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Le Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson a connu deux éditions, en 1887 et en 1911. La première est marquée par le mouvement qui, sous le ministère de Jules Ferry, conduit à l'élaboration des lois de 1880, 1881 et 1882 sur l'école publique, laïque et obligatoire ; la seconde, intitulée Nouveau dictionnaire de pédagogie, qui est présentée ici, est un bilan de trente années d'action et pose la question des méthodes pédagogiques après la réforme de 1902.

Les travaux de Patrick Dubois (1994), un colloque en 1999, deux ouvrages, en 2003 et en 2005, coordonnés par Pierre Kahn et par Daniel Denis, ont montré l'intérêt des historiens pour Buisson et son Dictionnaire. Le Dictionnaire de pédagogie et le Nouveau dictionnaire de pédagogie constituent ensemble, pour citer Pierre Nora, un « lieu de mémoire ». Carrefour de pédagogues, d'enseignants, d'hommes politiques, de philosophes, cette oeuvre est marquée par la personnalité de son animateur et par celles de ses collaborateurs.

Pourtant, le Dictionnaire de pédagogie . notamment la seconde édition . est un mythe bibliographique. Cité comme une référence aussi imprécise qu'effective lorsqu'il est question de l'école de la IIIe République, il reste difficile d'accès en bibliothèque. En 2003, Pierre Nora souhaitait une numérisation. En 2004, la Bibliothèque nationale de France, sur son site Gallica , a numérisé en mode image la première édition, qui est la plus connue et la plus diffusée (20 000 exemplaires). Restait à numériser la seconde édition, aujourd'hui introuvable malgré un tirage de 5 500 exemplaires : son édition numérique donne accès au texte et permet d'effectuer des recherches d'occurrences. Ainsi, non seulement le corpus numérique buissonnien s'enrichit, mais de nouvelles voies de recherche s'ouvrent.

 

 

PRÉFACE
Ce Nouveau Dictionnaire de Pédagogie et d'Instruction primaire est un ouvrage nouveau qui répond à des besoins nouveaux.
Il y a trente ans, nous avons publié en quatre volumes un Dictionnaire de Pédagogie qui a été fort bien accueilli. En 1880, l'oeuvre scolaire de la troisième République commençait, grâce à ces lois que l'équitable postérité appellera toujours les lois Ferry. Le Dictionnaire en écrivait pour ainsi dire l'histoire au jour le jour. Ses articles souvent enregistraient les votes parlementaires ou les décisions administratives de la veille ; souvent ils étaient signés du nom même d'un de ceux qui venaient de plaider et de gagner la cause des réformes. Il s'agissait alors d'initier les instituteurs à l'esprit du nouvel enseignement et de leur faire connaître le grand effort d'instruction et d'éducation laïque auquel ils étaient appelés à collaborer.
Aujourd'hui le régime a déjà une longue existence, plus d'un quart de siècle ; la transformation est terminée, la situation acquise. Nous pouvons dire avec sûreté comment fonctionnent les institutions, ce qu'ont produit les méthodes appliquées, où en est enfin la grande oeuvre d'éducation nationale dont la France républicaine a si courageusement pris l'initiative.
Ce qu'il importe de donner maintenant aux maîtres, c'est un guide pratique et sûr de toutes les connaissances qui leur sont utiles, pour qu'ils orientent convenablement leur enseignement, pour qu'ils connaissent bien l'oeuvre à laquelle ils se sont voués et pour qu'ils aient une idée exacte de l'avenir qui l'attend.
Plus que jamais, plus qu'il y a trente ans même, notre pays sent qu'il est à la veille de grandes choses. L'école primaire ne lui suffit plus. La démocratie est exigeante pour elle-même ; elle l'est plus que ne l'a jamais été en pareille matière aucune monarchie. Avant même d'avoir rempli la première partie de son programme, elle entrevoit tout un programme nouveau qui déborde singulièrement l'ancien.
L'enseignement gratuit des petits enfants jusqu'à douze ans n'apparaît plus comme épuisant la tâche et la dette de la société : non moins obligatoire que l'enseignement universel de l'enfance, celui de l'adolescence va s'imposer chez nous comme ailleurs.
D'autre part, la logique de la démocratie veut que l'égalité des enfants devant l'instruction devienne une réalité légale et sociale.
Enfin, l'instruction ne peut plus être envisagée à part et en soi ; il faut qu'elle se rattache, qu'elle se subordonne à une vue nette d'utilité sociale.
Tel est pour demain, sinon pour aujourd'hui, le plan d'éducation nationale qui se prépare, qui s'élabore et qui déjà, sur plus d'un point, émerge de la confusion de tant de débats, plus sociaux encore que scolaires, de toutes parts engagés.
Ici même, nous avons été obligés d'en tenir compte : nous avons dû faire entendre que le temps n'est plus où une définition rigoureuse enfermait l'enseignement primaire dans d'étroites limites et le défendait avec un soin jaloux contre qui tentait de les franchir. Du « primaire » au « secondaire », de l'un et de l'autre au « professionnel » et au « technique », dans toute la variété d'acception de ces mots, les voies sont ouvertes, les barrières abaissées.
L'instituteur trouvera dans ce nouveau Dictionnaire ce dont il peut avoir besoin à propos de son « métier » dans le présent et dans l'avenir :
1° Soit qu'il désire améliorer son enseignement en étudiant les idées des maîtres de la pédagogie, des principaux écrivains, savants ou professeurs anciens ou modernes, français ou étrangers, qui ont le mieux contribué à l'éducation du caractère et de la volonté aussi bien qu'à la culture générale de l'intelligence, ou à l'enseignement particulier du français, de l'histoire, de la géographie, des sciences ;
2° Soit qu'il cherche à se faire une opinion raisonnée sur les grandes questions pédagogiques intéressant l'école, actuellement à l'ordre du jour, et sur lesquelles il doit être documenté s'il veut pouvoir en discuter utilement avec ses pairs ou suivre avec profit les conférences et les congrès auxquels il est fréquemment appelé à prendre part ;
3° Soit qu'il veuille prendre conscience de lui-même, de son rôle, de ses devoirs, de ses droits, par la comparaison entre sa situation actuelle et celle de ses prédécesseurs ou de ses collègues de l'étranger ;
4° Soit qu'il s'efforce d'entrevoir quel pourra être dans un avenir prochain l'avenir de l'enseignement primaire en France et son propre avenir.
A toutes ces questions, à tous ces besoins, ce Dictionnaire répond, car il est, dans notre idée, le véritable Guide de l'instituteur français.
Il n'est pas besoin d'ajouter que nous avons tenu à honneur de laisser aux nombreux et éminents collaborateurs que nous avons pu grouper autour de nous la liberté d'allure, la vigueur de ton, la saveur de pensée et de style qui, même dans les cadres d'une encyclopédie, distinguent un travail original d'une compilation de seconde main. Nous avons été heureux ? et nos lecteurs nous en sauront gré ? de pouvoir conserver quelques-uns des articles écrits jadis par des maîtres de la pensée et de la langue françaises. Nous devons le plus vif hommage de gratitude aux hommes éminents et illustres de la France et de l'étranger qui ont bien voulu rendre ce service à la fois au public primaire et au grand public de les initier à quelques-unes des questions les plus graves qui puissent réclamer leur attention.
Pour moi, enfin, c'est un devoir et un plaisir de féliciter le Dictionnaire d'avoir eu, une seconde fois, pour secrétaire de la rédaction, un homme que de grands travaux d'érudition d'un autre ordre ont désigné à l'estime publique, et qui a trouvé le moyen de rester en même temps un des historiens de la pédagogie, mon vieil ami James Guillaume.
F. BUISSON.

