bannière

c

Cartes

Dans cet article, où nous avons à parler de l'usage des cartes dans l'enseignement primaire comme instrument indispensable de toute étude de la géographie, nous traiterons sommairement les points suivants : 1° nécessité des cartes ; 2° valeur des différentes cartes faites pour l'enseignement primaire ; 3° lecture des cartes scolaires et, dans une certaine mesure, des cartes en général. Pour la construction ou le dessin des cartes par les élèves eux-mêmes, voir l'article Cartographiques {Exercices).

1. Nécessité de l'usage des cartes dans l’enseignement primaire — Le temps n'est plus où l'on croyait pouvoir enseigner la géographie à l'aide d'un simple livret donnant, sans cartes, la nomenclature des mers, des lacs, des montagnes s'il s'agissait de géographie physique, ou la non moins sèche nomenclature des contrées, des provinces et des chefs-lieux s'il s'agissait de géographie politique. La carte est à l'enseignement géographique ce qu'est la collection d'images à l'étude de l'histoire naturelle, ce qu'est la collection des poids et mesures à l'étude du système métrique, ce qu'est encore le livre de lecture à l'enseignement de la langue. Ce n'est pas seulement un moyen de représenter les objets à étudier, c'est le seul moyen d'en acquérir une certaine notion, la condition sans laquelle on n'aura jamais que des mots dans la mémoire et non des idées dans la tête.

Si évidente que semble aujourd'hui cette vérité, il ne faudrait pas croire qu'elle ait toujours paru telle. Il ne serait pas nécessaire de remonter bien loin pour trouver les premiers exemples de l'emploi des cartes dans les écoles primaires : le degré d'enseignement qui, étant le plus élémentaire, pouvait passer pour exiger plus impérieusement qu'aucun autre l'usage de cet appareil, en a été doté le dernier, et non sans peine. Avant le dix-neuvième siècle, il n'était question nulle part de cartes scolaires à l'usage du peuple, bien qu'il existât des cartes et même des atlas destinés à l'enseignement secondaire ou supérieur. C'est seulement, on peut le dire, dans ces dernières années qu'on a généralisé en Allemagne, en Suisse, en France, en Angleterre, l'application des cartes à l'enseignement primaire.

On s'en est, du reste, d'autant plus servi qu'on a su mieux les faire, et, par une réaction naturelle, plus on a pris l'habitude de s'en servir, plus on s'est occupé de les perfectionner. De là le grand nombre de systèmes et de procédés cartographiques aujourd'hui usités et que nous avons à examiner brièvement.

2. Différentes cartes applicables à l'enseigne ment primaire ; leur valeur et leur emploi. — 1° CARTES EN RELIEF. — Logiquement, la première carte à mettre sous les yeux de l'enfant, c'est la carte en relief. On peut commencer par des reliefs représentant un paysage purement idéal ; mais il faut passer aussitôt à la représentation des contrées réelles.

La première mention que nous connaissions d'une carte en relief se rapporte à un relief d'Antibes et de ses environs en 1665 ; les reliefs topographiques se multiplient au dix-huitième siècle : on connaît entre autres une bonne carte en relief du canal de Bourgogne. La construction des grands reliefs géographiques d'après une méthode savante est due à Bardin, qui représenta les étages du terrain par des reliefs en plâtre à gradins. Mais l'emploi de ce genre de cartes dans les écoles paraît avoir été inauguré chez nous par M. Sanis et par M. Bauerkeller. M. Sanis avait construit à Paris, dans un jardin près de la barrière du Maine, un géorama qui n'était pas sans intérêt : il fabriqua ensuite, sans trop se préoccuper de l'exactitude des proportions, différentes cartes où les chaînes de montagnes étaient représentées par des séries de petites élévations en forme de pains de sucre ; c'était donner de la structure des massifs de montagnes une bien fausse idée ; mais du moins cet essai appelait l'attention des maîtres et des cartographes sur la nécessité de représenter et d'étudier les grands mouvements du sol. M. Bauerkeller diminua un peu l'exagération des montagnes et améliora la confection des reliefs. Plus tard, vers 1878, un instituteur retraité nommé Chardon construisit, aux environs du parc de Montsouris, un immense géorama représentant la terre tout entière en projection de Mercator. Le relief y était indiqué par des morceaux de pierre meulière. Les principaux sommets portaient un drapeau avec une cote d'altitude.

