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Universités populaires

C'est de ces dix ou quinze dernières années que date la création des universités populaires. Celles qui ont existé, celles qui existent encore n'ont pas été, il s'en faut bien-instituées sur un modèle unique. Néanmoins elles ont eu d'abord des visées identiques, et il est permis de définir l'université populaire en disant qu'elle a pour objet d'être une école populaire d'enseignement supérieur et aussi une oeuvre d'éducation et d'action morales et sociales. Avant de développer le sens et la portée de ces termes, marquons quels ont été les débuts de cette institution.

Comme toutes choses, les universités populaires ont eu des antécédents qu'il faut rappeler : si nouvelles qu'elles paraissent, elles n'ont pas été créées en un jour, d'un seul coup ; certaines oeuvres les ont précédées qui en sont comme des ébauches. Le Cercle d'aide fraternelle et d'études sociales, fondé à Paris, en 1884, par T. Fallot, la Société populaire d'économie sociale de Nîmes, fondée par M. de Boyve en 1885, les Cours de l'Hôtel de Ville de Paris, institués le 31 décembre 1888 et qui ont duré jusqu'en 1900, l'Ecole de sociologie, de 1889 à 1893, fondée par Gustave Francolin, le Cercle d'études des employés de bureau havrais, le Cercle populaire et coopératif de Vaise, peuvent et doivent être regardés comme des préparations à l'université populaire.

En outre, un mouvement qui s'était produit en Angleterre sous le double nom de University Extension et University Settlements avait attiré l?attention et donné lieu en France à une tentative d'imitation : Voir Extension universitaire.

Mais l'université populaire est autre chose. C'est seulement en 1896 qu'elle commence à apparaître avec sa physionomie propre. A cette date, est formé, à Montreuil, par un ébéniste, M. Méreaux, un groupe d'ouvriers qui se réunissent chez lui, le soir, pour lire et s'instruire en commun. Vers le même temps, d'autres ouvriers, au faubourg Saint-Antoine, tiennent, tantôt chez un marchand de vins, tantôt chez un autre, des séances où ils causent philosophie, sociologie, art, et « mettent en commun leur maigre savoir et leurs pauvres bibliothèques ». Malgré beaucoup de tracasseries, ils réussissent à faire paraître une feuille volante, la Coopération des idées, rédigée surtout par M. Deherme, laquelle ne tarde pas à devenir une petite revue mensuelle et éveille l'attention sympathique de quelques philosophes et savants. Par là un rapprochement est insensiblement ménagé entre l'élément intellectuel et l'élément ouvrier. On se concerte, on se sonde les reins, et bientôt on décide que le moment d'agir est venu.

Le 1er janvier 1898 paraissait un appel-programme qui annonçait que « la Coopération des idées pour l'instruction supérieure et l'éducation éthique-sociale du peuple. travaillerait. à organiser méthodiquement l'éducation syndicale, coopérative, politique, sociale en un mot, du peuple ». Aussitôt après, une petite salle fut louée rue Paul Bert, et, à partir du 23 avril 1898, chaque soir, des conférences étaient faites aux ouvriers du quartier qui payaient une cotisation mensuelle de 50 centimes. On peut dire que. dès lors, la première université populaire était fondée.

Mais ce nom, elle ne le portait pas encore. Il parut pour la première fois en septembre 1898 dans la Coopération des idées ; il avait été écrit dans un article anonyme qui, en même temps, indiquait le caractère de l'institution nouvelle et traçait les voies suivant lesquelles elle pourrait se développer : « Il y aurait lieu, disait-on, de créer des universités populaires pour l'enseignement supérieur et l'éducation sociale. Créées dans les grandes villes, en pleins centres ouvriers. elles devraient, pour être fréquentées, présenter le double caractère du cercle et de l'école. Elles devraient comprendre des salles de réunion du soir avec les annexes obligées, des salles de bains-douches, salles d'escrime et de gymnastique ; puis l'université populaire proprement dite avec ses bibliothèques, ses laboratoires, musées, salles de conférences, etc. L'université populaire comprendrait ainsi l'université proprement dite, le club, et une fédération des grandes sociétés d'instruction. Pour réaliser ce projet, il semblerait très pratique de créer une société civile. » Evidemment, ce programme présentait un maximum ; mais, pour le réaliser, ne fût-ce qu'en partie, la constitution d'une société civile était, en effet, non seulement pratique, mais nécessaire. On aboutit heureusement assez vile. La société put tenir son assemblée générale constitutive le 28 février 1900. Une souscription avait permis de réunir une somme de 15 000 francs.

