méditerranéen, les confins du Comté de Nice et la Corse se caractérisent par des oppositions violentes entre les arrondissements où la méthode individuelle est presque partout adoptée et les arrondissements où elle reste encore très faible. Certes, les grandes villes comme Toulouse ou Lyon jouent un rôle fort dans les avancées de la méthode simultanée, mais des arrondissements très ruraux participent aussi au mouvement.

    Les inspecteurs donnent presque toujours une réponse nette et sans ambiguïté quant à la méthode suivie par l'instituteur qu'ils visitent.  Cependant, le rapport de Lorain pour l'Indre-et-Loire nous amène à plus de circonspection: "(...) si nous examinons de près ceux de nos instituteurs qui se piquent d'adopter et de suivre une des deux méthodes mutuelle ou simultanée, nous verrons qu'ils ne les connaissent ordinairement pas. Quant à ceux qui professent à la fois l'une et l'autre, j'ai presque toujours vérifié qu'ils ignoraient l'une et l'autre. Si vous avez des bancs garnis d'une image imparfaite de télégraphie,(communication instituteur-moniteurs par signaux) vous faites de l'enseignement mutuel, c'est à dire que les enfants se promènent dans la classe en fesant (sic) le plus de bruit possible avec leurs sabots. Si vous avez cinq ou six enfants qui ont le même livre et qui suivent ensemble pour la lecture, tout le reste de l'école fût-il sans livres, vous faites de l'enseignement simultané". Tous les inspecteurs étaient-ils aussi au fait des méthodes pédagogiques que Lorain? Il est permis d'en douter. Or leur réponse à cette question dépend de leur interprétation de la pratique de l'instituteur.

Le mobilier :

     En cas de méthode mutuelle, l'inspecteur doit indiquer si l'école est convenablement équipée tant en mobilier qu'en matériel pédagogique et en tableaux dont il doit préciser l'éditeur. Ce qui permet de contrôler que les écoles disposent bien des moyens matériels leur permettant de mettre correctement en oeuvre la méthode. Bien que ce ne soit pas prévu, les inspecteurs ont assez souvent renseigné cette rubrique en cas de méthode simultanée. C’est logique, la méthode simultanée a elle aussi besoin d'un minimum de matériel pédagogique pour fonctionner.

Les livres :

    En l’absence de précision dans la question, on ignore le critère retenu par l’inspecteur : un livre par élève? un pour deux? pour trois? Est donnée de même la liste des livres et des tableaux en usage dans l'école. Pour le moment, ils ne sont pas intégrés à la base de données.

Les objets :

    Objets dont manque l’école, moyens de se les procurer. Cette question a un caractère subjectif et les réponses le sont forcément en fonction des critères propres à chaque inspecteur. Elle reste très souvent sans réponse, au point de ne pas avoir été retenue dans certains départements.

Les matières enseignées :

    Les matières enseignées sont toutes indiquées clairement. Le questionnaire comportait la liste des onze matières pouvant être trouvées dans les écoles primaires à cette époque. C'est-à-dire dans l’ordre : Instruction religieuse (histoire sainte et catéchisme) lecture, écriture, orthographe, grammaire, arithmétique, arpentage, dessin linéaire, géographie, histoire, musique. Certaines, comme l'arpentage, la géographie, l'histoire, la musique, n'apparaissent que dans une petite minorité d'écoles, presque toujours urbaines. Le dessin linéaire est, lui, exclusivement urbain. La présence d'une matière ne nous renseigne ni sur l'horaire qui lui est consacré, ni sur les contenus, ni sur le niveau et la manière dont elle est enseignée. En l'absence de critères précis dans le questionnaire, le calcul, par exemple, peut aller des opérations simples à la résolution de problèmes, ce qui n’est que très rarement précisé par les inspecteurs. Les "autres" matières présentes dans l'enquête quand elles sont précisées sont : système métrique, plain-chant, dessin académique, poids et mesures, géologie, catéchisme breton.

    Le niveau et qualité de l'enseignement  :

    - Sa tenue sous le rapport de l'ordre, de la discipline, du travail.

