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Vacances (colonies de)

C'est de Suisse que nous est venue l'institution des colonies de vacances, et c'est l'initiative privée qui l'a introduite chez nous.

La première colonie scolaire fut conduite, en 1876, sur une montagne d'Appenzell, par son fondateur, M. Bion, pasteur à Zurich. Cinq ans plus tard, en 1881, un pasteur parisien, M. Lorriaux, suivait cet exemple et envoyait une petite colonie de fillettes dans un village de Seine-et-Marne. Cette tentative modeste ayant réussi, il fondait l'année suivante l'OEuvre des Trois-Semaines, qui prit vite de l'accroissement. A la même date, Mme de Pressensé, qui, avec quelques dames charitables, avait organisé diverses oeuvres de secours {OEuvre de la Chaussée du Maine), y ajoutait une colonie de vacances.

C'est alors (1883) qu'un délégué cantonal de Paris, M. Edouard Cottinet, proposa au conseil d'administration de la Caisse des écoles du IXe arrondissement d'imiter l'entreprise de M. Lorriaux et de Mme de Pressensé. Il n'obtint que 500 francs, mais, grâce aux dons de quelques particuliers, il put cependant former deux groupes de petits colons, et installer les garçons dans les bâtiments de l'école normale de Chaumont, située hors de la ville, et les filles à Luxeuil, dans un pensionnat privé.

Comme tout se passa bien, M. Cottinet ouvrit, pour promouvoir son oeuvre, une campagne de presse dans laquelle Francisque Sarcey lui prêta son concours. Néanmoins, l'initiative prise par le IXe arrondissement tardait à trouver des imitateurs. Heureusement, M. Cottinet parvint à gagner à sa cause le conseil municipal. En 1887, M. Hovelacque faisait approuver un rapport où, en déconseillant les voyages de vacances, il déclarait que l'institution des colonies scolaires paraissait « particulièrement recommandable ». Cet avis devait être transmis aux comités d'administration des caisses des écoles. De plus, une proposition de M. Gaufrés, votée à l'unanimité, permettait aux mairies d'appliquer aux colonies les subventions allouées par le conseil aux voyages de vacances.

Cette même année, MM. Gréard, Buisson et Carriot, en donnant à l'oeuvre des marques d'intérêt, lui imprimèrent la plus heureuse impulsion. Une société fut formée pour activer la propagande et préparer l'organisation des colonies à créer ; son comité central, présidé par Gréard, reconnut l'utilité d'une Instruction générale, qui devrait renseigner les caisses des écoles et les délégations cantonales, comme tous autres groupes désireux de fonder des colonies, sur les nécessités qui s'imposent à leur formation et à leur fonctionnement. Cette Instruction, rédigée par M. Cottinet, donna les indications les plus complètes et les plus précises sur tout ce qui touche à l'admission des colons, à leur surveillance, à leur régime, au choix des locaux où ils pouvaient être installés.

Le type adopté fut celui de la colonie groupée ; on écarta le système familial où les enfants sont colonisés chez des paysans, nourris comme eux, mêlés à leurs travaux ; on estima qu'il ne convenait pas à de petits citadins anémiques, qu'il ne s'agit pas d'endurcir, mais de revivifier.

Le caractère et l'objet de l'institution furent, au reste, très nettement définis par M. Cottinet dans les lignes suivantes : « Les colonies de vacances sont une institution d'hygiène préventive au profit des enfants débiles des écoles primaires, des plus pauvres entre les plus débiles, des plus méritants entre les plus pauvres. — Elles n'admettent pas de malades. — Elles ne sont pas une récompense. — Leur objet est une cure d'air aidée par l’exercice naturel en pleine campagne, par la propreté, la bonne nourriture, la gaieté. » Cette définition des colonie scolaires fait assez voir qu'elles sont avant tout et surtout une institution d'assistance, une oeuvre d'humanité.

Aussi le Conseil municipal de Paris ne leur a-t-il pas marchandé ses encouragements et son appui financier. En 1889, il votait en leur faveur 45 000 francs ; cette subvention était portée à 200 000 francs en 1902 ; en 1910, elle s'élève à 223 700 francs.

C'est à Paris que les colonies de vacances ont pris le plus de développement et ont reçu l'organisation la plus complète. A l'heure présente, certains arrondissements parisiens possèdent des villas qui leur permettent de donner à leurs colonies une installation durable : telles sont les villas de Saint-Germainen-Laye, Mers, le Tréport, Luzancy, Châtillon-sur-Seine, Mandres-sur-Vair, etc.

