EXPERIMENTATION DES AMENAGEMENTS DES RYTHMES SCOLAIRES

(Extraits du rapport du CESARE)

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L'expérimentation de l'aménagement des rythmes scolaires initiée par le Gouvernement et plus particulièrement par le Ministère de la Jeunesse et des Sports de mai 1996 à juin 1998 a été conduite dans 230 sites pilotes (859 établissements, 108 402 enfants).

Si l'accent a été mis sur le temps scolaire, c'est pour mieux l'articuler aux autres temps de l'enfant. L'aménagement des rythmes scolaires participe d'une approche globale du temps de l'enfant et de son éducation. Cette politique poursuit plusieurs finalités :

  • mieux respecter les rythmes de vie de l'enfant dans le souci de son bien-être ;
  • encourager le développement personnel de l'enfant par un accès facilité à la culture, à la science, au sport ;
  • contribuer à la réussite scolaire de l'enfant et plus généralement à l'acquisition et à la maîtrise du savoir ;
  • favoriser la participation de l'enfant à la vie de la cité, et en particulier son intégration dans une communauté.

Des résultats encourageants

  • Aménagements du temps, respect des rythmes de vie, bien-être de l'enfant

La mise en œuvre du dispositif expérimental a favorisé l'émergence d'une grande variété des formes d'aménagement :

  • L'émergence de ce temps intermédiaire entre l'école et la famille et différent du temps ''périscolaire'' comme du temps "extrascolaire" (de loisirs) constitue une innovation. C'est un temps éducatif, proche de l'école : il n'existe que du fait de la libération du temps scolaire et il appelle à une articulation avec le temps scolaire du point de vue des apprentissages.
  • Les résultats de l'expérimentation démontrent que la construction de l'emploi du temps de l'enfant résulte d'un équilibre subtil entre le respect de ses rythmes, les rythmes d'apprentissages et les autres rythmes sociaux.

De façon générale, une conception équilibrée de ces aménagements génère des effets positifs sur le bien-être des enfants.

  • Développement de l'enfant
  • La mise en place d'activités culturelles, sportives, scientifiques, manuelles recueille une adhésion massive chez les parents.
  • L'objectif de démocratisation de l'accès aux activités culturelles et sportives est atteint.
  • Les activités souvent qualifiées de "périscolaires" peuvent être sources de multiples apprentissages chez l'enfant.
  • Ces apprentissages ont d'autant plus d'impact qu'ils sont pensés en cohérence avec les apprentissages scolaires.
  • Réussite scolaire

Ces liens étroits entre les apprentissages "informels", liés aux activités "périscolaires" et les apprentissages "formels", de type académique sont d'ailleurs très bien perçus par les parents. Quatre parents sur cinq jugent favorable l'impact des activités sur les apprentissages fondamentaux, à condition toutefois que le nombre de celles-ci ne soit pas excessif.

De fait, même si pour l'heure, les aménagements du temps ne semblent pas avoir d'impact sur les performances scolaires, ils influencent en revanche positivement le rapport à l'école.

  • Participation à la vie de la cité
  • L'expérimentation a encouragé le développement de l'autonomie et la prise de responsabilité chez les enfants.
  • L'enfant qui devient petit à petit acteur, développe alors un sentiment d'appartenance plus fort à sa ville, à son environnement.

A ces effets bénéfiques sur l'enfant, s'ajoutent également des impacts positifs sur la société. On peut les classer en deux grandes catégories : l’Aménagement des Rythmes Scolaires produit des effets en termes de développement d'une part et de régulation sociale d'autre part.

  • Développement local

On constate en premier lieu un renforcement de la dynamique locale :

  • Cette nouvelle donne du local a également des répercussions positives sur la vie associative en termes de développement des adhésions et de l'offre d'activités de loisirs. L'Aménagement des Rythmes Scolaires permet d'optimiser l'utilisation des ressources locales.
  • Ce processus d'activation du développement du territoire débouche sur l'émergence de nouvelles relations entre collectivités locales.
  • Régulation sociale et politique

En termes de régulation sociale, on voit poindre de nouveaux styles de relations et de partenariat. L'ARS génère de la mise en réseau, c'est-à-dire le rapprochement, l'association d'acteurs très différents issus de milieux professionnels divers, ayant des qualifications et des statuts contrastés, qui n'ont pas eu nécessairement l'opportunité jusqu'alors de se côtoyer, d'échanger, d'être en relation, de travailler ensemble dans une action.

Les améliorations à envisager

De manière générale, ces efforts à visée d'optimisation doivent être portés dans deux directions : la première est le renforcement de la cohérence de cette politique ; la seconde est l'accroissement de son efficience, c'est-à-dire de l'adaptation des moyens eus égard aux finalités poursuivies.

  • Vers une plus grande cohérence

L'analyse réalisée montre que la politique d'aménagement du temps de l'enfant souffre d'un déficit de lisibilité car elle n'explicite pas les liens entre les différentes finalités poursuivies au niveau national.

