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Wolke

 Christian-Henri Wolke a été le plus marquant parmi les représentants de l'école dite philanthropiniste, fondée par Basedow. Nous ne rappellerons pas ici les principes pédagogiques professés par cette école célèbre, qui lit en Allemagne une véritable révolution dans l'éducation (Voir, Philanthropinisme) : nous nous bornerons à retracer la biographie de Wolke d'après l'article consacré à cet éducateur par M. Schorn dans l'encyclopédie pédagogique allemande de Schmid.

Wolke naquit en 1741 à Jever, dans le grand-duché d'Oldenbourg. Ses parents étaient des paysans aisés. Ils firent suivre à leur fils les classes du gymnase de sa ville natale, puis l'envoyèrent à Göttingen étudier le droit. Il renonça bientôt à cette étude, qui ne convenait pas à ses goûts, et se consacra aux mathématiques, aux sciences physiques et au dessin. A l'âge de vingt-cinq ans, il fut chargé d'enseigner les mathématiques à l’école du couvent de Gerode, dans le Harz. Il n'y resta que trois mois, et se rendit de là à Leipzig pour y continuer ses études tout en donnant des leçons. En 1769 il retourna à Jever, devint précepteur dans une famille du voisinage, et, après avoir achevé l'éducation de son élève, forma le projet de se rendre à Londres. Etant allé d'abord à Hambourg pour y chercher des recommandations, il rencontra Basedow, et cette rencontre décida de son avenir : Basedow l'engagea à rester auprès de lui pour collaborer à la rédaction du grand ouvrage auquel il travaillait, l'Elementarwerk. Wolke accepta, et devint en même temps l'instituteur de la fille de Basedow, la jeune Emilie, alors âgée de trois ans. Ce fut lui qui enseigna le français et le latin à ce petit prodige, et qui prépara l'enfant à servir de vivante réclame à la nouvelle méthode d'enseignement dont Basedow annonçait la découverte. Après la fondation du Philanthropinum à Dessau en 1774, il fit partie du personnel enseignant de cet établissement, avec Simon et Schweighäuser, et contribua tout particulièrement aux brillants résultats constatés dans le fameux examen public de mai 1776 ; il prit aussi une part considérable à la rédaction du Philanthropisches Archiv, et plus tard à celle des Pädagogische Unter-haltungen. Les dissensions qui éclatèrent peu après amenèrent la retraite de Simon et de Schweighäuser. Basedow lui-même abandonna la direction de l'établissement, et fut remplacé par Campe ; Wolke seul demeura fidèlement à son poste. Campe ne resta qu'un an à Dessau. Après son départ, Basedow reprit la direction du Philanthropinum, avec Wolke comme vice-curateur. En 1778, Basedow se relira définitivement ; Wolke alors lui succéda, et resta à la tète de l'établissement jusqu'en 1784, ayant à ses côtés comme collaborateurs Salzmann, Olivier, Matthison et Spazier. Sa femme l'aida dans sa tâche avec beaucoup de dévouement et d'intelligence ; et l'établissement atteignit un haut degré de prospérité grâce au zèle du directeur, à son enthousiasme que ne refroidissait aucun obstacle, à son abnégation et à ses remarquables qualités d'éducateur. Kant écrivait à un ami à ce sujet : « L'Institut commencé par Basedow, et qui est placé aujourd'hui sous la direction de Wolke, a pris une forme nouvelle sous la main de cet homme infatigable et véritablement fait pour réformer l'éducation. Le monde sent vivement de nos jours la nécessité d'une éducation meilleure ; mais plusieurs tentatives faites dans cette intention n'ont pas réussi. L'établissement de M. de Salis (Voir Planta) et celui de Bahrdt (Voir Bahrdt) ont cessé d'exister. Il ne reste plus que l'Institut de Dessau ; et s'il s'est maintenu, c'est uniquement parce qu'il a à sa tête un homme qu'aucune difficulté ne décourage, modeste et incroyablement actif, qui possède en outre cette qualité rare de rester fidèle à son plan sans entêtement étroit. Sous sa surveillance, cet établissement doit devenir avec le temps le modèle et l'origine de toutes les lionnes écoles dans le monde, pourvu qu'on lui accorde au début l'appui et l'encouragement qu'il mérite. »