A dater de ce moment, les universités populaires prirent un essor qui, pendant un temps, donna lieu de concevoir le meilleur espoir de leur avenir.

Tandis que s'organisait la Coopération des idées du faubourg Saint-Antoine, d'autres U. P. s'étaient inaugurées : en 1899, la Fondation universitaire de Belleville, l'Emancipation du XVe arrondissement, puis, en janvier 1900, l'Union populaire du XIVe. Le mouvement commençait aussi en province, où des universités [populaires étaient en formation à Alais, Bar-le-Duc, Beauvais, Bourg, Châlons-sur-Marne, Clermont-Ferrand, Dijon, Montauban, Nancy, Nîmes, Bennes. ? A la fin de 1900, un progrès notable avait été accompli : il y avait 12 universités populaires à Paris. 6 dans la banlieue, 21 en province. ? Ce progrès fut plus marqué encore en 1901 : 21 universités populaires à Paris, 16 dans la banlieue, 56 en province. ? En 1902, nouvelle augmentation : on comptait à Paris 24 universités populaires, 19 dans la banlieue, 75 en province. En 1903, le total était de 131, il était de 164 en 1905, de 169 en 1906. En somme, dans un délai assez court, elles s'étaient assez multipliées, peut-être même trop. La mode s'en était mêlée : des universités populaires s'étaient ouvertes jusque dans des bourgades. Or, tous milieux ne conviennent pas à des établissements de ce genre, et, dans certains milieux, ils ne peuvent que végéter. On pouvait prévoir que certaines universités populaires ne seraient pas viables, surtout si l'on songeait au programme qu'elles se proposaient. Ce programme, dont nous avons donné une idée générale, tâchons maintenant de le faire connaître d'une façon plus détaillée et plus précise.

MM. Deherme et Séailles ont été, à la première heure, les théoriciens de l'université populaire. Voici, d'après eux, comment on y entendait, d'une façon générale, l'enseignement et l'éducation.

Comme il s'adresse à des hommes faits, de tout âge et de toute condition, on conçoit qu'en théorie l'enseignement ne peut être qu'encyclopédique. « Notre enseignement, dit M. Deherme, comportera toutes les branches du savoir physique, biologique et sociologique. » Mais, pour recevoir et donner des leçons de toutes les sciences, on ne pouvait trouver partout des auditeurs ou des professeurs ; il fallut donc, suivant les milieux, suivant les ressources en hommes, faire, dans l'encyclopédie scientifique, le choix des matières qu'il était possible d'aborder. Et, par là, les programmes d'enseignement des universités populaires durent nécessairement différer, sinon dans leur esprit et leur fond même, du moins dans leurs limites et leurs cadres.

Il y eut aussi une assez grande diversité dans la forme. Faute d'un personnel enseignant fixe, d'auditoires réguliers et assidus, c'est sous la forme de la conférence, de la conférence isolée, formant un tout, et épuisant un sujet en une séance, que l'enseignement fut distribué dans la plupart des universités populaires, surtout à leurs débuts. Cependant, il est arrivé que là où, dans les auditoires mobiles, on put distinguer des éléments permanents, on tenta de constituer des cours suivis ; et c'est ainsi que les choses se passèrent à la Solidarité du XIIIe arrondissement, par exemple. Ailleurs, on forma des « groupes d'études », suivant le type fourni par la Fondation universitaire de Belleville : un certain nombre d'auditeurs sont réunis pour passer en revue un programme nettement déterminé à l'avance ; le professeur choisit les lectures à faire, les fait précéder de rapides exposés dont il distribue ensuite le sommaire ; les auditeurs sont invités à prendre part au travail en présentant leurs objections, leurs doutes, et on les prépare à intervenir dans la discussion, en leur donnant au préalable des indications bibliographiques sur le sujet à l'étude. Ailleurs enfin, ? pour éviter les inconvénients des conférences isolées, qui dispersent l'esprit sur des sujets trop divers, et les inconvénients des cours, qui souvent rebutent par leur longueur et parce qu'ils exigent une présence ininterrompue, ? on s'appliqua à ordonner des cycles ou séries de trois ou quatre conférences ; et cette façon de procéder parait avoir été pratiquée surtout dans les universités populaires de province.

