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Tibet

 Le haut plateau que les Européens appellent Tibet, nom inconnu des habitants, est appelé par les indigènes Bod-youl (pays des Bod). Il est peuplé par une nation appartenant à la race dite mongole, et qui depuis quinze siècles environ a adopté la religion bouddhiste ; elle est gouvernée par son clergé (les lamas), dont le chef actuel, le Dalaï-Lama (le « prélat de l'Océan »), réside à Lassa. Le Dalaï-Lama est tributaire de l'empire chinois. « Les habitants du Bod-youl sont un peuple civilisé depuis longtemps. Par ses industries et ses connaissances, le peuple tibétain appartient au groupe des populations asiatiques les plus avancées en culture. A certains égards, la masse de la nation tibétaine est même plus civilisée que les habitants de mainte contrée d'Europe, car la connaissance de la lecture et de l'écriture est générale dans quelques parties du Bod-youl, et les livres s'y vendent à si bas prix qu'on en trouve dans les plus pauvres cabanes ; il est vrai que plusieurs de ces ouvrages sont gardés simplement à cause de leurs vertus magiques. Par le libre développement de leur langue, les Tibétains ont dépassé la période dans laquelle se trouvent encore les Chinois. Le caractère monosyllabique de leurs idiomes, très différents de toutes les autres langues de l'Asie, s'est presque perdu : tandis que le langage officiel, fixé depuis douze siècles par les prêtres, a été maintenu pour les écrits, la langue parlée, entraînée par le courant de la vie, s'est peu à peu transformée en idiome polysyllabique. Les diverses écritures bod sont dérivées des lettres devanagari employées dans les ouvrages sanscrits que les premiers missionnaires bouddhistes apportèrent au Bod-youl.» (Elisée Reclus.) Outre les bouddhistes, il y a au Tibet des Kachmiriens musulmans, des Chinois, et diverses tribus mongoles restées à demi sauvages.

« Les Tibétains sont les plus zélés des bouddhistes, quoique leur culte. ne ressemble qu'en apparence à l'ancienne religion de Chakyamouni. La vie de la plupart des Tibétains se passe en évocations et en conjurations sous forme de prières. Les six syllabes magiques, Om mani padmé houm, sont certainement la formule de prière qui se répète le plus souvent dans le monde. Ces mots sacrés, dont chacun a sa vertu spéciale, sont les premiers qu'apprenne à connaître l'enfant mongol ou tibétain ; ils forment la seule prière qu'il prononcera, mais il la dira et redira sans cesse. Il n'en connaît ni l'origine ni le sens exact, mais qu'importe ! ce n'en est pas moins le fond de la religion, le moyen de salut par excellence. Les korlo, ou moulins à prières, ne sont nulle part aussi communs qu'au Tibet : on applique même les forces de la . nature, le vent et l'eau, à faire tourner ces cylindres, dont chaque révolution montre au ciel, qui voit tout, les paroles mystiques par lesquelles sont gouvernées les destinées humaines. » (Elisée Reclus.) Le clergé tibétain, qui se recrute principalement par les aînés de chaque famille, et qui est voué au célibat, est l'objet de la vénération du peuple. « C'est de lui que dérive toute science ; les imprimeries se trouvent dans ses monastères ; outre les livres sacrés, le Kandjour et le Tandjour, il prend soin de ne publier que des ouvrages conformes à la foi, lexiques, encyclopédies ou livres de sciences diverses, ainsi que de nombreux livres qui enseignent l'art de conquérir la puissance de magie. Ce sont aussi les lamas (c'est-à-dire les insurpassables) qui exercent la justice ; eux qui, par les dîmes et par le commerce, se sont emparés de la fortune du pays. Quoique le bouddhisme ait été, dans ses commencements, la religion de l'égalité, et qu'il ait attiré à lui le pauvre peuple par l'abolition des castes, il a reconstitué les castes par la domination des prêtres : ils commandent, et tous leur obéissent. »