Cette approche globale articulant les finalités favoriserait le renforcement du partenariat éducatif, qui pour l'heure rencontre encore ici et là un certain nombre d'obstacles et de résistances.

La persistance d'une conception juxtaposée des temps scolaires et ''périscolaire'' (classique et nouveau) chez certains acteurs produit un certain nombre d'effets néfastes : des déséquilibres dans les apprentissages, des contradictions et des discontinuités dans les démarches pédagogiques, la faiblesse des relations entre enseignants et intervenants, l'existence des replis corporatistes, des pratiques pédagogiques qui se figent.

De la même manière, force est de constater, pour l'heure, le déficit de légitimité dont souffrent certains acteurs.

Cet exercice de mise en cohérence des actions éducatives doit être également conduit au niveau local ; la situation actuelle donne encore souvent à voir un empilement de dispositifs et d'initiatives.

  • Vers une plus grande efficience

De façon générale, les problèmes repérés concernant les conditions de mise en œuvre s'expliquent par le contexte expérimental, c'est-à-dire une situation de court terme non stabilisée :

  • En ce qui concerne les coûts, l'absence de modèle normatif des aménagements, l'extrême diversité des projets qui en résulte, l'hétérogénéité des collectivités concernées, l'existence de pratiques budgétaires différentes, n'ont, entre autres, pas contribué à une maîtrise des coûts de l'expérimentation. Des facteurs de surcoût ont été identifiés.
  • Malgré un volume d'activités conséquent, le dispositif expérimental n'a pas répondu aux attentes que l'on pouvait avoir initialement en matière de création d'emplois.
  • On est conduit à penser à la lecture des lignes précédentes que la complexité réelle de la mise en œuvre de cette politique impose le recours au partenariat. Force est de constater que la démarche de partenariat autour d'un projet, bien que progressant globalement, est complètement ignorée dans maints endroits.
  • De la même manière, la coopération intercommunale qui faciliterait pour le moins la mutualisation des ressources, rencontre encore de nombreux freins.

Des points à éclairer

Concernant les aménagements du temps, des recherches nous semblent devoir être poursuivies sur plusieurs aspects, notamment :

  • sur les impacts respectifs des différents types d'aménagement des après-midi au regard du bien-être de l'enfant, et en particulier de sa fatigue ;
  • les effets du transfert du samedi matin au mercredi selon les mêmes critères ;
  • le vécu de "l'aménagement du temps" des enseignants et des intervenants au regard de la qualité de vie l'équilibre à trouver entre les activités et le temps libre favorisant le repos, le calme, la relaxation... dans ce nouveau temps "entre l'école, la famille et les loisirs".

Concernant la démocratisation des pratiques et les effets sur le développement personnel :

  • l’analyse de la persistance ou non d'inégalités : différences de pratiques chez les enfants d'origine aisée et les enfants d'origine modeste, différences d'offre d'activités périscolaires entre communes riches et communes pauvres ;
  • les transferts d'apprentissage entre les disciplines scolaires et les activités "périscolaires" (et vice versa) ;
  • les complémentarités des démarches pédagogiques ;
  • la singularité de l'éducation populaire.

Concernant "la réussite scolaire" :

  • le suivi longitudinal des "élèves" expérimentaux et de leurs performances scolaires à moyen terme ;
  • l'analyse plus particulière des passages de ces publics du CM2 à la sixième ;
  • l'analyse des effets de la discontinuité d'un emploi du temps aménagé à un emploi du temps classique en termes de résultats scolaires et de rapport à l'école ;
  • l'analyse des effets sur la vie scolaire au collège.

Concernant les conditions de mise en œuvre :

  • une approche économique coûts/efficacité et coûts / bénéfices l'émergence de nouvelles professionnalités ;
  • la place des associations dans le partenariat.

Recommandations relatives aux principes de l'aménagement du temps de l'enfant

La réussite de la politique d'aménagement du temps de l'enfant, et la nécessité de lui garder tout son sens, impliquent le respect de plusieurs principes :

  • Cette politique doit être conduite dans la durée, de manière continue.
  • Elle requiert une mise en cohérence des actions éducatives dans le temps et dans l'espace.
  • Elle induit la "coéducation", c'est-à-dire la constitution d'une communauté éducative élargie, composée de parents, d'intervenants, d'enseignants, d'élus et d'acteurs locaux, de bénévoles, d'agents de l'Etat...
  • Elle nécessite l'adhésion de l'ensemble de ces acteurs et fait appel à des compétences plurielles, complémentaires et reconnues.
  • Elle prend en compte la singularité des rythmes biologiques, physiologiques, psychologiques des enfants comme celle des rythmes sociaux et des contextes de vie.
  • Cette politique concerne tous les niveaux d'enseignement, de la maternelle aux lycées. Son développement dans les collèges doit être encouragé de façon prioritaire.
  • Elle a vocation à s'appliquer sur tout le territoire et à toucher tous les enfants.
  • L'extension de cette politique suppose son inscription dans le cadre de l'aménagement et du développement du territoire.
  • L'aménagement du temps de l'enfant relève d'une politique publique territoriale

Pour garantir l'égalité des chances et favoriser la démocratisation de l'accès aux activités culturelles et sportives, il importe de réfléchir aux modalités d'une inscription plus franche de cette politique dans le cadre du service public.

