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Verdier

Jean Verdier, médecin et avocat, né à la Ferté-Bernard en 1735, mérite une mention dans ce Dictionnaire pour ses tentatives originales dans le domaine de l'éducation. Ses connaissances en médecine lui avaient valu la place de conseiller-médecin ordinaire du roi Stanislas ; il avait en outre publié divers ouvrages sur la jurisprudence de la médecine. En 1763, après la mort du roi de Pologne, il quitta Nancy et vint s'installer à Paris. Là, il conçut l'idée d'un établissement à la fois médical et pédagogique, qu'il appela « Maison d'éducation physique et morale» ; les « enfants et jeunes gens infirmes et valétudinaires » devaient y trouver « les soins d'une bonne instruction, réunis au traitement de leurs infirmités et maladies ». Il publia en 1772 le prospectus de cet établissement, qui s'ouvrit l'année suivante. En même temps, il fit paraître une série de petits volumes intitulés Recueil de mémoires et d'observations sur la perfectibilité de l'homme par les agents physiques et moraux, dans lesquels il exposa ses idées sur le rôle que devraient jouer en éducation l'exercice physique et la gymnastique médicale. « Mon dessein, dit-il, n'est pas de donner lieu aux instituteurs et moralistes d'empiéter sur la médecine clinique, dont l'objet est de porter secours aux malades dans leur lit ; mon motif est de répandre la connaissance et l'usage de la médecine économique, pédagogique et morale, dont l'objet est d'aider la nature dans le développement des facultés du corps humain, et de prévenir ses maladies. Regardant l'art de l'éducation, tel qu'il est actuellement, comme un embryon conçu dans le sein de la médecine économique des anciens, mon but est de me servir des secours de la médecine plus perfectionnée de nos jours, pour le faire renaître et le mettre entre les mains de ses maîtres, afin qu'ils puissent l'élever et le nourrir. Je n'aspire qu'à l'honneur de rappeler les instituteurs et moralistes au grand problème que Descartes leur a proposé, en les invitant de chercher dans la médecine les moyens de rendre l'homme plus spirituel et plus sage. » Verdier n'appartient point, comme on pourrait le croire, à l'école philosophique des encyclopédistes ; il a grand soin, au contraire, de protester de son attachement à la religion et de son respect pour toutes les autorités. Il subit toutefois, comme tous ses contemporains, l'influence du grand mouvement d'idées qui devait produire dans l'éducation nationale de si profondes réformes ; et voici comment il en parle : « Les progrès des sciences et des arts ont rendu le règne de Louis le Grand comparable à ceux d'Alexandre, d'Auguste, de Charlemagne et de François Ier ; mais la réformation des écoles est une révolution qui caractérisera le règne de Louis le Bien-Aimé, et qui ne le rendra comparable qu'à lui-même. Tout s'empresse de répondre aux voeux du monarque. L'effervescence est générale ; les ministres et les tribunaux se sont réunis pour proposer à la société, que dis-je? à l'humanité, ce grand problème : Quels sont les vrais moyens de produire les hommes les plus parfaits, les meilleurs citoyens?. Il ne s'agit de rien moins que de métamorphoser les hommes, et de refondre la société ; il ne s'agit de rien moins enfin que de reproduire une nouvelle race d'hommes. » L'établissement fondé par Verdier eut du succès ; au bout de peu d'années, le fondateur associa, aux enfants infirmes qu'il se chargeait de guérir, des élèves ordinaires. « La maison d'éducation de M. Verdier, lit-on dans un règlement de 1777, est destinée : 1° aux enfants du plus bas âge, faibles, valétudinaire?, difformes, et autres qui ont besoin d'un régime ou d'un traite ment particulier, pourvu que leurs infirmités ne soient pas contagieuses ; 2° à ceux qui, étant destinés aux plus hauts emplois et aux premières professions, ont besoin de l'éducation la plus approfondie et la plus cultivée. » Pour faire mieux connaître sa maison et son système, Verdier publia en 1777 un volume intitulé : « Cours d'éducation à l'usage des élèves destinés aux premières professions et aux grands emplois de l'Etat, contenant les plans d'éducation littéraire, physique, morale et chrétienne, de l'enfance, de l'adolescence, de la première et la seconde jeunesse, et des règlements généraux d'éducation ». Ce livre médiocre, indigeste et mal écrit, qui ne saurait être comparé, pour la vigueur de la pensée et l'originalité des vues, à ceux de La Chalotais, du président Rolland et de Philipon de la Madelaine, attira à son auteur des difficultés de diverse nature. Le grand-chantre voulut obliger Verdier à changer le titre de son établissement en celui de « petite école », et à limiter son enseignement à la lecture, à l'écriture et au calcul ; l'université, d'autre part, prétendait le forcer à envoyer ses élèves aux classes d'un collège. Pour se défendre. Verdier fit imprimer en 1779 un Mémoire à consulter sur les fonctions et les droits des instituteurs, où l'on trouve des détails intéressants sur l'histoire de l'université et celle des petites écoles ; un peu plus tard parut un second Mémoire sur les droits respectifs des juridictions naturelles, civiles, ecclésiastiques et scolastiques.

En 1787, Buffon, désirant agrandir le Jardin du roi, fit exproprier Verdier, dont la maison était contiguë aux terrains de cet établissement. Cette mesure ruina le médecin instituteur, qui dut renoncer à son entre prise. Pendant la Révolution, Verdier s'occupa tour à tour de politique, d'éducation et de médecine. Au commencement de 1792, il publia un Discours sur l'éducation nationale, dans lequel il annonce un Plan d'éducation nationale qui n'a jamais vu le jour : ce ne devait être, d'ailleurs, qu'une réédition des idées contenues dans ses ouvrages antérieurs. Il fut membre de la Commune de Paris après le 10 août, et, en cette qualité, chargé de donner des soins médicaux à Louis XVI pendant la détention de celui-ci. Lors de la création de l'Académie de législation, il y devint pro fesseur de médecine légale. Dans la dernière partie de sa carrière, il fit paraître encore divers ouvrages d'enseignement et de médecine, entre autres un Art d'étudier et d'enseigner les langues française et la tine séparément et conjointement, 1804. Verdier est mort à Paris en 1820.

James Guillaume