Ce n'est pas, au reste, l'enseignement qui constitue l'originalité des universités populaires. Avant tout oeuvre d'éducation et d'action sociales, l'université populaire regarde l'enseignement comme un moyen, non comme une fin. « Nous nous proposons d'instruire., mais pour éduquer, c'est-à-dire élever. » Ce qu'il y a de plus neuf et de plus intéressant dans cette tentative, c'est l'effort éducatif qu'elle poursuit. C'est là-dessus que MM. Deherme et Séailles ont surtout insisté.

A leur gré, le but de l'éducation qui doit se donner dans les universités populaires, c'est la réforme de la société telle qu'elle est aujourd'hui constituée. Mais ils pensent en même temps que cette réforme ne saurait s'accomplir si elle n'est pas précédée par la réforme morale des individus. L'éducation dans les universités populaires sera, comme ils disent, éthique-sociale ; mais le second terme ne peut être réalisé si le premier ne l'a été d'abord. Les sociétés ne sont que des abstractions ; point d'autre réalité vivante que les hommes qui les composent. Tant que les hommes ne seront pas transformés, les révolutions, les coups de force ne changeront rien que la face des choses ; ces révolutions resteront vaines, parce que le fond n'aura pas été modifié : utiles, en tant qu'elles peuvent détruire certains obstacles qui s'opposent au renouvellement de la vie, elles demeurent impuissantes à créer la vie nouvelle. Pour qu'elle commence, cette vie nouvelle, il faut des hommes désireux et capables de la vivre ; et ce n'est pas par la propagande ni par le dressage qu'on arrivera à former de pareils hommes: pour préparer leur venue, pas d'autre éducation possible que l'apprentissage de la liberté. La liberté, qui est le but suprême de cette éducation morale, en est en même temps l'instrument essentiel. L'homme doit donc d'abord poser et réaliser en lui-même, dans sa conscience, les conditions de la société vraie.

Mais, comme l'idée qui ne se traduit pas dans les faits, dans les oeuvres concrètes, reste une idée abstraite, morte, sans vertu, il faut que l'homme projette, pour ainsi dire, ces conditions au dehors et qu'il dorme à sa vie extérieure la forme de son âme. (l'est en l'aidant dans cette tâche, en lui préparant un milieu favorable pour qu'il puisse l'accomplir, que l'université populaire est surtout éducative.

En premier lieu, on y ménage le rapprochement des intellectuels et des travailleurs, et ce que l'on veut, en établissant ce commerce, c'est sans doute donner aux ouvriers l'occasion de s'instruire près des savants et des lettrés, mais on songe surtout à travailler à l'éducation sociale des uns et des autres : « Le commerce volontaire des intellectuels et des travailleurs n'est pas moins nécessaire aux uns qu'aux autres ; nous venons ici autant pour nous instruire que pour enseigner ; nous sommes une école mutuelle où chacun tour à tour est élève et maître ».

L'université populaire ne rapproche pas seulement des hommes de culture et de conditions différentes : elle accueille les représentants des opinions les plus diverses, et ils sont admis à les manifester. Ce n'est pas qu'on ait le désir de marquer l'enseignement d'un caractère éclectique, mais c'est qu'on poursuit le dessein d'écarter toute espèce de fanatisme. « Notre association, est-il dit dans les préambules des statuts de la Société des Universités populaires, ne propage aucune doctrine politique, religieuse ou philosophique particulière. Elle s'interdit donc tout prosélytisme et n'exclut que l'exclusion. Elle ne veut pas, en divisant et aigrissant les esprits, faire des partisans ; mais, en les unissant dans la recherche sincère du vrai et du bien, dans la joie du beau, faire des hommes. » En un mot, l'université aspire à être une école pratique de tolérance ; au lieu de la prêcher, elle en fait faire l'apprentissage.

