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Théry

Augustin-François Théry, né à Paris le 25 octobre 1796, mort le 14 mars 1878, est l'auteur de divers ouvrages d'éducation et d'enseignement dont la valeur propre et la notoriété lui donnent droit à une mention dans ce Dictionnaire.

Professeur de l'enseignement secondaire et administrateur, Théry a été fonctionnaire de l'Université pendant cinquante-deux ans sans interruption, de 1816 au 12 août 1868, notamment en qualité de recteur dans les académies de Montpellier (1844), de Rennes (1848), du Calvados (académie départementale, 1853), de Clermont-Ferrand (1854), et enfin de Caen, de 1860 à 1868 ; le 12 août 1868, il fut admis à la retraite et, un peu plus tard, nommé inspecteur général honoraire.

Il était membre de plusieurs sociétés savantes, commandeur de la Légion d'honneur, haut titulaire de plusieurs ordres étrangers.

Dans le cours de cette carrière honorable et brillante, il a publié des ouvrages littéraires dignes d'estime, des ouvrages d'enseignement pour les lycées et les collèges, d'autres enfin qui se rapportent à la pédagogie proprement dite ou à l'enseignement des écoles primaires.

Voici la liste de ces derniers : Premiers conseils aux mères (grand in-8°) ; Conseils aux mères (grand in-8° ou 2 vol. in-18 Jésus), faisant partie du Cours complet d'éducation pour les filles, édité par la librairie Hachette, et couronné en 1839 par l'Académie française comme un des ouvrages les plus utiles aux moeurs ; Modèles de discours et allocutions pour les distributions de prix (2 vol. in-12) ; Lettres sur la profession d'instituteur (1 vol. in-12, 1854), plusieurs éditions récompensées d'une médaille d'argent de la Société pour l'instruction élémentaire, la plus haute récompense que décerne cette Société ; Lettres sur la profession d'institutrice (1 vol. in-12) ; Histoire de l'éducation en France depuis le cinquième siècle (1858 et 1861, 2 vol.) ; Principes de la lecture à haute voix, à l'usage des cours d'adultes et des écoles primaires (1 vol. in-12) ; Exercices de mémoire et de lecture, en collaboration avec Dézobry (grand in-8°), etc.

Théry n'est pas un pédagogue d'une très grande originalité, et ce ne sont pas des vues particulières sur l'éducation des enfants qu'il faut chercher dans ses livres ; la plupart, ceux surtout qui ont été écrits dans la dernière période de sa vie universitaire, se ressentent aussi de l'esprit qui animait alors l'instruction publique, et, par ce côté, ils nous semblent aujourd'hui un peu étroits et un peu timides. Il ne faut pas moins savoir gré à l'auteur de s'être inspiré des meilleures doctrines de Pestalozzi et surtout du P. Girard ; d'avoir l'un des premiers songé à créer tout un ensemble de livres d'éducation et d'enseignement destinés aux jeunes filles, à une époque où la loi elle-même semblait oublier qu'il fût utile de s'occuper d'elles ; d'avoir cru plus tard à l'heureuse influence de l'instruction pour le peuple, et d'en avoir hautement affirmé la légitimité et la haute portée, quand une réaction violente et aveugle semblait vouloir ramener notre pays aux temps de l'heureuse ignorance ; d'avoir donné enfin aux règles généralement admises de l'éducation, et à la pratique intelligente, mesurée, élevée de l'enseignement dans les écoles, une forme intéressante et facilement saisissable, très certainement capable d'exercer, et qui a exercé, en effet, une action réelle sur l'esprit de beaucoup d'instituteurs.

On trouverait déjà ces qualités dans le premier livre pédagogique de Théry, les Premiers conseils aux mères, que l'Institut couronnait en 1839, lorsque l'auteur n'était encore que proviseur du collège royal de Versailles. Voici, par exemple, un passage où il montre les moyens de diriger la mémoire : « Il nous semble d'abord, dit-il, que l'exercice imposé à la mémoire de l'enfant doit être sobre, modéré. Vous ne livreriez pas à son estomac une grande quantité d'aliments, ou des aliments de digestion difficile. Faites de même. N'effarouchez pas les habitudes de l'instinct par un travail qui ne convient qu'à la réflexion déjà puissante. Que les leçons soient courtes, faciles. Qu'elles rendent le moins rude qu'il sera possible ce passage de la liberté complète d'oublier et de se souvenir à l'obligation d'une tâche à remplir, d'un travail à exécuter. Ne dites pas : C'est si peu de chose! Erreur! Vingt vers d'une fable à retenir par coeur sont, pour la petite fille de cinq ans, un labeur aussi effrayant qu'un chant de la Henriade le serait pour vous. Elle l'apprendrait facilement, soit ; mais ce qui lui est moins facile, c'est de vouloir l'apprendre, et, sans cette volonté, le dégoût, le découragement peuvent éterniser cette épreuve. Sachez vous contenter de dix vers, si vous désespérez d'en obtenir vingt : vous n'aurez pas moins réussi, et votre enfant n'aura pas moins profité. »

Théry, historien de l'éducation, n'a pas toujours cette même sûreté ni cette même mesure ; c'est ainsi qu'on lui a justement reproché ce jugement en vérité un peu trop sommaire sur les essais pédagogiques de la Révolution : « On n'étudie pas le vide, on n'analyse pas le néant ».

Son livre le meilleur et le plus populaire est celui que la Société pour l'instruction élémentaire a récompensé en 1854, et qu'elle ne distinguerait peut-être plus aujourd'hui aussi volontiers, les Lettres sur la profession d'instituteur. L'auteur y fait parler un vieux maître adressant à un jeune débutant les conseils de son expérience sur toutes les parties de l'éducation et de l'instruction des enfants, sur la conduite de l'instituteur, sur la direction de ses études personnelles, etc., etc. C'est, dans ce cadre qui prêtait aux développements concrets, tout un cours de pédagogie pratique. Il y aurait assurément beaucoup à dire sur le « bon esprit », fait de soumission et d'acceptation quand même, que l'auteur réclame pour les maîtres des écoles publiques ; nous aimons aujourd'hui à leur voir l'intelligence plus libre et les coudées plus franches. On trouve dans ce livre de Théry de bons conseils sur les méthodes et les procédés courants, applicables aux différentes branches du programme. Pédagogie de seconde main, si l'on veut, et exposée dans une langue parfois un peu longue, mais claire, facile, aimable, sans jargon et sans grands mots.

Charles Defodon