Les municipalités de province, parce que les colonies y répondent à des besoins moins pressants et parce qu'elles disposent de moins de ressources, n'ont pas fait autant que Paris. On pourrait cependant citer en assez grand nombre des villes qui votent des sommes plus ou moins fortes pour que les petits écoliers pauvres et maladifs puissent profiter d'une cure d'air.

Il faut noter, en outre, que la bienfaisance privée s'emploie volontiers à créer des colonies scolaires. On un saurait songer ici à donner une énumération, même très abrégée, des oeuvres qui ont été ainsi fondées. Il convient cependant d'en mentionner quelques-unes, soit parce qu'elles remontent à la première heure, soit parce qu'elles présentent quelque trait original.

A Paris, outre l'OEuvre des Trois-Semaines et l'OEuvre de la Chaussée du Maine, dont nous avons déjà parlé et qui sont de plus en plus prospères, nous signalerons l'OEuvre (israélite) des séjours à la campagne, et les colonies qui ont été organisées à Bercklage et à Vermondans par l'Association des instituteurs de la Seine. Cette dernière oeuvre, qui date de 1897, a une physionomie particulière : elle s'est donné pour but, les colonies municipales étant faites pour les indigents, de recruter ses colons parmi les enfants des petits commerçants, des petits employés, en un mot parmi les familles des gagne-petit, en demandant aux parents de contribuer aux dépenses dans la mesure de leurs moyens.

Comme on tend à apprécier de plus en plus les cures d'altitude, les OEuvres des enfants à la montagne se sont multipliées depuis quinze ans environ. Une des premières de ce genre, la première peut-être, est due au pasteur Comte, qui sut obtenir pour elle des subventions des municipalités de Saint-Etienne et de Firminy. Plus récente, celle qui a été instituée en 1906 par l'Association amicale des anciens élèves de l'école normale de la Seine est, au témoignage de M. Edouard Petit, un modèle d'organisation et peut être donnée comme type.

En somme, si l'institution des colonies de vacances n'a pas encore atteint chez nous le développement qu'elle a pris dans quelques pays, elle ne laisse pas pourtant d'être en bonne voie, et l'émulation qui se manifeste entre les municipalités et la bienfaisance privée permet d'avoir le meilleur espoir en son avenir.

Nous indiquons, à ceux qui voudraient compléter les renseignements forcément sommaires que nous avons donnés ici, le travail publié par MM. E. Plantet et A. Delpy sous ce titre : Colonies de vacances et OEuvres du grand air en France et à l'étranger (chez Hachette). On lira aussi avec profit, bien qu'il soit déjà un peu ancien, l'ouvrage du pasteur Bion : Die Ferienkolonien und verwandte Bestrebungen auf dem Gebiete der Kinder-Gesundheitspflege (Zurich, 1901). — Consulter, sur les débuts du mouvement, divers articles de la Revue pédagogique, de 1879 à 1891, et le fascicule 19 des Mémoires et Documents scolaires publiés par le Musée pédagogique (1887).

À partir de 1906, des Congrès nationaux des colonies de vacances se sont réunis, le premier à Bordeaux, le second à Saint-Quentin (1908), le troisième à Toulouse (1909), le quatrième à Paris (30 septembre-2 octobre 1910). Un rapport présenté au Congrès de Paris par M. Eugène Plantet indique qu'on comptait en France, en 1910, 705 oeuvres de colonies de vacances (dont 265 à Paris : 20 oeuvres municipales et 245 oeuvres privées, — et 440 dans les départements : 95 oeuvres municipales et 345 oeuvres privées), avec un total de 72 866 colons (dont 32 776 pour Paris). En 1901, le chiffre total des colons, pour toute la France, était seulement de 8216.

Les colonies de vacances, qui assurent aux enfants un séjour à la campagne pendant l'été, vont se compléter par une oeuvre nouvelle, celle de l'hivernage des enfants, dont l'idée, mise à l'étude dès 1906 en exécution d'un voeu du Congrès de Bordeaux, a pris corps dans l'hiver de 1909-1910 par l'envoi de 438 enfants de Paris à la Côte d'Azur pour un séjour de cinq semaines à deux mois. Le Congrès de Paris de 1910, après avoir entendu un rapport du Dr Madeuf, expliquant l'économie de l'organisation à créer pour assurer cet hivernage en pays chaud aux enfants convalescents ou débiles qui en ont besoin, a émis le voeu que les caisses des écoles fussent autorisées à affecter une fraction de leur budget des colonies de vacances aux colonies d'hivernage ; que les locaux d'été des colonies de vacances pussent, partout où la chose serait possible, servir pendant l'hiver aux convalescents anémiés, etc. ; et que dans certaines circonstances les mères de famille fussent autorisées à accompagner leurs enfants.

Maurice Pellisson