Elle est mise en œuvre en coresponsabilité et de façon volontariste, sur la base d'un projet de territoire, élaboré conjointement entre l'Etat, la collectivité territoriale, les acteurs éducatifs et la société locale.

Les collectivités territoriales jouent un rôle premier dans l'initiative d'un projet éducatif territorial, ainsi que dans sa pérennisation. Elles ont une responsabilité de maître d'ouvrage qui doit leur être reconnue contractuellement. Dans une politique territoriale, l'Etat remplit trois fonctions :

  • l'Etat garant doit veiller à la pertinence, à la qualité et à l'efficacité des actions comme à l'accès de tous au service public.
  • l'Etat partenaire doit inciter, conforter les collectivités territoriales par la mobilisation de ressources intellectuelles, financières, humaines sur plusieurs années.
  • l'Etat médiateur doit faciliter les relations inter partenariales et permettre l'appropriation du projet par tous les acteurs.

Préconisations opérationnelles

  1. Temps de l'enfant
  • Prendre en compte le temps global de l'enfant : sur la journée, la semaine, l'année, dans l'école ou hors école en concevant des liaisons entre les situations pédagogiques, les espaces, le contexte local, la vie sociale et familiale.
  • Poursuivre la réduction et le rééquilibrage du temps scolaire : sur la journée, la semaine, l'année.
  • Définir en concertation le "tiers temps éducatif et social", sa nature, sa fonction, son statut, sa relation aux autres temps.
  • Répartir les activités de l'enfant et ses temps de détente, de repos, de jeu dans le souci de son bien-être et de son développement personnel.
  • Constituer des fortins de réflexion et de proposition sur l'évolution générale des temps sociaux et de leurs interactions.
  1. Education
  • Supprimer la hiérarchisation entre apprentissages scolaires et apprentissages non scolaires. Les mettre en cohérence et chercher un équilibre d'ensemble en vue du développement de tous les potentiels de l'enfant.
  • Bannir l'excès d'activités. Renforcer la pertinence des activités par l'élaboration d'un projet pédagogique (objectifs, contenus, méthodes).
  • Développer chez les enfants des capacités à réinvestir tous les types d'apprentissages, individuels autant que collectifs.
  • Développer une éducation au choix en direction des enfants par une présentation et une explicitation du sens, des modalités, des difficultés propres à chaque activité.
  • Associer les familles, les bénévoles et des professionnels d'horizons divers dans cette démarche éducative.
  1. Projet / Partenariat / Territoire
  • Intégrer le projet d'aménagement du temps de l'enfant dans un projet de développement durable d'un territoire.
  • Définir en concertation les finalités, les objectifs et les moyens liés à ce projet éducatif territorial et créer ainsi un langage commun et des références collectives.
  • Mettre en place un management de projet, démocratique et participatif favorisant la transparence, la mise en réseau, l'échange. Préciser les rôles de chacun dans le partenariat.
  • Veiller à la mise en place de comités de pilotage locaux qui constituent un espace de rencontres et de concertation, de coopération entre co-éducateurs : familles, associations, acteurs municipaux administratifs, sociaux.
  • Associer les enfants et les jeunes à cette démarche. A l'extérieur de l'école, mobiliser les structures existantes (conseils municipaux de jeunes, associations), à l'intérieur de l'école développer les démarches participatives (règlement intérieur, extension du statut de délégué, etc.).
  • Légitimer le rôle du chef de projet ou du coordonnateur qui assure l'interface entre les acteurs éducatifs, facilite la régulation entre partenaires, et supervise la logistique.

Mesures d'accompagnement

  • Développer des ressources pédagogiques partagées.
  • Créer un espace permanent et légitime de rencontres entre les enseignants et les intervenants, qui favorise la concertation et la régulation, ouvert également aux échanges avec les parents et les enfants.
  • Encourager une réflexion commune de tous les acteurs de l'éducation sur les cultures et pratiques de chacun en vue de faciliter l'émergence d'innovations, et la complémentarité des professionnels et des savoirs-faire.
  • Engager au niveau des administrations concernées une réflexion sur les contenus et méthodes de formation ainsi que sur les diplômes.
  • Organiser des formations en direction de l'ensemble des acteurs éducatifs (dont les parents, les volontaires et les bénévoles). En particulier, développer des modules de formation initiale et continue pour les enseignants, les personnels de la jeunesse et des sports, et les personnels territoriaux et les intervenants associatifs.

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