Depuis que l'usage des cartes en relief, graduellement perfectionnées, a pris faveur dans les écoles, deux systèmes se disputent l'avantage pour la confection de reliefs scolaires : le relief à gradins et le relief à pente continue. Le premier est la simple figuration des courbes de niveau ; il représente les étages successifs du terrain, de 100 en 100 mètres par exemple si les courbes sont à cette distance l'une de l'autre ; l'espace intermédiaire entre deux courbes est en quelque sorte coupé à pic. Un des moyens les plus simples de le construire consiste à superposer des couches assez minces de carton ou de bois, découpées de manière à suivre tous les contours de la courbé ; ce procédé est celui qu'a employé par exemple M. Beust (de Zürich) dans la confection des cartes faites soit pour les élèves, soit par eux-mêmes.

Le relief à pente continue, quand il est appliqué avec talent au plâtre ou à d'autres matières à la fois plastiques et susceptibles de solidité, donne des formes moins raides, une image plus vivante et plus souple de la réalité, un modelé plus fini. On peut l'obtenir soit par le moulage, procédé appliqué avec succès dans les cartes en relief de la France et dans celles des départements, exécutées, sous la direction de M. Levasseur, par Mme Kleinhans (éd. Delagrave), soit par le procédé du repoussé, qui s'applique à une sorte de carton-pâte. Ce dernier système, qui a l'avantage de l'économie, a été longtemps justement critiqué, d'abord en ce qu'il rendait les arêtes uniformément molles, ensuite parce que, la carte devant être imprimée sur une feuille plane avant d'être pressée dans la matrice, il arrivait souvent que les cours d'eau se trouvaient jetés hors de leur thalweg. Mais, après avoir été essayé par M. Bauerkeller, l'estampage a été porté à un haut degré de perfectionnement par M. Drivet (France, d'après l'hypsométrie, de MM. Pigeonneau et Drivet, éd. Belin), par Beck dans sa carte de Suisse, par quelques cartographes allemands, et, il y a une vingtaine d'années, par J. Chardon, fils du constructeur du géorama de Montsouris. J. Chardon, mort récemment, avait exposé en 1900 toute une série de reliefs d'une beauté remarquable. Un de ces reliefs, représentant la France au 1 000 000e, a été édité par la librairie Hachette. Une photographie réduite de ce relief a été publiée dans l'Atlas de géographie moderne, par F. Schrader, F. Prudent et E. Anthoine ; plus tard des réductions de cette carte ont été données dans plusieurs cours de géographie édités par la maison Hachette. Le dernier atlas scolaire, l'Atlas classique de Schrader et Gallouédec, contient, outre la carte de France, un grand nombre de photographies de reliefs représentant les continents et les principaux Etats d'Europe.

Cette représentation du relief terrestre au moyen de la photographie sert de transition entre les cartes en relief, encombrantes et d'un prix relativement élevé, et les cartes planes avec un figuré du terrain conventionnel.

2° CARTES MURALES. — L'usage de cartes de grande dimension destinées à être suspendues aux murs et vues de loin n'est pas d'invention moderne : témoin ce plan de l'Univers ou, ce qui était presque synonyme, de l'Empire romain, qu'Auguste avait fait dresser dans un portique public dédié à son ancien ministre Agrippa (Rome au siècle d'Auguste, lettre LXX). Mais l'application de la cartographie murale à l'enseignement scolaire est de date toute récente.

A cet égard, l'Allemagne a incontestablement devancé la France, ou plutôt elle n'a pas eu de rival jusqu'à ces dernières années. Le géographe E. de Sydow commença vers 1838 ses cartes physiques murales, conçues dans l'esprit de l'enseignement géographique de Ritter. Le mérite et l'originalité de ces cartes consistaient dans les caractères suivants : au lieu de distinguer par des teintes plates les contrées et les divisions territoriales politiques, elles représentaient par des teintes différentes les différentes altitudes du terrain : les vallées étaient représentées en vert, les plateaux en blanc, les massifs montagneux par des hachures très apparentes.

