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Stapfer

Albert Stapfer, né en 1766, à Brougg (dans le canton actuel d'Argovie, autrefois pays sujet de Berne), remplit pendant deux ans et demi (mai 1798-octobre 1800) les fonctions de « ministre des arts et des sciences » de la République helvétique. Théologien éclairé, nourri de la philosophie de Kant, il avait, à vingt-quatre ans, abandonné la carrière ecclésiastique pour celle de l'enseignement ; il occupa successivement la chaire d'humanités et de philosophie à l'Institut politique de Berne et celle de théologie à l'Académie de la même ville. La Révolution helvétique fit de lui un des chefs du gouvernement unitaire. Durant son passage au pouvoir, Stapfer s'occupa avec le plus grand zèle de la réorganisation de l'instruction publique : mais les événements ne permirent pas l'achèvement de son oeuvre, qu'il eut à peine le temps d'ébaucher. Il ne faut pas moins mentionner les principales mesures qui signalèrent sa remarquable administration. Il fit voter par les Conseils législatifs, en juillet 1798, la création dans chaque canton d'un Conseil d'éducation, ayant pour mission de nommer les instituteurs et de surveiller les études, et rédigea, à l'usage de ces autorités, des instructions détaillées, en attendant la publication d'une loi qu'il s'occupait à préparer. Il voulut fonder une école normale et en offrit la direction à Pestalozzi, qui refusa. Il créa, sous le nom de Helvetisches Votksblatt, un journal populaire dont Pestalozzi fut le rédacteur en chef. Ce fut lui qui envoya en 1798 l'auteur de Léonard et Gertrude à Stanz et qui, l'année suivante, sans se laisser arrêter par l'opposition des détracteurs de Pestalozzi, lui fournit le moyen d'essayer sa méthode dans une école de Burgdorf. Le projet de loi sur l'instruction publique élaboré par Stapfer fut agréé par le directoire helvétique, qui le présenta aux Conseils législatifs en novembre 1798 ; le Grand-Conseil commença la discussion de ce projet en 1799, et le renvoya à une commission ; mais là chose en resta là. Stapfer entreprit en outre une grande enquête sur l'état des écoles primaires : il fit adresser, en 1798, à tous les instituteurs de la Suisse un questionnaire détaillé ; les réponses à ce questionnaire, conservées aux archives fédérales, fournissent le tableau le plus complet de la situation de l'enseignement populaire dans les cantons helvétiques à la fin du dix-huitième siècle.

En octobre 1800, Stapfer dut quitter le ministère des arts et des sciences pour aller à Paris remplir les fonctions d'envoyé de la République helvétique. Il y défendit de son mieux les intérêts de la cause qui lui était chère, celle de la constitution unitaire, et il eut le regret de voir ses efforts infructueux. Lorsqu'en 1803, par l'Acte de médiation, Bonaparte eut mis fin à l'existence de la République helvétique, Stapfer rentra dans la vie privée ; mais il ne retourna pas en Suisse, où le pouvoir était désormais aux mains de ses adversaires. Il se fixa en France et y vécut jusqu'à sa mort ; sa maison, à Paris, fut, pendant de longues années, un centre littéraire et philosophique important. François Guizot fut en 1807 et 1808 le précepteur des enfants de Stapfer, et la plupart des philosophes et des écrivains marquants de l'époque de l'Empire et de la Restauration comptèrent au nombre des amis de l'ancien ministre de la République helvétique. Stapfer mourut à Paris en 1840.