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Sturm

Jean Sturm, humaniste et pédagogue, né à Sleide, petite ville de l'ancien duché de Luxembourg, le 1er octobre 1507, a été un homme tout à la fois de la Renaissance et de la Réformation. Il a contribué pour une grande part au réveil des études classiques et à la propagation des idées protestantes. Elève du gymnase de Saint-Jérôme fondé à Liège par les frères de la Vie commune ou Hiéronymites, il prit dans cette maison, alors l'une des plus florissantes des Pays-Bas, la passion des lettres latines et les principales lignes de la méthode qu'il devait appliquer plus tard au gymnase de Strasbourg, dont il a fait l'illustration et la fortune. Etudiant à l'université de Louvain, il s'y était associé avec un imprimeur, et avait édité un assez grand nombre d'ouvrages grecs et latins. Venu à Paris dans l'intention d'écouler ses volumes, et y ayant réussi, il s'occupa d'abord quelque temps de médecine, puis ouvrit au Collège royal des cours libres, qui eurent un grand succès. Sa réputation de professeur érudit et élégant le désigna aux magistrats de Strasbourg, ce qui décida sa vocation. D'abord professeur de logique dans les écoles latines, il fut chargé de créer et d'organiser le gymnase où devait se centraliser l'enseignement secondaire de la ville ; il fut nommé, le 24 juin 1538, recteur de cet établissement, qui ne tarda pas à acquérir une importance considérable, et il conserva ces fonctions pendant plus de quarante années. A la suite de controverses théologiques où il s'était attiré la colère implacable du parti dominant, il fut destitué le 7 décembre 1581, malgré ses longs et précieux services, et il traîna dans la tristesse les dernières années de sa vie. On ne lui rendit pleine justice qu'après sa mort (1589).

Jean Sturm ne s'est pas occupé de ce que nous appelons aujourd'hui l'enseignement primaire ; il n'a eu en vue que l'enseignement secondaire ou classique. Le gymnase de Strasbourg était une école latine ; le latin était la langue par excellence qu'on y enseignait et qu'on y parlait ; l'allemand ne comptait pas, le grec était un accessoire. Loin de songer à développer l?enseignement de la langue maternelle, Sturm se plaignait que les enfants ne pussent, comme des petits Romains, apprendre le latin dès leurs premiers jours. Il tâchait d'y suppléer en commençant le plus tôt possible. Le principal et le plus fécond effort de Sturm a consisté dans l'organisation de classes bien liées, s'enchaînant méthodiquement les unes aux autres. Il avait établi neuf classes ; les élèves entraient dans la neuvième, à l'âge de cinq à sept ans, pour apprendre à lire et à écrire. Il leur faisait déjà alors commencer la grammaire latine, et leur mettait dans les mains les Lettres familières de Cicéron.

Pendant toute la durée des classes, Cicéron est le modèle ; on lit ses lettres en huitième, ses traités en septième et sixième, ses discours en tout temps ; on s'exerce à parler, à écrire en son style. Sturm ne préparait pas des enfants du peuple à la rude vie de labeur, mais des fils de bourgeois et de nobles aux carrières libérales. Il attachait la plus grande importance au bien parler, qui lui semblait l'instrument par excellence de la civilisation et du progrès. Il a aidé à dépouiller la dialectique et la philosophie du lourd et indigeste pédantisme du moyen âge. Il a su faire une place aux mathématiques, aux sciences physiques, dont il a habilement réparti l'étude en classes bien graduées. En somme, il est l'un des principaux fondateurs de l'enseignement secondaire classique tel qu'il a été continué dans les siècles suivants jusqu'à nos jours. Ce n'est que par contre-coup et d'une manière indirecte qu'il a exercé une action sur l'instruction populaire: d'abord parce qu'il a poussé à élever dans le gymnase bon nombre de boursiers pauvres, ensuite parce qu'il a ramené dans une grande mesure l'enseignement à la nature et au bon sens, et qu'il a préparé ainsi une pédagogie rationnelle et pratique, dont les principes pouvaient trouver un jour leur application dans les écoles primaires. Il voulait que la jeunesse étudiât les merveilles de la nature, fût exercée à la musique, se livrât régulièrement aux exercices du corps, non seulement aux jeux, mais à la gymnastique, à la course, au saut, à l'escrime. C'étaient autant de vues sages et fécondes, qui devaient faire leur chemin dans les esprits, expulser peu à peu les méthodes barbares, et descendre de la sphère étroite des écoles latines dans le vaste monde de l'éducation populaire.

Jules Steeg