Ces cartes étaient la première application pédagogique d'une idée qu'Alexandre de Humboldt avait mise en lumière : elles introduisaient dans l'enseignement « une des grandes faces de la géographie naturelle, l'hypsométrie, celle qui détermine par des observations précises la hauteur relative des lieux au-dessus du niveau de la mer, qui construit des coupes transversales d'une région entière, et qui rend ainsi sensibles à l'oeil les inégalités du relief comme les cartes ordinaires rendent sensible l'aspect de la surface » (Vivien de Saint-Martin). Outre leur valeur scientifique, elles se recommandaient par un véritable mérite scolaire ; si étrange que ce fait puisse paraître aujourd'hui, on n'avait pas, il y a soixante-dix ans, une idée bien exacte de ce que c'est qu'une carte murale. Ou bien on se bornait à une feuille de papier du plus grand format, ou bien on en assemblait plusieurs, mais sans songer à grossir le texte ni le dessin pour le rendre visible de loin. De Sydow, qui était autant un professeur qu'un géographe, eut le premier cette idée toute simple d'écrire et de dessiner la carte en style mural, comme on dit aujourd'hui ; du fond de la classe, les élèves voient très bien se détacher, sur le fond vert de la vallée, les fleuves et les rivières en bleu ou en noir suivant l'édition, mais toujours d'une largeur volontairement exagérée, afin que le réseau fluvial saisisse fortement la vue et l’imagination. La lettre, au lieu de comporter une foule de noms écrits en fin, se réduit aux indications principales ; la plupart des noms sont en abrégé, de telle sorte que les enfants, même quand ils laissent errer leurs regarde sur la carte, sont obligés de voir, non pas le nom du pays écrit en grosses capitales, mais sa forme, ses montagnes, ses plateaux, ses vallées, ses cours d'eau et les points épars marquant l'emplacement des villes. Lors de la publication de l'Atlas mural de Sydow, comprenant les cartes physiques des cinq parties du monde, le père de la géographie allemande, Charles Ritter, promit à ce nouveau mode d'enseignement un immense avenir. Il ne s'était pas trompé : de Sydow avait commencé son Asie en 1838 : six ans après sa collection était complète et se répandait partout ; depuis lors elle s'est successivement améliorée, tenue au courant des changements survenus et des découvertes récentes, grâce aux ressources dont dispose l'éditeur Justus Perthes, de Gotha, le plus grand éditeur géographique de l'Allemagne.

Une fois l'idée admise, on chercha de différents côtés à la perfectionner soit pour l'exécution technique, soit au point de vue de l'appropriation scolaire. Les uns adoptèrent une autre gamme de couleurs hypsométriques ; les autres essayèrent de marier sur la même carte la géographie politique à la géographie physique. Certains cartographes ne se contentèrent pas des grandes masses indiquées sommairement par de Sydow, et entreprirent de représenter par des teintes distinctes les principales courbes d'équidistance. Quelques autres (O. Delitzsch fut un des premiers) dessinèrent la carte physique d'après les mêmes règles, mais sur fond noir en toile cirée et avec diverses dispositions ingénieuses propres à en faire comme la transition de la carte murale imprimée à la carte dessinée au tableau noir par un maître exercé.

On imagina ensuite de fabriquer des reliefs en plâtre représentant une contrée et d'en faire la photographie à l'éclairage oblique de manière à obtenir des parties claires et des ombres très accusées : de là les cartes photolithographiques (de Raaz à Weimar, de Bauerkeller, de Schrader et Chardon, etc.). Un procédé d'un autre genre a été employé par Möhl dans sa carte d'Allemagne, par Kozenn dans ses cartes d'Autriche-Hongrie, etc. Une seule collection allemande rivalise complètement avec l'Atlas mural de Sydow : c'est celle d'un autre grand géographe, Kiepert, qui se recommande par un soin extrême dans l'exécution, par la simplicité et par la sobriété des tons hypsométriques ; au lieu de peindre en vert les vallées, on les laisse en blanc, et l'on figure par des teintes de plus en plus brunes les plateaux et les montagnes.