En 1784, Wolke, dont la santé avait reçu de graves atteintes, dut abandonner la direction du Philanthropinum. Il entreprit un voyage en compagnie d'un de ses élèves, le jeune comte Ernest de Manteuffel, visita le Danemark et la Suède, puis se rendit à Saint-Pétersbourg. Il reçut de l'impératrice Catherine un accueil bienveillant. Douze élèves de l'école des cadets furent confiés à ses soins, à titre d'expérience ; Wolke dut leur enseigner l'allemand ; et, au bout d'un mois, une Commission vint constater les progrès réalisés. Les résultats de l'examen parurent si étonnants qu'un membre de la commission, le professeur Kraft, qui d'abord s'était montré l'adversaire de Wolke, déclara qu'un sorcier seul pouvait opérer de semblables prodiges. Aussi l'institut que Wolke ouvrit ensuite à Saint-Pétersbourg reçut-il immédiatement de nombreux élèves appartenant aux meilleures familles. Un livre de lecture qu'il publia par souscription (Buch zum Lesen und Denken) obtint une vogue sans précédent.

Après avoir séjourné dix-sept ans en Russie, Wolke se vit contraint par l'état de sa santé à chercher un climat plus doux. Il revint en Allemagne en 1801. La petite fortune qu'il avait amassée, et qu'il avait confiée à des négociants gênés dans leurs affaires, se trouva subitement perdue par la faillite de ceux qu'il avait obligés. Il ne lui resta, à l'âge de soixante ans, d'autres ressources qu'une petite pension que lui avait accordée le prince d'Anhalt en récompense des services rendus au Philanthropinum de Dessau, et deux autres pensions du tsar Alexandre et de la princesse d'Anhalt-Zerbst. Mais il n'était pas rentré dans sa patrie pour s'y livrer au repos. Durant les vingt dernières années de sa vie, il ne cessa de s'occuper des travaux relatifs à l'éducation. Parmi les nombreux écrits dus à sa plume, nous citerons la Méthode naturelle d'instruction ( Naturgemässe Erziehungs-Lehre ), l'Instruction pour les mères et les instituteurs (Anweisung fur Mütter und Kinderlehrer), et la Bibliothèque des enfants, comprenant sept volumes, savoir : un abécédaire, quatre livres de lecture gradués avec des images, un livre de calcul, et des Directions pour les mères, les éducateurs et ceux qui veulent écrire pour l'enfance (Anleitung fur Mütter, Erzieher und künftige Kinderschriftsteller). Il s'est aussi occupé de l'instruction des sourds-muets, et a consigné ses vues à ce sujet dans un traité intitulé De la manière dont la langue et les idées doivent être enseignées aux enfants et aux sourds-muets (Wie Kinder und Taubstumme zu Sprachkenntnissen und Begriffen zu bringen sind). Pendant son séjour en Russie, il avait conçu le plan, qu'il publia, d'une langue universelle, sans mots, consistant uniquement en signes écrits, qu'il nomma pasiphrasie, et d'une méthode pour correspondre à distance, qu'il appelait télephrasie.

Après avoir quitté la Russie, il s'était d'abord établi à Dresde. C'est là qu'il perdit sa femme, en 1813. Il se fixa ensuite à Berlin, où il mourut le 18 janvier 1825, à l'âge de quatre-vingt quatre ans.

Wolke a laissé deux autobiographies : la première se trouve dans l'ouvrage de Basedow intitulé Das in Dessau errichtete Philanthropin, 1774 ; la seconde, qui embrasse la vie entière de l'auteur, a été publiée en 1825 dans l'Allgemeine Schulzeitunq, n° 111.