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Ziller

Tuiskon Ziller, pédagogue allemand, professeur de philosophie, né à Wasungen en 1817, mort à Leipzig en 1882, est le plus connu des représentants du herbartianisme. Il perdit de bonne heure son père, d'abord recteur à Wasungen, puis pasteur à Steinach et à Frauenbreitungen, et se trouva chargé, à peine au sortir du gymnase, du soin de sa mère et de quatre jeunes frères, qu'il éleva en acceptant une place de professeur au gymnase de Meiningen. Dès qu'il se vit un peu plus libre, il se hâta de se tourner vers l'enseignement académique, auquel il se consacra à partir de 1853. Après des études de droit et une thèse sur les « Pandectes de Pachta », il se voua tout entier à l'enseignement de la pédagogie. Disciple enthousiaste de Herbart, c'est le côté pédagogique de l'oeuvre de son maître qu'il a surtout à coeur de développer. Il fait en 1854 un cours sur la « pédagogie générale » ; toute son existence, toute son activité, tant par la plume que par la parole, sont déjà renfermées en germe dans ces premières leçons ; il est resté fidèle à lui-même et n'a fait que développer et appliquer les idées de ce premier cours pendant le reste de sa vie.

Son premier ouvrage a paru en 1856 sous ce titre : introduction à la pédagogie générale (Einleitung in die allgemeine Pädagogik). Il annonce qu'il se propose d'étudier séparément les diverses parties de la science pédagogique, telles que Herbart les a classées, et de les rapprocher le plus possible des enseignements de la religion. En 1857, il publia un livre sur Le gouvernement des enfants (Die Regierung der Kinder). Son ouvrage capital parut en 1865. il l'appela : Fondement pour la doctrine de l'enseignement éducatif (Grundlegung zur Lehre vom erziehenden Unterricht). On peut encore mentionner, comme dignes d'attention, ses Leçons sur la pédagogie générale (Vorlesungen über allgemeine Pädagogik), publiées en 1876.

Il voulut ajouter la pratique à la théorie. A l'exemple de Stoy, il fonda en 1862 à l'université de Leipzig un « séminaire pédagogique », c'est-à-dire un ensemble de leçons et de cours, auquel il adjoignit bientôt une école d'application. Les principaux élèves de son séminaire se recrutèrent parmi les théologiens et les instituteurs de la Saxe. Cette institution dura jusqu'à sa mort. Une autre fondation de Ziller lui a survécu : c'est l'Association pour ta pédagogie scientifique (Verein für wissenschaftliche Pädagogik), créée par Ziller et Stoy en 1868 et qui eut pour organe, dès l'année suivante, un Annuaire où d'importants travaux ont été publiés. L'association compta bientôt plus de 700 membres, qui se donnèrent pour tâche de propager les doctrines de Herbart et de Ziller. Les prétentions de cette association à être la seule qui possède les secrets d'une pédagogie vraiment « scientifique » ont donné lieu en Allemagne à de vifs débats et à un actif échange d'articles de journaux ou de revues et de brochures qui ne se sont pas toujours signalés par l'aménité et la courtoisie.

Si la science consiste dans le pédantisme et dans l'obscurité, il est évident que Ziller et son école peuvent revendiquer le monopole scientifique. Au langage déjà obscur et aux divisions et subdivisions artificielles de Herbart et de Stoy, il semble que Ziller se soit ingénié à ajouter de nouvelles bizarreries, qui finissent par faire de l'éducation de l'enfance le métier le plus hérissé de rubriques et de formules qui se puisse imaginer. Une des inventions dont Ziller est le plus fier est sa théorie de la « concentration ». Il n'entend pas par concentration de l'enseignement la méthode qui consisterait à mettre en lumière les éléments les plus importants, les plus utiles, les notions fondamentales de chaque science, de façon que l'enfant s'habitue à rattacher tous les détails à leur centre naturel et logique. Du tout : Ziller veut que chaque année le maître prenne pour « centre » de son enseignement une idée, un ordre de matières auquel il rattachera et réunira tout le reste. La langue, l'histoire, le calcul, l'éducation, tout se groupera autour de ce point unique. Pour la première année, ce seront douze fables, qui reviendront sans cesse dans l'enseignement et serviront de thème permanent, de trame où se broderont l'instruction et l'éducation tout entières. La seconde année ce sera Robinson Crusoé, la troisième année l'histoire des patriarches. Les cinq années suivantes auront successivement pour thème unique et pour centre d'instruction et d'éducation l'époque des juges d'Israël, puis celle des rois juifs, puis la vie de Jésus, puis l'histoire des apôtres, et enfin l'histoire de la Déformation. Ces huit objets d'enseignement, ces huit centres, représentent aux yeux de Ziller les huit étapes de la civilisation que l'humanité a parcourues jusqu'à ce jour et que l'enfant doit parcourir dans les huit années de sa scolarité, de six à quatorze ans. Cette philosophie de l'histoire appliquée aux enfants des écoles primaires, cette sorte de méthode Jacotot poursuivie impitoyablement d'année en année, paraissent uniquement propres à produire la dispersion, l'ahurissement, et un colossal ennui.

On reconnaît facilement à ces traits, et à tant d'autres que l'on pourrait énumérer, que Ziller a peu connu les enfants, qu'il a vécu dans le monde de l'abstraction, du raisonnement à priori et des formules. Sa psychologie est tirée des livres de Herbart et non de la fréquentation des écoliers ; sa pédagogie est « scientifique » peut-être, comme ses disciples s'en vantent à tout propos, mais elle n'est ni judicieuse, ni expérimentale, ni pratique. Ce n'est pas à dire pourtant qu'il n'y ait pas dans ses oeuvres de sérieux efforts vers la vérité, des vues parfois profondes et originales, d'utiles indications pour un maître intelligent ; mais il faut se donner tant de peine pour les y découvrir, elles se noient dans une telle masse de longueurs, de banalités ou d'étrangetés, qu'il semble qu'on aurait encore plus vite' fait de consulter tout simplement l'expérience et le bon sens.

Jules Steeg