Le système de Sydow fut à des degrés divers adopté dans plusieurs pays : aux Etats-Unis, en particulier, il trouva dans M. A. Guyot un intelligent et habile imitateur, qui eut le mérite de l'approprier à renseignement américain.

Tandis que la carte murale scolaire devenait en Allemagne l'objet de tant d'efforts intelligents, elle restait chez nous jusqu'à ces dernières années dans l'enfance de l'art. Une autre préoccupation, non moins louable que celle des Allemands, mais par trop exclusive, arrêta longtemps le perfectionnement de cet important instrument d'étude. La recherche de la netteté, l'intention d'abréger pour être clair, de peu apprendre pour bien apprendre, fit successivement prévaloir chez nous différents systèmes de représentations qui avaient l'avantage d'être très commodes pour l'enseignement, mais le défaut de l'être trop aux dépens de la réalité. Les premières cartes murales à l'usage des collèges, et par extension, des écoles, furent publiées, croyons-nous, par MM. Meissas et Michelot vers 1832 à la librairie Hachette. On songea tout d'abord à la géographie politique, la plus facile à rendre sur une surface murale : il suffisait de marquer par des teintes plates de couleur différente les différentes contrées, les provinces ou les départements : on y inscrivait le nom en très grosses capitales: quand on y avait joint, en caractères encore bien visibles, le nom des chefs-lieux et tout au plus celui de quelques villes principales, l'espace était plein, et la carte contenait tout ce qu'on avait en vue de faire retenir aux élèves. — Un peu plus tard cependant on aborda la cartographie physique, et c'est là qu'on eut la mauvaise fortune de trouver, dès le début, des moyens de simplification dont aujourd'hui encore notre enseignement populaire se débarrasse à grand'peine. Au lieu de travailler, comme nos voisins, à rendre sur le vif la physionomie naturelle du terrain avec tout ce qu'elle peut avoir de bizarre et d'imprévu, nous avions à notre disposition le trop commode système de Buache, qui ramenait tous les accidents du sol à une seule et même règle : la surface d'un continent quelconque est divisée en bassins, c'est-à-dire en étendues de terrains plus ou moins vastes, que limite une ceinture de montagnes. Plusieurs bassins dont les fleuves se jettent dans la même mer forment le versant de cette mer. Or, pour qu'il y ait séparation entre deux versants comme entre eux bassins, il faut bien admettre qu'il y a une élévation, colline ou montagne, sur les deux flancs de laquelle les eaux descendent, les unes à droite, les autres à gauche : c'est là la fameuse ligne de partage des eaux.

L'importance théorique de cette ligne de faîte devait naturellement conduire à la représenter dans les cartes comme une chaîne de montagnes ; et puisqu'elle a partout la même fonction, qui est de déterminer les versants, on devait être tenté de la figurer graphiquement partout avec la même intensité. De là cette longue chenille qui se déroule, partout égale à elle-même, sur nos cartes d'Europe, de l'extrémité de Gibraltar au nord de l'Oural. De là ces montagnes qui surgissent au milieu même des marais et des plaines basses de la Pologne et de la Russie. De là aussi, à l'endroit où la ligne de partage des eaux passe en Suisse, un énorme bourrelet pour faire apparaître le Jorat et les collines du canton de Vaud, tandis que les Alpes, de l'autre côté du Léman, ne sont pas marquées parce qu'elles ne séparent pas deux versants. De là enfin, pour en venir à la cartographie de la France, cette fausse image de notre pays qui a cours encore dans des centaines d'écoles, et qui consiste à enfermer chaque bassin par une ceinture uniforme de contreforts dont quelques-uns sont absolument imaginaires, comme les collines de l'Orléanais, nécessaires pour séparer le bassin de la Loire de celui de la Seine, celles du Bordelais pour séparer l'Adour de la Gironde, tandis que le Massif central, les Alpes du Dauphiné et celles de la Savoie, sont à peine indiqués ou sont ridiculement défigurés parce qu'on n'a cru devoir en représenter que la partie qui « sert à quelque chose » dans le système des versants.

