bannière

t

Tabourot

 Etienne Tabourot, écrivain du seizième siècle, né à Dijon en 1549, mort dans cette même ville en 1590, est l'auteur d'un livre bizarre publié en 1572 sous le nom de Bigarrures du seigneur des Accords (Paris, in-12, réimprimé souvent avec des additions et modifications). Ce livre, qui a valu à son auteur le surnom de « Rabelais de la Bourgogne », est un recueil de facéties licencieuses ; mais, comme dans les écrits du curé de Meudon, on y trouve à côté des bouffonneries quelques pages sérieuses, et précisément sur le même sujet qui a si heureusement inspiré Rabelais, sur l'éducation. Le quatrième livre des Bigarrures renferme un chapitre intitulé Quelques traits utiles pour l'instruction des enfants. Nous empruntons à M. G. Compayré (Histoire critique des doctrines de l'éducation en France, liv. Ier, ch. II) l'analyse de ce morceau :

« Le début en est gracieux, « Il me souvient que voyant un jour en vostre maison (Tabourot s'adresse à une dame) cinq ou six petits enfans qui se jouoyent avec leurs palettes abécédaires, vous pristes plaisir de les exciter, et faire disputer l'un contre l'autre sur les figures de leurs lettres, proposant, pour le prix des victorieux, des poires et des pommes que l'on vous avoit apportées fraischement en leur présence, et après lesquelles ils venoient sauteler et faire feste, vous en demandant sans demander. Et sur l'occasion de leur faire gagner avec peine ce qu'ils vouloient avoir, nous ne nous peusmes tenir de rire, de voir la petite jalousie et émulation de ces tendres esprits, qui s'esforçoient à l'envy de se surmonter l'un l'autre. » Tabourot part de là pour critiquer les méthodes de lecture usitées de son temps, pour demander que l'enfant apprenne à écrire avant d'apprendre à lire. Il se plaint des pédagogues qui veulent « adextrer les jeunes esprits par les choses les plus difficiles à concevoir aisément les plus faciles ». Il recommande l'élude de l'histoire et s'afflige d'ignorer la géographie. Cette ignorance, qui nous a été si souvent reprochée de notre temps, était déjà un fait constaté au seizième siècle. Enfin, il s'inspire de Montaigne, dont il cite les « gentils essais », et, à son exemple, recommande qu'on exerce le jugement des enfants. « Je serois encore bien d'advis que les régens les incitassent en classe à rendre raison de ce qu'ils estimeroient remarquable en leurs leçons. »

« Tout cela, sans doute, n'a rien de très original, mais Tabourot méritait néanmoins une mention, ne fût-ce que comme un exemple de l'inspiration grave et sérieuse qui éclate jusque chez le plus frivole des hommes, quand il pense à ses enfants et réfléchit sur l'éducation. »