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Spurzheim

Jean-Gaspard Spurzheim, célèbre phrénologue, né en 1776 à Longwich près de Trèves, étudia la médecine à Vienne, et y fit la connaissance de Gall, dont il devint le disciple. Avec lui il parcourut, à partir de 1804, l'Allemagne, la Suisse et les Pays-Bas ; en 1807, ils se fixèrent ensemble à Paris. Mais, après avoir fait en collaboration un certain nombre de publications scientifiques, ils se brouillèrent (1813), et à partir de ce moment Spurzheim continua ses travaux d'une manière indépendante. Il résida alternativement à Paris et en Angleterre. En 1832, il quitta l'Europe pour les Etats-Unis, et mourut à Boston la même année.

A l'article Gall, un de nos collaborateurs a exposé et apprécié les doctrines qui constituent la phrénologie : nous n'y reviendrons pas. Nous voulons seulement signaler deux ouvrages peu connus de Spurzheim, écrits en français et publiés à Paris, qui nous paraissent mériter d'être signalés à l'attention des éducateurs : ce sont un Essai philosophique sur la nature morale et intellectuelle de l'homme (Paris, Treuttel et Würtz, 1820). et un Essai sur les principes élémentaires de l'éducation (Paris, Treuttel et Würtz, 1822). Nous n'analyserons pas ces deux livres, qui contiennent, à côté de l'exposé de la théorie phrénologique, des vues originales souvent intéressantes. Disons seulement que l'auteur, conséquent avec sa doctrine, déclare que l'éducation ne peut rien créer ; qu'elle se borne à développer ce qui existe naturellement dans l'homme, et à donner une direction salutaire aux facultés primitives. Chacun a ses dispositions naturelles ou innées, et, sous ce rapport, l'espèce humaine se divise en différentes classes. Quelques individus « sont vraiment des élus : ils ne désirent que ce qui est bon, et font le bien naturellement ; ils aiment l'étude et les connaissances, et dans toutes leurs actions associent la morale et la philosophie ». Mais à côté de cette élite, on trouve trois autres classes d'hommes, que l'auteur définit ainsi : « La première renferme ceux qui ont une ou plusieurs facultés, supérieures et inférieures, très énergiques : ces individus peuvent être éminents en vices ou en vertus, d'après le degré de lumière de leur intelligence. A la seconde classe appartiennent ceux chez lesquels certaines facultés inférieures sont très énergiques, et les facultés supérieures très faibles ; ces individus courent risque de succomber à leurs penchants inférieurs, en proportion que les motifs supérieurs leur manquent, et qu'ils ne sont pas soutenus par une éducation bien dirigée. Chez le plus grand nombre des hommes, qui forment la troisième classe, toutes les facultés sont dans l'état moyen ; c'est sur eux que l'éducation et les circonstances extérieures exercent toute leur influence ; c'est cette classe qui a donné lieu à quelques philosophes de penser que l'homme est tout ce qu'il est par l'imitation et par l’éducation. » Nous pouvons noter, en outre, que Spurzheim conteste absolument que l'étude des langues anciennes doive être le fondement nécessaire d'une éducation libérale ; il combat également le préjugé qui attribue aux seules mathématiques le don d'exercer la faculté de raisonnement : « Quand on connaît les facultés fondamentales de l'homme, on sait que la raison ou les facultés réflectives trouvent leur application dans toutes les branches des connaissances humaines, et non uniquement dans l'étude des mathématiques ou dans celle des langues ». A ses yeux, l'étude des sciences naturelles est la plus importante de toutes. Bien qu'il ne soit pas un philosophe dans le sens qu'au dix-huitième siècle on attachait à ce mot, et qu'il parle avec respect de la religion révélée, il revendique néanmoins pour la science le droit de la libre recherche ; il insiste sur la distinction entre la morale et la religion ; et il pose ce principe, qu'un système d'éducation ne doit pas être le fruit de l'invention, et que seules l'observation et l'induction peuvent, en cette matière comme en toutes les autres, amener à la connaissance de la vérité.