La cartographie ainsi entendue est d'une simplicité qui n'a d'égale que son inexactitude, et il faudrait déplorer qu'elle ait si longtemps faussé notre enseignement populaire, si l'on ne devait convenir qu'au moment où elle se produisit, elle était, à tout prendre, un progrès : c'était chez nous la première tentative d'introduction de la géographie physique, et si elle était inexcusable au point de vue de la vérité, elle rendait cependant des services, ne fût-ce qu'en familiarisant les esprits avec l'idée de régions naturelles déterminées par un réseau fluvial et en insistant sur l'importance de ces régions dans la géographie générale.

Mais il fallait rompre avec cette cartographie artificielle, et depuis trente ans les efforts se sont multipliés pour regagner le temps perdu. Les cartes murales de M. Levasseur, celles de M. Cortambert, celles aussi de MM. A. et G. Meissas et Gaultier, celles de M. Larochette, les cartes hypsométriques du frère Alexis, heureuse et hardie innovation scolaire, celle de MM. Pigeonneau et Drivet, les belles cartes en chromolithographie de M. Erhard, les cartes de Vidal de la Blache, et les deux cartes de Schrader et Chardon et de Schrader et Prudent, peuvent en des genres différents soutenir le parallèle avec la cartographie murale scolaire des Allemands. Toutes, par des procédés divers dont le détail ne saurait trouver place ici, s'accordent à rétablir la véritable figure du sol, que le système de Buache remplaçait par une figure de convention.

3° ATLAS SCOLAIRES. — Sous ce nom nous ne devons comprendre ici que les petits recueils destinés à l'école primaire. A vrai dire, ils sont de création récente. Jusqu'à ces dernières années, tous les atlas élémentaires, même les petits atlas d'école de l'Allemagne (le premier en 1803 à Augsbourg, celui de Stieler en 1820 chez J. Perthes, celui de Grimm en 1833 chez Reimer, à Berlin, etc.) étaient plutôt faits pour les collèges que pour les écoles. C'est encore Sydow qui a frayé une voie nouvelle par son Atlas méthodique (1842) et son Atlas scolaire (1847), dépassés depuis à quelques égards, mais restés comme type de la méthode qui convient à la cartographie scolaire : méthode de simplification par l'élimination des détails et non à l'aide d'une théorie préconçue comme celle de Buache.

Mais si l'on veut trouver le véritable atlas primaire dans toute sa simplicité, à un prix assez réduit pour qu'il soit d'un usage général, c'est en France qu'il faut, croyons-nous, en chercher les débuts : d'abord, dans le Petit Atlas géographique du premier âge de M. Cortambert (vers 1840, Hachette) ; puis (1851) dans celui de MM. Lebrun et Le Béalle, malheureusement fidèle au système de Buache, mais dont la préface, réagissant contre l'abus des questionnaires de l'abbé Gaultier, disait très bien : « Savoir la géographie, c'est savoir la carte et non le livre » ; enfin (1865), dans l'élégant Petit Atlas élémentaire de géographie moderne, avec texte ou sans texte, de M. Cortambert (Hachette), bientôt suivi de celui de M. Périgot (Delagrave) et plus récemment (1873) de celui de M. Foncin (A. Colin). Ensuite sont venus ceux de Lemonnier et Schrader (Hachette), de Marcel Dubois, de Schrader et Gallouédec, etc., qui ont su habilement profiter des progrès accomplis par leurs devanciers français et étrangers, surtout américains.

Les Allemands ne sont arrivés que bien après nous à publier dans des conditions de prix et de format analogues plusieurs atlas primaires, dont un excellent : celui de Kiepert en 10 feuilles (éd. Reimer à Berlin), et quelques autres estimables, ceux de Handtke (éd. Fleming à Glogau), de Lange (éd. Westermann à Brunswick), d'Issleib et Rietschell (à Gera ; éd. à Paris, Fischbacher), de Debes, etc.