    - L'état de l'enseignement et les progrès des élèves.

    - La présence de cahiers et leur tenue.

Il y a ici jugement de valeur de la part de l’inspecteur. Sur les feuilles des questionnaires, l'espace réservé ne permet que des réponses laconiques. La plupart du temps, il n'y a qu'un seul mot (ex: bon, médiocre...). On peut présumer une relative homogénéité des critères de jugement chez un même inspecteur, mais les différences d'appréciation de l'un à l'autre peuvent être importantes. Pour permettre un traitement informatique, nous avons réparti les réponses en six classes Très bien, bien, etc…Nous avons parfois hésité dans le classement de tel ou tel terme, celui de médiocre par exemple dont le sens au XIXe siècle est parfois, mais pas toujours, différent du nôtre. Il y a donc deux niveaux d’interprétation successifs :celui de l’inspecteur sur ce qu’il constate, le nôtre pour coder ses appréciations. De ce fait, les données sont biaisées. L’inconvénient est indéniable, mais le refuser reviendrait à exclure ces items du traitement informatique.

 

    Avec quatorze questions regroupant trente neuf items, cette dernière partie est aussi la plus étoffée. Guizot l'a voulu ainsi. Les premières questions s'intéressent, outre l'état-civil, à la situation familiale et matérielle du maître: âge, situation de famille, enfants et personnes à charge, fortune personnelle. Cette partie, claire et sans ambiguïté, est toujours renseignée. La question "Quelle est sa position de fortune personnelle" peut amener une incertitude. La plupart du temps, l'inspecteur répond d'un mot:"pauvre", "rien", "aisance", etc... Parfois, il indique un revenu annuel, très rarement un capital. Pour des sommes moyennes, on a parfois hésité entre capital et revenus, au point de ne pas tenir compte de l'information. Mais ce sont là des cas rares et isolés. D'ailleurs, la plupart du temps, le maître n'a aucun patrimoine. Nous avons aussi mis sous cette rubrique les revenus autres que ceux qui sont tirés d'une activité au service de la commune. Il s'agit par exemple des pensions d'ancien militaire ou des revenus d'un autre métier.

Qualification professionnelle de l'instituteur :

    Cinq questions concernent la qualification du maître et ses qualités professionnelles: brevet, autorisation, engagement décennal, passage dans une école normale, médaille ou mention honorable. Ici encore, pas d'ambiguïté, on répond par oui ou par non.

Brevet

    L'ordonnance du 29 février 1816 stipule que pour enseigner, les maîtres devront être titulaires d'un brevet de capacité délivré par l'inspecteur d'académie.

Il comporte trois degrés :

3e degré: Lire, écrire,chiffrer

2e degré: En plus, orthographe, calligraphie, calcul.

1er degré: En plus, arpentage, arithmétique, grammaire, géographie, « et autres connaissances utiles pour l'enseignement primaire »

Beaucoup de maîtres sont encore dépourvus de tout brevet en 1833. Le 1er degré est rare, même en ville.

La loi de Juin 1833 ( article 4) ne prévoit plus que deux niveaux, l’un pour enseigner dans l’instruction primaire élémentaire (brevet élémentaire)l’autre pour l’instruction primaire supérieure( brevet supérieur). L’article 1er définit le contenu de ces deux niveaux d’enseignement :

"L’instruction primaire élémentaire comprend nécessairement l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures.

L’instruction primaire supérieure comprend nécessairement, en outre, les éléments de la géométrie et ses applications usuelles, spécialement le dessin linéaire et l’arpentage, des notions des sciences physiques et de l’histoire naturelle applicables aux usages de la vie, le chant, les éléments de l’histoire et de la géographie, et surtout de l’histoire et de la géographie de la France".

Autorisation :

    Délivrée par le recteur après agrément du préfet pour enseigner dans un lieu déterminé,sur présentation du brevet et d'un certificat de bonne vie et moeurs. Beaucoup de maîtres en sont encore dépourvus en 1833 : « Maîtres buissonniers ».

