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Table-Banc

La table-banc sur laquelle l'enfant va passer au moins six heures par jour à l'école communale demande une étude spéciale. Elle doit satisfaire à la fois le pédagogue et le médecin, et être adaptée aux besoins de l'enseignement et aux nécessités de l'hygiène. Elle doit chercher à favoriser le développement normal de l'enfant, et surtout ne pas nuire à l'évolution naturelle de sa croissance. C'est à l'architecte ou au constructeur à concilier les desiderata du maître et de l'hygiéniste, qui quelquefois paraissent contradictoires. Depuis longtemps déjà, dans la plupart des pays civilisés, les pouvoirs publics se sont préoccupés de cette question. Les dimensions des tables et des bancs ont été minutieusement étudiées, soit par les administrations publiques, soit par les constructeurs ; et en France, en particulier, l'Instruction ministérielle du 18 janvier 1887 (Voir Mobilier scolaire) décrit on détail les cinq types de table adoptés dans les écoles publiques.

L'ancien mobilier à places multiples, avec le banc sans dossier, séparé ou trop éloigné de la table, a été condamné par tous les hygiénistes. Il forçait l'enfant à se courber sur son pupitre pour lire ou écrire ; l'élève prenait rapidement une attitude vicieuse, qui d'accidentelle devenait bientôt habituelle. La scoliose et la myopie étaient les conséquences fatales de ce mobilier défectueux.

Barnard aux Etats-Unis, puis Schroeber à Leipzig (1858) et Fahrner à Zurich (1863), provoquèrent par leurs travaux la réforme du mobilier. En France, c est surtout aux efforts de Gréard que nous devons les modifications apportées à la table-banc.

L'enfant qui arrive à six ans à l'école primaire a un système musculaire incomplètement développé. Ses muscles ne lui permettent pas de rester longtemps dans la même position. Au bout de quelques minutes, l'élève est fatigué ; si l'on veut le forcer à rester dans la position de travail, on le voit peu à peu, s'il ne se sent pas surveillé, modifier son attitude première, se coucher sur la table ou prendre la position « uni-fessière » de Dally ou toute autre aussi mauvaise, qui lui permet de relâcher ses muscles fatigués. L'enfant a besoin de mouvement, et il doit surtout changer souvent de position.

Partant de ce principe, nous considérons que la table-banc doit permettre à l'enfant de prendre trois attitudes fondamentales : l'attitude assise de travail ; l'attitude assise de repos ; l'attitude debout.

L'attitude assise de travail, c'est la position de l'enfant écrivant : le corps droit, bien d'aplomb sur les ischions, la tête droite éloignée de 33 à 35 centimètres du pupitre, les jambes tombant verticalement, les avant-bras légèrement appuyés sur la table et permettant la mobilité du poignet.

L'attitude assise de repos, c'est la position de l'enfant appuyé sur le dossier pour écouter la leçon du maître. Pour que cette attitude soit reposante, il faut que le dossier remonte jusqu'aux omoplates.

Pour l'altitude debout, il faut que l'enfant puisse se tenir debout devant sa table pour réciter sa leçon ou pour toute autre cause, sans qu'il soit obligé de quitter son banc. Nous souhaiterions même qu'il pût y dessiner debout.

Toute table qui ne permet pas à l'enfant de prendre ces trois attitudes doit être rejetée, car elle n'est pas physiologique.

La table doit être adaptée à la taille de l'enfant. C'est pour que le maître place l'enfant à la table qui lui convient que l'Instruction ministérielle du 18 janvier 1887 ordonne, à l'article 48, aux instituteurs de mesurer les enfants à la rentrée des classes Mais en dehors de la taille, d'autres mensurations sont nécessaires pour établir le type de table qui convient à un enfant. Ce sont : 1° la hauteur du sol au creux épigastrique, l'enfant étant assis, mesure qui donne la hauteur de l'arête postérieure du pupitre ; 2° la hauteur de la jambe prise sous le genou, le pied bien à plat, la cuisse et la jambe formant angle droit : cette mesure donne la hauteur du siège au-dessus du sol ; 3° la longueur du fémur, dont les deux tiers constituent la profondeur du siège ; enfin 4° le diamètre antéro-postérieur du corps pris sur le sternum, qui, augmenté de cinq centimètres, donne la distance du pupitre au dossier.

Fahrner avait remplacé la hauteur du creux épi-gastrique par une mesure qu'il appelle la différence : c'est la longueur entre le siège et l'extrémité du coude, le bras descendant le long du corps. Mais il faut augmenter cette différence d'un certain nombre de centimètres pour obtenir la hauteur du pupitre, et nous préférons la hauteur du creux épigastrique.

Avec ces chiffres, il est facile de donner à l'enfant la table qui lui convient. Malheureusement, en France, les types de tables adoptés par le ministère sont basés sur les données de Cardot, qui a trop abaissé le pupitre de ses tables, de sorte que, d'une façon générale, les tables de nos écoles sont trop basses. Il n'y a qu'à comparer, pour s'en rendre compte, avec les tables des pays étrangers: on verra immédiatement qu'à un enfant d'un âge et d'une taille donnés correspond un numéro de table plus élevé que celui de France.

On peut dire qu'en France nos tables sont trop basses et qu'il n'y a pas un jeu assez complet de numéros, de types différents. Nous ne pouvons ici nous étendre sur cette question, nous devions seulement la signaler.