De même, à l'université populaire on ne se contente pas de proposer l'idéal d'une vie sociale nouvelle ; on se persuade que cet idéal, à demeurer en suspens, comme en l'air, ne tarderait pas à se volatiliser et à se dissoudre. On s'efforce de lui donner un commencement de réalisation ; cette vie nouvelle, on veut que sans délai on s'essaie à la vivre : « Si l'action, dit M. Deherme, est rendue plus efficace par l'éducation, l'éducation ne se fait réellement et profondément que dans l'action. Nous croyons mieux à l'action qu'aux formules, à la vie qu'aux livres. » Voilà pourquoi l'université populaire considère qu'il est de son programme éducatif de créer à côté de ses chaires, de ses laboratoires, des oeuvres d'assistance : cabinets de consultations médicales, juridiques, économiques, offices de placement, assurances, mutualités, etc. Voilà pourquoi elle s'applique à développer dans son sein ou à s'annexer des syndicats, des coopératives ; sans faire fi du bien-être immédiat que peuvent procurer ces associations, elle les encourage surtout « parce qu'elles enseignent à leurs membres, comme une nécessité organique, le devoir d'agir, la socialité, la solidarité humaine».

Enfin, pour que ses membres atteignent avec moins d'effort à la capacité de recevoir cette éducation, l'université populaire se préoccupe de leur fournir les moyens de tenir leur corps en santé et leur âme en joie. Aussi considère-t-elle qu'elle doit compter parmi ses organes : une pharmacie, un restaurant de tempérance, une salle de bains-douches, une salle d'escrime et de gymnastique, un musée du soir, une salle de spectacle et de concerts.

Telle est, dans ses lignes principales, la conception que se firent de l'université populaire, de son rôle, de ses méthodes, les hommes qui, au début, furent à la tête de l'entreprise. Ils voulaient, non pas endoctriner le peuple, mais l'élever, et en l'élevant le libérer de façon qu'il prît sa place et fît son office dans la vraie société qui est « une grande amitié ». ? « Nous voulons, disait M. Gabriel Séailles, que tous soient appelés à participer à la beauté, à la vérité, à la vie morale, à ces biens précieux qui font la dignité de la personne humaine ; nous voulons par là travailler tout à la fois à la paix sociale et à l'affranchissement du peuple. » Et, du moins pendant un temps, cette direction fut assez généralement suivie.

Mais des divergences ne tardèrent pas à se produire.

On s'était prononcé pour l'élimination de la propagande, du prosélytisme, de la politique militante. Cette tendance, excellente en soi, fut peut-être exagérée ici ou là ; peut-être, sur certains points, mesura-t-on mal les sacrifices qu'il convenait de faire à l'union et à la paix sociale. Par là on déplut aux membres ouvriers des universités populaires. En mettant un soin trop jaloux à observer une attitude de neutralité, on leur donna de la défiance ; beaucoup crurent à une manoeuvre de la bourgeoisie et appréhendèrent de se livrer à des « endormeurs ». Ils se persuadèrent que la classe ouvrière devait, sans tarder, prendre la direction exclusive des universités populaires et dénoncer l'accord conclu naguère entre intellectuels et travailleurs. A leurs yeux, les universités populaires ne devaient pas avoir la paix sociale pour objet : ils voulaient en faire une arme dont le prolétariat se servirait pour la lutte. Un certain nombre d'universités populaires devinrent ainsi des institutions purement ouvrières qui se donnèrent pour raison d'être la lutte de classe et non le rapprochement des classes.

Il y eut aussi des querelles de personnes. En 1904, à la suite d'un procès engagé contre un des membres de l'université populaire du n° 157 du faubourg Saint-Antoine qu'il avait fondée, M. Deherme fut dépossédé de son oeuvre, ou de ce qu'il considérait comme tel. Tout cela ne put se passer sans des polémiques qui firent du bruit et même quelque scandale.

Enfin, dès l'origine, les universités populaires se trouvèrent aux prises avec des difficultés d'ordre matériel.

Très jalouses de leur indépendance, ces sociétés se gardèrent des démarches qui auraient pu la compromettre. Elles ne s'interdirent pas statutairement de recevoir des subventions de l'Etat ; mais, en fait, elles n'en reçurent pas, parce qu'elles n'en demandèrent point. Quelques-unes à peine, en province, furent subventionnées par les municipalités. Restant libres ainsi de tout lien, les universités populaires eurent aussi plus de peine que la plupart des sociétés d'instruction populaire à établir leur budget de recettes. Leurs seules ressources permanentes, elles les tiraient des cotisations de leurs membres, cotisations qu'il fallait mettre à un taux très bas, et qui, partant, ne pouvaient suffire aux dépenses nécessaires. Pendant un temps, des dons faits par l'élément bourgeois permirent de vivre tant bien que mal ; mais, à la suite des désaccords survenus, ces dons se firent de plus en plus rares. En somme, plus ou moins gênée suivant les milieux, la situation financière des universités populaires, en général, ne fut bonne presque nulle part. Réserve faite d'un groupe de vingt-cinq ou trente, elles sont vraiment besogneuses.