AVIS AUX LECTEURS
Pour permettre aux lecteurs de trouver rapidement dans le Dictionnaire ce qui se rapporte aux questions qui les intéressent, nous avons placé à la fin du volume une « Table des articles » qui leur permettra de se rendre compte de l'ensemble des sujets traités et, parcourant d'un coup d'oeil les titres des articles, de voir quels sont ceux où ils pourront chercher un complément d'information sur tel ou tel point donné:
Chacune des matières de l'enseignement a donné lieu à un grand article traitant la question dans son ensemble, tant au point de vue théorique que dans les applications scolaires pratiques. Nous avons eu soin de nous adresses, pour la rédaction de ces études, à des hommes particulièrement qualifiés pour cette tâche.
Les textes des lois scolaires et ordonnances, à partir de 1789, sont réunis à l'article Lois scolaires, et dans sept autres articles dont on trouvera la liste à la Table, au mot « Lois scolaires ». A ce même mot on verra aussi l'indication des articles où l'on pourra chercher le texte de quelques projets de lois importants.
Quelques sujets entièrement nouveaux ont été abordés, tels que, par exemple : Amicales d'instituteurs et d'institutrices (Associations d'), Élèves (Associations d'anciens et d'anciennes), Post-scolaires (OEuvres), Monopole de l'Enseignement, Pères de famille (Associations de), Syndicats d'instituteurs, Universelle (Langue), Vacances (Colonies scolaires de).
Le Dictionnaire consacre des articles biographiques, dont quelques-uns très étendus, à tous les hommes qui se sont fait un nom dans l'histoire de l'éducation. Un certain nombre d'articles nouveaux ont été ajoutés, concernant des hommes remarquables qui appartiennent soit à un passé plus ou moins éloigné (BABEUF, M.-J. CHENIER, DAY, FLORIAN, JOUBERT, LAVOISIER, PIBRAC, SAINT-LAMBERT, VOLNEY, etc.), soit à l'époque contemporaine (BERTHELOT, HIPPOLYTE CARNOT, ED. CHARTON, VICTOR DURUY, JULES FERRY, GREARD, LECONTE DE LISLE, JEAN MACE, HENRI MARION, HENRI MARTIN, FELIX PECAUT, PROUDHON, CH. RENOUVIER, SAINTE-BEUVE, JULES SIMON, HERBERT SPENCER, etc.).
Une notice a été également consacrée à chacun des ministres de l'Instruction publique en France (les vivants exceptés), et aux ministres de l'Intérieur pour la période durant laquelle l'instruction publique relevait de ce département.
Pour chaque pays étranger, nous donnons, en un article écrit autant que possible par un collaborateur appartenant à ce pays même, l'histoire de l'enseignement, les parties essentielles de la législation et de l'administration scolaires, la statistique la plus récente, les appréciations pédagogiques, etc. Les divers États formant l'Empire allemand ont été réunis en un article unique : Allemagne, suivant l'avis du distingué pédagogue auquel nous nous sommes adressés, le Dr W. Rein, professeur à l'Université d'Iéna. Un certain nombre de pays qui ne figuraient pas dans la première édition du Dictionnaire ont été ajoutés dans celle-ci.
Les colonies de tous les pays ont été traitées aussi complètement que possible par des rédacteurs spéciaux.
Les articles non signés doivent être attribués à la direction du Dictionnaire. Il faut noter, toutefois, que ceux de ces articles qui exposent l'état actuel de la législation et de l'organisation administrative de l'enseignement primaire en France sont l'oeuvre de M. Albert Wissemans, chef de bureau au Ministère de l'Instruction publique, et rédacteur, depuis la mort de M. Pichard, du Code Pichard.

 

 
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