Les Autrichiens en ont un qui est admirable pour la géographie physique, celui de Steinhauser.

Mais le chef-d'oeuvre du genre à notre avis a été exécuté par un instituteur suisse, devenu directeur de l'école normale du canton de Zurich, M. Wettstein. Cet atlas devrait être dans toutes nos écoles normales, surtout comme indication de méthode. Avec ce recueil (dont le prix varie, suivant le nombre de cartes, de 1 à 2 francs, prix inexplicable si l'ouvrage n'était fourni directement par le gouvernement de Zürich), il est impossible que l'enfant ne se pénètre pas des notions géographiques les plus précises : toutes les manières e représentation graphique, toutes les difficultés de la lecture des cartes, toutes les variations d'échelle, toutes les relations des formes, des distances, des superficies, des systèmes de projection lui sont expliquées avec un soin merveilleux.

Les Américains ont aussi, en ces derniers temps, renouvelé ou plutôt créé toute leur série d'atlas scolaires. L'atlas américain, qu'on a imité en Europe depuis quelques années, se distingue par deux caractères principaux : d'une part, ce n'est plus strictement ce que nous appelons un atlas, car a côté des cartes se trouve le texte, et dans ce texte un grand nombre d'illustrations ; d'autre part, texte, cartes et figures présentent un luxe d'exécution qui dépasse tout ce que nous pouvons rêver en Europe. Il en résulte, bien entendu, que l'atlas américain est, en général, d'un prix qui, chez nous, le rendrait inaccessible à l'école primaire. Les divers atlas de Guyot, correspondant aux divers degrés d'enseignement des diverses classes, depuis la classe élémentaire jusqu'à l'école normale ou au collège, et les deux atlas de Swinton, sont, non pas les seuls types, mais les premiers en date, et à certains égards, aujourd'hui encore, les plus remarquables spécimens de la cartographie scolaire américaine. Pour la géographie physique, c'est toujours de la méthode de Sydow qu'on s'inspire : aux teintes hypsométriques, on ajoute divers procédés de cartographie pittoresque.

Pour la géographie politique et économique, et surtout pour la géographie commerciale, objet d'un intérêt tout particulier, ce sont le texte, les récits, les questionnaires et les images, plus encore que les cartes proprement dites, qui servent à graver dans la mémoire et dans l'imagination les données essentielles: principales productions agricoles et industrielles de chaque pays, moyens de communication, objets d'échange, traits marquants du caractère de chaque peuple, etc.

4° GLOBES. — Voir Globes.

5° CARTES ET PLANS TOPOGRAPHIQUES. — Voir Topographie.

6° CARTES MUETTES. — A chacun des appareils cartographiques que nous avons sommairement passés en revue peut correspondre une carte muette, qui en est la répétition sans aucune indication de noms, et une carte demi-muette, qui ne contient d'ordinaire que des initiales.

C'est avec raison que, depuis quelques années, on attache dans l'enseignement primaire une grande importance à l'usage, de ces cartes, comme garantie contre l'abus de Ta mémoire et de la répétition machinale. La carte murale muette est chez nous à peu près contemporaine de la carte écrite (Meissas et Michelot, 1832).