Ecoles normales :

    La première est installée à Strasbourg en 1810 à l'imitation de celles qui fonctionnent dans l'Allemagne voisine. Elle reste longtemps la seule avant d'être imitée en 1823 dans la Meuse et la Moselle. Ce n'est qu'à partir de 1828 que les créations s'accélèrent. En 1833, soixante deux écoles existent mais elles sont  très récentes, voire en cours d'installation. Elles reçoivent des élèves préparant désormais le brevet élémentaire qui sanctionne la maîtrise des matières à enseigner. Elles reçoivent aussi des instituteurs en activité dans des « stages » de durée variable pendant les vacances, pour une mise à niveau dans les matières nouvelles qu’ils ont à enseigner (orthographe,arpentage, poids et mesures …) Notons qu’à cette époque, il n’y a pas, dans les écoles normales, de formation pédagogique spécifique, le maître reproduisant auprès de ses élèves la manière dont on lui a enseigné les différentes disciplines. Nous avons aussi indiqué sous cette rubrique les autres formations qu'ont pu suivre les instituteurs, en particulier les cours normaux  ou les écoles modèles où ils se familiarisent avec les méthodes modernes, mutuelle ou simultanée.

Exemption du service militaire :

    La loi Gouvion Saint-Cyr (1818) sur le recrutement de l'armée, prévoit l'exemption du service militaire pour les instituteurs s'engageant à exercer pendant dix ans. En 1833, peu de maîtres semblent en avoir bénéficié.

Médailles et mention honorable :

L’ordonnance du 29 février 1816 prévoit de récompenser les maîtres qui se sont le plus distingués, mais c’est un arrêté de la Commission de l’instruction publique du 15 juin 1818 qui en fixe les modalités/ : " Il sera distribué,dans chaque académie du royaume, deux médailles en argent et quatre en bronze aux instituteurs primaires qui se seront distingués par la meilleure tenue de leurs écoles, les progrès des élèves et la supériorité des méthodes d’enseignement… ". Elles sont décernées chaque année par le conseil académique.  Jusqu’en 1875, elles sont purement honorifiques et ne donnent lieu à aucune gratification financière. L’enquête montre que la mention honorable existe déjà en 1833, m ême si d’après le Dictionnaire de F.Buisson, elle fut créée officiellement par un arrêté du 27 avril 1837.

Qualités personnelles et insertion dans le milieu local

    Quatre questions regroupant plusieurs items chacune s'intéressent  à la personne du maître, à sa capacité, son zèle, ses qualités, ses défauts, son caractère, son comportement. De même, on cherche à savoir s'il est bien considéré dans son milieu, s'il a "le respect de ses élèves", "l'estime des parents", "la bienveillance des autorités". Il y a presque toujours des réponses, mais elles sont laconiques. Elle dépendent de l'appréciation de l'inspecteur et, plus encore, de celle des notables qui l'ont informé. Elles s'accompagnent parfois de quelques lignes de commentaires, en particulier quand le maître est en conflit avec le maire ou le curé.

Capacité, aptitude, zèle, devoirs :

    Il y a ici jugement de valeur de la part de l’inspecteur. Sur les feuilles des questionnaires, l'espace réservé ne permet que des réponses laconiques. La plupart du temps, il n'y a qu'un seul mot. On peut présumer qu'il y a une relative homogénéité des critères de jugement chez un même inspecteur, mais les différences d'appréciation de l'un à l'autre peuvent être importantes. De plus, pour permettre un traitement informatique, nous avons réparti les réponses en cinq classes : très bien ou beaucoup, bien, etc…Nous avons parfois hésité  dans le classement de tel ou tel terme, celui de médiocre par exemple dont le sens au XIXe siècle est parfois, mais pas toujours, différent du nôtre. Il y a donc deux niveaux d’interprétation successifs :celui de l’inspecteur sur ce qu’il constate, le nôtre pour coder ses appréciations. Dès lors dans quelle mesure les données sont-elles biaisées par ce double niveau ? Comme pour les items précédents comportant un jugement de valeur, nous avons choisi de les conserver dans la base de données.

Respect, estime, bienveillance du curé  et des autorités. Ces items  reflètent l’appréciation de l’inspecteur, mais plus encore celle des notables qui l’ont informé.