Cette gêne matérielle, ces dissentiments d'ordre moral, c'est ce que l'on a appelé la crise des universités populaires. Elle s'est ouverte vers 1903 et ne semble pas encore être close. L'institution paraît donc en souffrance à l'heure actuelle. Voici en effet ce que nous lisons dans le Rapport moral et financier présenté par Mme Marie Wathier au quatrième Congrès national des Universités populaires, tenu à Paris les 31 mars et 1er avril 1907: « Ce n'est pas sans tristesse que nous abordons le rapport moral des universités populaires dont l'existence nous est connue. ? Il serait puéril de nier que ces dix-huit derniers mois en ont vu sombrer un trop grand nombre. Des renseignements que nous possédons, il paraît résulter que des régions très diverses ont été atteintes. Le Gard et l'Hérault, qui comptaient 54 groupes, n'en comptent plus que 21, auxquels il faut ajouter Nîmes qui resta toujours isolée, et une université patronale, c'est-à-dire fondée par des patrons, à Mazamet. La Fédération du Sud-Ouest, qui comptait une douzaine d'universités populaires, en a vu disparaître deux ou trois. La Fédération lyonnaise, qui nous annonçait l'existence de dix groupes, ne nous a jamais depuis donné aucune nouvelle. Les groupes touchés isolément par nous ne nous ont pas davantage donné signe de vie, et les renseignements que nous avons obtenus nous ont appris qu'à Lyon l'oeuvre était agonisante et que, dans l'Ain, la classe ouvrière paraissait n'avoir pas répondu à cette tentative d'enseignement populaire. ? La Fédération de Paris et banlieue n'a pas été moins éprouvée : dix universités populaires ont disparu depuis le dernier Congres (1905), alors que trois seulement ont été créées. »

Faut-il voir là le signe d'une disparition prochaine? n'est-ce qu'un malaise dont l'oeuvre triomphera? Mme Marie Wathier, découragée en 1907, paraît avoir repris espoir l'année suivante. Nous lisons dans le rapport qu'elle a présenté au Congrès de 1908 : « Permettez-nous de vous dire. qu'avec le même nombre d'universités populaires, mais qui, pour un quart, ne sont pas les mêmes que l'an dernier, ce congrès représente le même nombre d'unités, c'est-à-dire près de dix mille membres. Si, dans les particularités que nous connaissons, de pénibles pertes se sont produites, il apparaît pourtant que, dans son ensemble, sans faire de bruit, le mouvement se maintient, le développement ou la création des unes arrivant à compenser à peu près la perte des autres. »

Quoi qu'il en soit, les universités populaires auront été une tentative neuve et intéressante. Leur originalité a été bien saisie par les étrangers : « Récemment, dit Mme Marie Wathier, de jeunes Américains en tournée d'études ont visité nos universités populaires grandes ou petites, et ils nous ont dit : Vos oeuvres, avec leur apparence pauvre, sont plus dignes que celles que nous avons vues partout ailleurs, et de retour en Amérique nous proposerons aux syndicats de créer des groupes sur ce principe. »

Si l'entreprise si bien commencée ne pouvait se soutenir, il faudrait souhaiter que son échec ne fût que momentané, et que l'on reprît un jour ce généreux et curieux essai de haute éducation du peuple.

Bibliographie. ? En premier lieu, voir les périodiques : La Coopération des idées, année 1894 et suiv., l'Université populaire, Bulletin de la Fédération nationale des U. P., 1905 et suiv. ; Bulletin des U. P., 1900 et suiv. ; ? puis les articles de Mlle Dick May dans la Revue socialiste, janvier et février 1901 -de M. G. Philippe dans l'Association ouvrière, mai, juin, juillet 1903, les 10e et 20e cahiers de la 3" série des Cahiers de la Quinzaine, la Revue idéaliste des 15 septembre, 15 octobre, 1" novembre 1905 ; ? enfin : La Fondation universitaire de Belleville, par J. Bardoux ; Education et Révolution, par G. Séailles ; Une tentative d'éducation et d'organisation populaires, par G. Deherme ; Les Universités populaires et le mouvement ouvrier, par Ch. Guieysse ; De la tolérance dans les Universités populaires, par L. Le Foyer.

Maurice Pellisson