Les cartes muettes de petit format n'ont pas été d'habitude réunies en atlas, mais vendues à part, feuille par feuille, pour servir à des exercices cartographiques : telles sont les cartes muettes de Meissas et Michelot, les cartes demi muettes de M. Henry Gervais pour la France, les cartes muettes de M. Levasseur, de M. Foncin, etc. Les grandes cartes murales sur toile cirée ou ardoisée (système Suzanne) sont de précieux auxiliaires pour les exercices collectifs, surtout aussi longtemps que nos instituteurs et nos institutrices ne seront pas parfaitement exercés à dessiner de mémoire toutes les cartes au tableau noir, but idéal auquel il faut tendre. L'usage des crayons de couleur, très facile sur ce fond noir, permet de tracer en quelques instants et sous les yeux des élèves des cartes physiques d'un effet surprenant (les eaux en bleu, les parties basses en vert, les montagnes à la craie, les voies de communication en jaune, etc.). Du reste, pour ces cartes murales faisant office de tableau noir géographique, chaque pays a ses procédés d'exécution • le meilleur est toujours celui qui coûte le moins d'argent à l'école et le moins de temps au maître. La toile, le carton, le papier-goudron, la tôle ou même la fonte émaillée, le bois peint, et tout simplement la muraille revêtue d'un enduit spécial, ont leurs partisans, et nous n'avons garde d'en combattre aucun.

3. Lecture des cartes. — Un fait dont certains maîtres ne se doutent pas, c'est qu'il faut apprendre à lire une carte, et que c'est un des exercices auxquels on ne saurait trop tôt ni trop méthodiquement accoutumer les élèves. Nos petites cartes scolaires primaires ont à la fois cet avantage de se comprendre presque au premier coup d'oeil et cet inconvénient de ne pas préparer à la lectures des cartes plus savantes. Or il y en a deux au moins que tout Français doit savoir lire : l'une est le plan cadastral, l'autre la carte de l'état-major.

Lecture des plans. — Le meilleur moyen d'apprendre à lire les plans comme ceux du cadastre, c'est de faire soi-même quelques plans, et l'on sait qu'aujourd'hui tout le monde est d'accord pour commencer par là l'étude de la géographie : le plan de la salle de classe relevé par les élèves, le -mètre à la main, et tracé par eux au tableau noir ou sur le cahier, telle doit être la première leçon de cartographie. Si, partant de là, on va graduellement du plan de la classe à celui de la commune et du croquis au plan coté, le principe même de ce mode de représentation graphique étant bien compris, il n'y aura plus que quelques leçons techniques à donner aux élèves pour leur faire connaître les signes, les abréviations et les teintes conventionnelles et les mettre à même de lire couramment n'importe quel plan.

Lecture des cartes de l'état-major. — On aura besoin de plus de temps et de plus de soin pour arriver à une lecture courante de la carte de l'état-major. Mais il ne faut pas reculer devant cet effort. Le temps n'est pas éloigné où, suivant le voeu tant de fois exprimé par les amis de l'instruction populaire, chaque école ou chaque mairie de village possédera et mettra sous les yeux du public, enfants et adultes, non pas toute la carte de l'état-major au 80000e, mais la feuille où se trouve la commune et le canton dont l'école fait partie. Ces feuilles, aujourd'hui reproduites à bas prix, grâce au report sur pierre (un franc dans le commerce), sont le meilleur moyen de populariser chez nous l'étude de la géographie locale et régionale. Leur lecture ne demande pas une science spéciale, la clef peut en être donnée en deux ou trois heures, mais c'est l'habitude seule, l'exercice fréquemment répété, qui permettra de déchiffrer à la fois rapidement et sûrement. Un maître habile variera de mille manières les exercices propres à atteindre ce résultat : tantôt il donnera à un élève un voyage à faire sur la carte de tel lieu à tel autre, en lui demandant de décrire la route comme s'il y était en réalité, de dire le temps qu'il met à aller de tel village à tel autre, quels accidents de terrain il rencontre, quels cours d'eau il traverse, quand la route monte, quand elle descend, si elle est bordée de champs, de bois, de fermes, etc. Tantôt ce sera une promenade réelle, faite la carte et la boussole à la main, et servant soit à constater l'exactitude minutieuse de la carte, soit à faire découvrir par les élèves eux-mêmes une modification survenue depuis que la carte a été dressée, établissement d'un chemin de fer, d'une usine, d'un chemin vicinal, etc.

Un excellent petit guide pour cette branche spéciale de l'enseignement a été publié par M. Muret, sous la direction de M. Levasseur : La lecture des plans et cartes topographiques enseignée à l'aide d'un texte, d'une carte et d'un relief (1873). — Voir aussi l'article Topographie.