Autre profession :

L'avant-dernière question traite d'une éventuelle "profession ou commerce" exercée parallèlement au métier de maître d'école. De fait, les inspecteurs n'indiquent le plus souvent la profession que quand ils la jugent incompatible avec l'état d'instituteur. L'absence de réponse ou un "non" ne signifient pas que le maître vit exclusivement de l'enseignement. Le libellé même de la question les y incite par son ambiguïté: «  N'exerce-t-il pas quelque autre profession ou commerce peu compatible avec les fonctions de l'enseignement »D'ailleurs, les revenus des maîtres, tels qu'ils apparaissent dans l'enquête, ne permettent généralement pas à une famille de vivre, même chichement. Cette rubrique ne nous renseigne pas sur les métiers fort nombreux exercés à cette époque par les maîtres d'école.

Conférences pédagogiques et bibliothèques :

Cette dernière question, qui traite de conférences pédagogiques et de l'existence de bibliothèques reste, la plupart du temps, sans réponse. Vu le soin avec lequel l'enquête a été accomplie, on peut penser que l'absence de réponse équivaut à l'absence de structures. Même en cas de réponse positive, un doute subsiste car certains inspecteurs ont interprété la question rédigée au conditionnel, comme leur demandant d'indiquer l'endroit où l'on pourrait les installer .

 

    Par la méthode employée, questions fermées, précises, réclamant souvent des données chiffrées, des réponses par oui ou non, l'enquête Guizot se prête bien à une saisie informatique. Les ambiguïtés sont rares, et les réponses sujettes à interprétations avant saisie ne concernent que quelques questions.

    Avec trente-quatre rubriques regroupant soixante-quatorze items pour chacune des écoles visitées, cela représente une énorme masse d'informations. Son traitement dépasse rapidement les capacités d'un individu ou même d'une équipe. Notons que, sous Guizot, la simple collation des données, l'établissement de tableaux pour une partie seulement des questions, le calcul des totaux et de quelques moyennes a occupé, d'après Christian Nique, dix sept personnes de décembre à avril, le Rapport au roi paraissant le 15 avril. C'est pourquoi le Service d'histoire de l'éducation de l'INRP a entrepris de constituer une base de données informatisées. Ce travail est en cours depuis plusieurs années. Plusieurs académies ont été saisies. D'autres suivront.

Cette saisie s'est effectuée en deux temps:

    - À partir des microfilms des Archives nationales, on a établi des fiches sur papier. Elles reprennent l'ensemble des informations contenues dans les questionnaires de l'enquête. Les synthèses cantonales rédigées par les inspecteurs sont recopiées ou photocopiées.

    - Les données contenues dans ces fiches sont codées puis saisies informatiquement. Figurent parfois des informations qui n’ont pas été retenues, soit par manque de précision soit quelles débordent du cadre fixé par les questionnaires qui ont servi de base à la grille informatique.  

Nous avons saisi le plus complètement possible l'ensemble de l'enquête, car le but de notre travail est d'arriver à mettre à la disposition de toute personne en ayant besoin pour une recherche, une banque de données informatique aussi fidèle que possible à son modèle.

 

 

   La base de données sur l'Enquête Guizot a été réalisée par une équipe du Service d'Histoire de l' Education de l'I.N.R.P placée sous la direction de Jean Hebrard puis d' Anne-Marie Chartier.

   Le dépouillement des archives, la saisie des données pour les onze départements figurant actuellement dans la base , ainsi que la rédaction des commentaires ont été effectués par Jean-Pierre Chevalier, Jean-Louis Gineste, André Oliva, enseignants associés au S.H.E, Yvonne Pasquet,chercheur associé, tous membres de l'équipe.

   Par leur intérêt porté aux travaux, leur soutien, leurs suggestions, leurs conseils, tous les personnels du S.H.E y ont peu ou prou participé.

   Le développement et la mise en ligne ont été assurés par Philippe Vaillant et André Oliva, enseignants associés, en collaboration avec le service commun informatique de l'I.N.R.P.