Il y a encore une autre erreur commise dans l'Instruction ministérielle. Pour les enfants les plus jeunes, et qui par conséquent sont astreints à un travail scolaire moins pénible et surtout moins assidu, les numéros de table varient de 10 en 10 centimètres. Il y a un type de table pour les enfants de 1 mètre à 1m, 10, et un autre type pour ceux de 1m, 10 à 1m, 20 ; mais, pour les enfants ayant plus de 1m, 20, il n'y a plus qu'un type de table correspondant à 15 centimètres de taille, de 1m, 20 à 1m, 35 et de 1m, 35 à 1m, 50. C'est véritablement excessif et antiphysiologique. Ce qu'il faut savoir aussi, c'est que l'enfant souffre beaucoup moins d'une table trop haute que d'une table trop basse. Du reste, la croissance normale de sa taille compensera rapidement l'exagération en hauteur, tandis qu'elle exagèrera, au contraire, les défauts de la table trop basse.

La table doit être à une seule place, pour éviter les contagions microbiennes ou parasitaires. L'objection du prix plus élevé de la table à une place ne doit pas être pour les communes une considération sérieuse. Du reste, dans la table règlementaire à deux places, il y a toujours un enfant de sacrifié. L'élève de droite avec son coude gauche repousse son voisin, qui, ne pouvant faire mouvoir son bras droit pour écrire, se tourne de côté et se place en travers de son pupitre. D'ailleurs l'exiguïté de la place, dans les tables à deux, force pour ainsi dire l'enfant à se placer ainsi, car par un illogisme incompréhensible l'enfant a, sur une table à deux places, cinq centimètres de moins que sur la table à une seule place.

La table doit être mobile pour faciliter le nettoyage, mais le maître demande qu'elle soit fixe pour que l'enfant ne puisse la déplacer. On a cherché à concilier ces desiderata en apparence contradictoires ; l'un des modèles qui semblent le mieux répondre aux exigences des maîtres et des médecins est celui de Mauchain (de Genève). Les tables sont montées sur des galets, et au moment du balayage elles peuvent être repoussées sur l'un des côtés de la salle. En Allemagne, on emploie le système Rettig, qui ne permet pas le nettoyage aussi complètement.

La table et le banc doivent être réunis afin que l'enfant ne puisse en modifier la distance. On appelle distance, en mobilier scolaire, la position du siège par rapport au pupitre s'ils étaient sur un même plan horizontal. D'où trois distances : la distance positive, lorsque le siège est éloigné de l'arête postérieure du pupitre ; la distance nulle, lorsque pupitre et banc sont sur le même plan horizontal ; la distance négative, lorsque le bord antérieur du siège rentre sous le pupitre.

La distance positive, adoptée autrefois parce qu'elle permet l'accès facile du banc, doit être rejetée, car elle force l'élève à se courber pour écrire.

Les hygiénistes n'admettent que les bancs à distance nulle ou à distance négative, cette dernière ne dépassant pas 3 à 4 centimètres. La distance négative est pour nous préférable. Mais avec des sièges à distance nulle ou à distance négative, l'enfant ne peut se tenir debout devant la table, il éprouve même une certaine gêne pour entrer dans le banc. C'est là un sérieux inconvénient. Pour y remédier, les constructeurs ont cherché à rendre mobile soit la table, soit le banc ; les modèles sont extrêmement nombreux. Nous ne pouvons les citer tous, car chaque pays en a plusieurs ; ceux de Cardot, de Schenk, de Mauchain sont les plus connus.

Le modèle le plus simple et qui nous semble le mieux concilier toutes les exigences, c'est le siège à bascule, le Pendelsitz, très employé en Allemagne. Le siège pivote autour d'un axe situé au-dessous. Lorsque l'enfant se relève, il fait basculer le siège en arrière automatiquement sans y toucher ; pour s'asseoir, il n'a qu'à appuyer légèrement sur le bord antérieur, et le banc prend sa position normale.

Nous n'insistons pas sur les détails de la table, déjà exposés à l'article Mobilier scolaire.

La tablette du pupitre doit être inclinée de 15 à 18 degrés ; l'échancrure de la tablette proposée par certains constructeurs pour faciliter la dilatation du thorax nous semble inutile. La profondeur de la tablette doit être au moins de 40 centimètres, et sa largeur de 60 à 70, selon la taille de l'enfant. L'encrier doit être encastré dans la partie inférieure droite de la tablette ; il doit être en verre ou en porcelaine, avec une petite ouverture, et facilement nettoyable.

Le casier destiné à recevoir les livres est placé sous la tablette ; il peut s'ouvrir en dessus au moyen de charnières, ou en avant. Il ne doit pas gêner les genoux de l'élève, et son nettoyage doit être facile.

La table doit avoir un appuie-pieds large, permet tant l'appui entier du pied. Nous considérons l'appuie-pieds comme une chose indispensable ; l'élève ne doit jamais avoir les pieds sur le sol.

Le siège doit être suffisamment large pour que l'enfant y soit bien assis, La hauteur du siège doit être calculée au-dessus de l'appuie-pieds. Le dossier doit remonter aux omoplates ; jamais il ne doit être formé par la partie antérieure de la table suivante. Il ne doit pas non plus chercher, comme dans certains modèles, à mouler le corps de l'enfant.

Telles sont les principales qualités que médecins et pédagogues doivent exiger de la table-banc scolaire rationnelle.

L. Dufestel